Entretien au coin du net avec Christian Dufourmantelle

Entretien au coin du Net avec...

Christian Dufourmantelle

Michel Bonvalet

Cher Christian, vous êtes l'initiateur et l'auteur de cet album :

Le Prince Eric Des illustrateurs pour un mythe

vous avez accepté de répondre à quelques questions qui permettront à nos lecteurs de vous connaître un peu mieux.

J'appartiens à une famille nombreuse. Les six garçons vont découvrir le monde chacun à sa façon. Mais quatre d'entre eux vont s'orienter vers des carrières artistiques. Deux Architectes, un peintre et un sculpteur. Je suis l'un des Architectes. Mon métier m'a sensibilisé aux questions graphiques. J'aime le dessin, la mise en page et la typographie. Ceux qui souhaitent me connaître mieux peuvent aller sur mon site nommé "Remix Meubles". Ils découvriront ainsi ma passion pour le dessin des objets (voir photo ) et pour ma méthode : La dérive inventive. Méthode de conception qui est à la base de mon étude sur les illustrateurs dérivés de Pierre Joubert.

Oui, mais pendant une courte période et d'une manière originale. Je n'ai été que Scout-Chef dans la mouvance des Scouts Marins. Ils avaient besoin d'un chef et j'étais disponible et intéressé par le mouvement Scout. Le problème était que je ne savais pas vraiment faire du bateau. Fort heureusement, mon second était bon marin. C'est lui qui est devenu Chef après mon bref passage.

Un de mes amis, beaucoup plus jeune que moi, avait affiché chez lui un grand poster du "Relais de la Chance au Roy". Une scène mystérieuse en clair-obscur (voir image). Un clocher arrondi domine une rangée de toits. Quelques Scouts remontent la rivière du village. Ce dessin que je considère aujourd'hui comme l'un des plus beaux de Joubert a bercé mon adolescence. J'en ai profité pour lire (en une nuit) le fabuleux roman de Jean-Louis Foncine.

J'avais mille raison de connaître Pierre Joubert personnellement. J'étais amoureux d'une jeune fille de sa famille. J'étais l'ami d'un passionné de bateau qui était en contact étroit avec Michel Joubert, futur Architecte naval. Malheureusement, je n'ai pas profité, à l'époque, de ces relations pour rencontrer Pierre Joubert. Je le regrette beaucoup aujourd'hui. Je crois que nous serions bien entendu !

- Quelle a été votre motivation pour réaliser ce travail important de compilation et de comparaison sur les illustrateurs du Prince Eric ?

La retraite permet d'avoir du temps pour réaliser quelque uns de ses rêves. Être le concepteur graphique d'un livre sur des illustrateurs me semblait correspondre à mes capacités. Pierre Joubert s'est imposé tout naturellement. Et, tant qu'à faire, j'ai opté pour l'un des deux thèmes fondateur de la collection Signe de Piste : "Le Prince Eric".

Il m'a fallu, dans un premier temps, réunir tous les livres et les documents nécessaires pour ce travail. Les recherches iconographiques sont amusantes ! La naissance d'une collection est une drogue douce, séduisante pour les amateurs. Voilà pour la compilation.

Je suis bien placé par mon métier d'architecte pour savoir qu'une idée ne vient pas de nulle part. Les idées sont dans l'air du temps. Serge Dalens et Joubert n'ont pas créé le mythe du "Prince Eric". Avant eux, André Lichtenberger avait fait de son "Petit Roi" un succès de librairie.. Pourquoi ne pas reprendre ce thème porteur. Par contre, nos deux amis vont faire grimper cette idée d'un petit royaume dont le prince est un enfant au rang d'un mythe tenace.

Je me suis donc intéressé aux nombreux illustrateurs qui se sont, à la suite de Joubert, emparés de ce mythe pour en faire une œuvre personnelle. Ils sont passés, parfois, par la Bande Dessinées. Un mythe n'a pas de frontière. La juxtaposition des dessins d'artistes différents permet, en effet, la comparaison, les analogies, les différences d'interprétations. Cette juxtaposition graphique est tout le sens et toute la nouveauté de mon livre.

Tenir entre ses mains son premier livre édité est un moment de plaisir, vous pouvez le comprendre facilement. Passé ce moment d'euphorie, il faut prendre du recul devant le travail accompli. Commençons par le papier tout court ! L'imprimeur chinois a fait, me semble t-il, du beau travail : papier glacé, épais, d'un noir intense pour les fonds noirs, d'une belle fidélité aux couleurs. Honnêtement, rien à redire.

Le contenu de l'ouvrage lui-même ! Il faut bien comprendre qu'un livre ne se fait pas seul. Plusieurs personnes participent activement à l'élaboration du "bouquin". Cette collaboration est magique. Elle vous donne l'occasion de travailler, de partager des moments forts avec d'autres intervenants d'horizons différents. Je pense, en particulier, aux remarquables préfaces d'Alain Jamot. Il est "une plume" que je ne suis pas. Je pense aux traitements graphiques des couvertures de Pierre-Henry Portron. Voilà quelqu'un qui prépare un catalogue raisonné des couvertures de tous les Signes de Piste qui fera date. Je pense à tout ceux qui m'ont aidé indirectement par leurs travaux sur le sujet. En particulier, vous, Michel Bonvalet.

Entouré de cette équipe professionnelle, je crois avoir réalisé un ouvrage très sérieux et particulièrement agréable à regarder et à lire, même pour ceux qui ne sont pas des spécialistes du sujet. Oui, je suis content du résultat sur le papier !

- Avez-vous contacté les illustrateurs encore vivants pour les informer de ce projet ? Quelles ont été leurs réactions ?

Bien-sûr et c'est une des partie les plus réjouissante de l'exercice. Ils se sont montrés accueillants au projet, m'on donné tous les documents dont j'avais besoin et m'on encouragé lorsqu'il le fallait.

Erik Arnoux, Emmanuel Lepage, Alain Maury, sont devenus de grands dessinateurs. Leur modestie, digne de celle de Pierre Joubert, m'a touché.

J'ai parlé des deux grands mythes fondateurs des collections Signe de Piste. J'ai traité le premier. Je vais traiter le deuxième. Toujours avec cette façon de rassembler autour de Pierre Joubert d'autres dessinateurs ayant œuvré sur le même thème. J'ai déjà réuni des documents formidables et commencé à les mettre en situation graphique. Je vous promets de belles surprises. Avec l'expérience, le deuxième livre pourrait être meilleur que le premier. Je me bats pour qu'il en soit ainsi...

Lorsque je parle chaleureusement des Éditions Delahaye, on me traite de vil flatteur. N'ai-je pas le droit de remercier l'éditeur qui m'a fait confiance et qui m'a aidé tout au long de la construction de ce livre commun. Oui, j'espère bien travailler avec sa directrice, Agnès Fénard, sur de nouveaux projets. Cela montrera à tous qu'un éditeur au moins continue à valoriser l'œuvre de Pierre Joubert et à assurer la diffusion des Signe de Piste. Tenir une petite maison d'édition est aujourd'hui bien difficile. Ceux qui ont le courage de poursuivre ce métier doivent être encouragés, aidés, remerciés. Les éditions Delahaye pour ce livre et d'autres s'ils existent.

Il y a encore beaucoup de sujets peu explorés sur Pierre Joubert. L'univers des Contes et Légendes constituerait un beau thème de réflexion par exemple. Et, il y en a bien d'autres...

Mais, je voudrais aussi sortir de l'œuvre de Joubert pour examiner de plus près les travaux d'autres poids lourds de l'illustration comme Pierre Forget, Alain d'Orange. Aucun livre ne rend hommage à leurs fabuleux dessins. C'est navrant.

Qui n'est pas passionné, s'il les a lu, par les aventures de Thierry de Royaumont" dessiné par Forget (voir ci-dessous). Comment se fait-il que les enquêtes de Stan Vérèse, illustrées par Alain d'Orange soit rigoureusement inconnues du public alors que ces Bandes Dessinées sont excellentes (voir ci-dessous). Voilà des lacunes à combler.

Mais, chaque chose en son temps, je me concentre actuellement sur le volume N°2 des Mythes Joubertien : "Les Pays Perdus". Enfin, de moins en moins perdus pour moi...

- Merci de nous avoir accordé cet Entretien au coin du Net, Christian, nous vous souhaitons une bonne chance pour votre nouvelle carrière d'auteur. Nous retrouvons la fiche lecture que nous avons consacré à votre ouvrage ici