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TEMOIGNAGES, DOCUMENTS ET ANECDOTES
La
vie d’une collection, d’un auteur, d’un illustrateur et même d’un
lecteur, est émaillée de témoignages, de rencontres,
d’anecdotes qu’on aimerait connaître pour mieux cerner ceux
qu’on aime.
Aussi cette rubrique,
sans être un recueil de commérages, a la prétention
de divulguer aux lecteurs quelques éclaircissements sur certains
points de détails qui peuvent l’intéresser, le faire
sourire, l’émouvoir ou simplement l’informer.
- A tout seigneur tout honneur,
laissons la place à Pierre Joubert :
(Extrait de « Souvenirs
en vrac » Editions Fleurus)
«
Juste avant la parution du Bracelet de Vermeil, que devait suivre d’assez
près La Bande des Ayacks de Jean-Louis Foncine, je fus un peu
responsable de l’appellation contrôlée de la collection.
Les éditions Alsatia,
en effet, désiraient lancer une nouvelle série pour
accueillir les premiers manuscrits de Larigaudie, le roman indianiste de
G.Gerbelaud Salagnac, Sous le signe de la Tortue, et le fameux
Bracelet de Vermeil.
Nous eûmes,
Jacques Michel et moi, une entrevue avec les directeurs parisiens et
alsaciens de la firme. Là, je planchais pour trouver un sigle, m’inspirant
d’un tas de motifs : scouts, héraldiques, idéographiques…
Tout à coup vint tout naturellement sous mon
crayon le tipi indien stylisé surmontant une flèche.
- C’est
beau çà ! Qu’est-ce que c’est ? demanda la directrice
de Paris, mademoiselle Gilleron.
- Euh…C’est un signe
utilisé par les éclaireurs. Cela veut dire : camp dans
cette direction.
- C’est trop
long ! On ne peut pas l’appeler autrement ?
- Ma foi c’est
un signe comme un autre. Chez nous on dit que c’est un signe de piste.
- Eh bien voilà,
signe de piste…c’est merveilleux çà ; « Signe
de Piste » ! Et puis la tente et la flèche, superbe… Adopté
! "
Ainsi naquit la
collection qui a dû publier dans les six millions de volumes.
Michel Bonvalet
Commentaire
d'un spécialiste : eh oui ainsi s’ écrivent les
légendes. Pour l’ Histoire, c’ est autre chose… Ce que ne
précise pas Pierre Joubert, c’est qu’ un responsable des
Scouts de France, le commissaire Jacques de Noirmont, avait déjà
écrit sous ce titre une nouvelle scoute , publiée après
sa mort en 1935 par Jacques Michel dans le recueil « le Signe
de Piste », aux éditions Alsatia…Or Jacques Michel, premier
directeur du Signe de Piste, ne pouvait pas ne pas en parler à Joubert.
Donc un doute flottait
en moi. Des amis spécialistes émirent l’ idée de
« découverte successive », « flou artistique »,
bref la paternité du concept liant signe de piste et littérature
scoute restait mystérieuse…
Jusqu’ au jour où
j’ ouvris le n° du Scout De France du 15 Août 1933, page
295, où l'on trouve la première partie de la nouvelle "Le signe
de piste" de Jacques de Noirmont illustrée par...Pierre Joubert
himself !!! Ah, les grands hommes, on les aime aussi pour
leurs petits secrets !
La première page de la nouvelle
La couverture du n°
Pour continuer avec Pierre Joubert, voici un petit dessin dédicacé à
l' un de nos membres. Et une dédicace de Jean-Louis Foncine à Alain Jamot !
*
Georges Ferney et son "Fort Carillon"
Avant la première publication en 1944 par les Editions Alsatia de son premier roman, Georges Ferney dût, comme tout auteur débutant, proposer son manuscrit qui fut analysé par le comité de lecture (dont faisait partie Serge Dalens) avant de le porter à la connaissance de Jacques Michel, directeur de la collection Signe de Piste de l'époque.Christian Floquet, héritier de Georges Ferney, nous a communiqué différents documents intéressants sur le sujet, en complément de son Entretien au coin du Net L'analyse
du manuscrit (sans doute de Serge Dalens), une lettre de l'auteur à la
directrice d'Alsatia (qu'il appelle Monsieur par méconnaissance) dans
laquelle il évoque son impatience à découvrir les illustrations de
Pierre Joubert.Les illustrations de la première édition elles-mêmes et la couverture de l'ouvrage accompagnée du dessin original.Autant de documents précieux pour les collectionneurs et les amateurs que nous sommes. Michel Bonvalet
Ci-dessous le texte de cette analyse sous le titre original du roman :
ANALYSE DE 1944
NOTE SUR « LE TRESOR DE
CARILLON » MANUSCRIT DE M. GEORGES
FERNEY.
I : Analyse de l’ouvrage.
Le marquis Hugues de
MONTFERRAT est aide de camp de MONTCALM, au combat du FORT-CARILLON. Désigné
pour faire une reconnaissance, il est capturé par les Peaux-Rouges, attaché au
poteau de torture et voué à une mort atroce. Il parvient cependant à a
'échapper durant la nuit, et à s'emparer d'un canoë qui lui permettra de
fausser définitivement compagnie aux sauvages, lorsqu’il aperçoit sur la rive
un ours gigantesque poursuivant un frêle adolescent. La bataille s'engage.
L’ours a naturellement le dessus. Alors MONTFERRAT, n'écoutant que son courage,
se précipite au secours du Jeune Peau-Rouge et lui sauve la vie. Mais d'autres
guerriers sont accourus, le marquis est à nouveau prisonnier. On le ramène au
village, ou il apprend que son obligé est le fils de MAHITAN, le Chef de la
tribu. Il n'est plus question de le supplicier, mais de le remercier. MAHITAN l’entraine
dans son wigwan, lui fait de mystérieuses confidences, et lui remet un petit
sac dont le contenu, le marquis en fait
serment ne sera remis qu'à son fils, le jour où il en aura un.
Le marquis revient au FORT CARILLON, et suit le sort de
l'Armée Française qui défend le Canada.
De retour en France, il est comblé de faveurs par le Roi qu'il a mis au courant
des révélations de MAHITAN, mais qui s'oppose à son retour aux Amériques.
Il se marie, se retire dans les terres ancestrales, après
avoir en d'abord quatre filles, il meurt peu après la naissance du fils tant
désiré.
A 20 ans, celui-ci prend connaissance des dernières volontés
de son père et se prépare à gagner l’Amérique. Il en est empêché par la Terreur qui l'envoie à l'échafaud, et
il succombe avec son secret. Mais un fils prénommé Louis lui naît quelques mois
après sa mort. Ce fils, renseigné par sa mère, essaye, mais en vain de
découvrir ce secret si bien gardé par son père.
Après lui son fils, et après son fil a le fils de son
fils... Entre temps le domaine de MONTFERRAT se révèle comme particulièrement
riche en bauxite. Des mines y sont creusées, le minerai recueilli permettant la
fabrication d'un nouveau métal, l’aluminium…
En 1938, les mines sont à leur déclin, les MONTFERRAT sont
ruinés. Le marquis actuel n'a qu'un fils de seize ans, Renaud.
Renaud n'ignore pas que son aïeul le marquis Louis
recherchait un secret qui devait être d’importance, puisque deux rois l'un
après l’autre, l'ont reçu en de longues audiences confidentielles. Un secret,
dont la découverte rétablirait surement la fortune des MONTFERRAT.
Là où les autres ont échoué, RENAUD veut réussir. Depuis des jours il fouille les greniers du
château, déchiffre les vieux grimoires, refait l’histoire de ses aïeux. Il faut
retrouver le coffret de fer qui contient, avec le sac donné par MAHITAN, le
secret des MONTFERRAT.
Mais RENAUD n'est pas seul. La Troupe à laquelle il
appartient vient camper dans la propriété. Il la met au courant et tous les
scouts de la patrouille participent aux recherches
Celles-ci sont couronnées de succès. RENAUD tire de sa
cachette le fameux coffret et découvre le secret que son aïeul a vainement
cherché.
MAHITAN a donné une terre au fils du marquis HUGUES. Cette
terre, c'est l'île aux Ours. Et au coeur de l'île est enfoui le trésor de
guerre confié par Louis XIV à CAVALIER DE LA SALLE.
Il faut que nous retrouvions nous-même le trésor, dit RENAUD.
Et nous devons gagner l'Amérique par nos propres moyens…
Le Père de l'un de ses scouts a mis son yacht à leur disposition,
pour une croisière d’un mois – après le camp de Troupe. RENAUD d’accord avec
les garçons, gagne l’Atlantique.
Après de nombreuses péripéties, Ils arrivent à bon port.
RENAUD se présente au descendant de MAHITAN, qui lui aussi, a appris de ses
pères, l’histoire du marquis HUGUES et le présent de son aïeul. Il conduit
RENAUD à son domaine. Hélas ! le trésor a disparu. Mais l’île renferme un
énorme gisement de chrysolithe, produit indispensable à la production
industrielle de l’aluminium, et rarissime. RENAUD est riche, la fortune des
MONTFERRAT est rétablie.
II : Style et
ortographe. TYLE ET ORTHOGRAPHE.
L’orthographe est excellente.
Le style est d’une très haute tenue littéraire, presque trop
distant parfois, pour un ouvrage destiné aux jeunes. Les termes techniques
abondent et les mots rares – ceux dont il faut rechercher la signification dans
le dictionnaire – foisonnent (ex : céruléen, hourdées, chartriers,
faitière, hypogée, aduste, accord, cairn…)
Le style est remarquable disons-nous. Mais jamais familier,
jamais intime. Que le lecteur se hausse jusqu’à l’auteur, si bon lui semble. Ce
livre est l’ouvrage d’un aristocrate – ou d’un professeur, écrit pour des
garçons aux mains blanches, aux ongles nets.
III. Possibilité
de plaire aux Jeunes – Collection possible.
Il est cependant susceptible d’obtenir un très gros succès,
principalement dans les milieux secondaires. Il romance l’histoire de la façon
la plus propre à captiver les jeunes, il réalise ce tour de force de soutenir
l’intérêt, sans défaillance, de la première page à la dernière. C’est un livre
construit de main de maître. Si bien construit que le jeune lecteur,
croyons-nous, prendra plus goût au récit proprement dit, qu’il n’éprouvera
d’amitié pour les héros du récit.
Quoi qu’il en soit, l’ouvrage peut être publié sans retouche
(il serait trop difficile de modifier une atmosphère qui après tout ne manque
pas d’allure, à la condition toutefois :
1° - d’expliquer
en notes, les termes techniques, et notamment les termes de marine (ex :
faseyante, loxodromie, drakkar, risées, compensation du compas, etc…)
2° - de trouver un titre à chacun des chapitres (c’est
presque indispensable dans un ouvrage pour jeunes.
3° - de transformer « LE TRESOR DE CARILLON » qui
fait trop bibliothèque rose, en « SECRET DU FORT CARILLON » (par
exemple).
4° - d’ajouter une certaine note religieuse à l’ensemble qui
en est totalement dépourvu. Voilà des enfants qui sont deux fois en péril de
mort et qui ne recommandent pas leurs âmes à Dieu.
5° - de traduire en note la devise des MONTFERRAT qui n’est
présentée au lecteur qu’en latin. Tout le monde n’entend point le grec.
6° - de supprimer partout la particule lorsque le nom de
famille est mentionné seul, c’est-à-dire sans être précédé du terme
« Monsieur » ou du prénom. On ne dit pas dans le cours d’une phrase
« De Montferrat respectait ce silence… » (p. 44) mais
« Montferrat respectait etc… »
7° - de modifier la deuxième phrase du chapitre VI de la
première partie (p. 94 et 91) le peuple n’était pas « en marche vers la
liberté » et l’auteur le sais. Le peuple se contentait de subir, tandis
que des excitateurs à gages le livraît à la lie de la population. – trois coups
de canon sur cette canaille disait Bonaparte, et le reste courrait encore.
8° - de changer le « péter » de la page 187, qui
(à notre avis) détonne par trop avec l’ensemble.
C’est sous le bénéfice de ses quelques observations, que le
manuscrit soumis à notre appréciation, nous parait devoir être très utilement
présenté au Directeur de la Collection « SIGNE DE PISTE ».
Voilà comment ce roman devint l'un des best sellers de la collection !
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