Entretien
au coin du Net (bis) avec...
Emmanuel LEPAGE
Michel Bonvalet
C'est à Rennes, rue Victor Hugo, au
restaurant « l' Homme qui marche » (tout un programme!)
qu' Emmanuel Lepage m'a fixé rendez-vous pour cet entretien. C'est un
lieu où nous nous retrouvons de temps en temps pour des rencontres
amicales autour d'un repas.
Sur le trottoir opposé, presqu'en
face, la librairie de bandes dessinées « M'Enfin »
présente dans sa vitrine l'album « Voyage aux îles de la
désolation » en affichette et précise que l'auteur sera
présent le 29 avril après midi pour dédicacer son oeuvre.
Je suis arrivé en avance et lui avec
quelques minutes de retard. Je
l'aperçois au bout de la rue, déambulant le sac au dos, d'un pas
rapide et énergique. Silhouette de jeune homme svelte (il fait bien
moins que son âge) d'un personnage à la Joubert. Et si ce n'était
quelques fils blancs poussés en intrus sur les tempes, on
n'imaginerait pas que sa carrière dépasse les vingt ans.
Nous nous retrouvons toujours aussi
chaleureusement. Son sourire est large, franc, l'oeil vif et amical,
le regard perçant toujours curieux de ce qui l'entoure.
A
peine assis, nous entamons une
discussion sur son dernier voyage, il revient de Guyane où il a
passé quelques jours de vacances avec ses enfants,
il repart dès le lendemain pour Paris et en
Belgique, séances de signatures obligent.
Je suis d'autant plus sensible à cet
entracte qu'il m'accorde dans son emploi du temps qu'il a fait
l'effort de répondre par écrit aux questions principales que je lui
avais adressées quelques jours plus tôt.
- Une question qui a du déjà t'être posée c'est : qu'est-ce qui a motivé ce voyage à bord du Marion Dufresne alors que tu travaillais sur un tout autre projet de Bd et de carnets de voyages ?
- Caroline journaliste à l'hebdomadaire le Marin connaissait les
rotations australes du navire ravitailleur, le Marion Dufresne.
Elle a proposé à mon frère -photographe- avec qui elle avait eu
l'occasion de travailler, de monter un projet afin de pouvoir
embarquer sur ce navire. François m' y a associé. Nous pensions
qu'un dossier qui mêlerait dessins, photos et textes retiendrait plus
l'attention de ceux qui sont en charge de la gestion de ces terres australes , les TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises), a qui appartient ce navire .
Lorsque l'administration des TAAF a dit oui (alors que je n' y
croyais pas ) il était alors difficile de me défausser . ce type de
proposition ne se présente qu'une fois dans sa vie !
- Tu réponds à cette question dans l'album: Pourquoi les mers
australes, un voyage aussi long ? 4 semaines d'absence?
- C'est loin ! 4000 à 5000 km des premières côtes . Il faut y aller ! .
Ce navire ne passe que trois ou quatre fois par an .
- Qu'est-ce qui prédomine chez Emmanuel Lepage, le globe trotter au sac
à dos toujours prêt, l'artiste talenteux qui découvre de nouveaux
horizons et qui veut les transmettre ou le conteur qui s'exprime à
travers les planches et les cases de BD ?
- Hé bien un peu tout à la fois .
J'ai besoin du voyage pour nourrir mes dessins, mes histoires .
Disons que le fil conducteur reste le bonheur et la nécessité de
dessiner . Le voyage fait partie de mon équilibre, j'aime l'état dans
lequel ça me met. Je me sens vivre, j'aime le déséquilibre qu'il procure, la beauté des rencontres, le sentiment de vivre pleinement l'instant présent , d'être sans passé , sans histoire . Juste là ,
ici et maintenant .
Ceci dit , si je voyage régulièrement en effet, ça reste de très
courts séjours, aujourd'hui J'ai rencontré de "vrais"
voyageurs ...et j'en suis loin . Moi je rentre !
Il ya un phrase très juste dans "un thé au Sahara":" la différence
entre le touriste et le voyageur est que le touriste a son billet retour dans la tête."
- L'idée d'une bd aussi originale était-elle déjà dans ta tête avant de partir ?
-
Non, . L'idée de la bande dessinée vient de mon éditeur Claude Gendrot, des éditions Futuropolis
. j 'avais besoin de la promesse de la publication d'un livre pour
pouvoir être accepté à bord du bateau .
J'ai ,bien sûr proposé
d'abord un carnet de voyage comme j'en ai fait à Tchernobyl ou en
Amérique du sud . Mais mon éditeur a balayé cette idée , convaincu que
le carnet ne se vendait plus .
J'ai
accepté l'idée d'une BD sans savoir ce que ça allait être . Je voulais
partir , c'est tout . J'ai bien sûr commencé à y réfléchir à bord ,
mais sans idée très précise sur la forme narrative . je
savais seulement que ça allait être le récit de la rotation , un
reportage dessiné en quelque sorte.
Au
retour je me suis demandé comment incorporer les dessins dans
l'histoire, je pensais à un bouquin de 80 pages, à réaliser en trois
mois.
C'est Claude Gendrot
qui, au vu des illustrations, m'a conseillé d'utiliser la bd comme
lien. Au départ, je pensais à quelques strips, tendance un peu
humoristiques pour souligner telle ou telle situation. Par exemple lors
de notre escale à Tromelin , j'ai introduit quelques cases où mon frère
insiste pour que je reparte en me faisant remarquer la nervosité
des oiseaux qui claquaient du bec...du coup j'ai raté mon dessin.. des
anecdotes en guise de fil rouge.

La réalité s'est fait jour
page 29 quand le bateau s'éloigne du quai pour la vraie
traversée...Le trait noir de la mer, avec le quai qui s'écarte,
c'est à ce moment là que j'ai vu le scénario, la mise en scène..
en racontant ma propre histoire...
*vignettes extraites de Tintin "L'étoile mystérieuse" Editions Casterman
Les îles Kerguelen, ce n'est pas
neutre, le voyage s'inscrit dans ma jeunesse: Tintin, le capitaine
Haddock, l'étoile mystérieuse, l' Aurore ou le Sirius...tout le monde malade à bord, le sol glissant de la coursive... J'y retrouve des scènes en rapport avec la vie à bord du Marion Dufresne...L'Aurore se rendait vers le pôle Nord et nous vers le Sud...

- Au fond de chaque artiste il y a un aventurier, même derrière la planche à dessins, qu'est-ce qui fait courir Emmanuel Lepage
? Ne serait-il pas plus sage (et peut-être plus rémunérateur)
d'attacher ton oeuvre à un héros récurrent ? Une suite de Muchacho par
exemple ?
-
L'ennui assuré !. Refaire les mêmes choses ne m'intéresse
pas . Ca se sentirait de toute façon dans mon dessin . J'ai
besoin de croire à ce que je fais .
Alors oui, je préfère explorer des voies nouvelles, de nouveaux univers, voir ce qui se passe , apprendre, comprendre .
C'est
certain , on peut s'y perdre , et j'imagine la déception de certains
lecteurs qui attendraient sans doute un prolongement des
univers plus "lyriques" que j'ai pu explorer. Mais , bon , je ne fais
pas du dessin pour me répéter. Les champs qui restent à
explorer sont tellement vastes, les promesses de découvertes si
nombreuses, qu'il seraient dommage de me cantonner à un
genre, non ?
Même si celui ci me promettrait une rémunération plus conséquente.
-
Les quelques artistes que tu cites en référence (ou que tu remercies
pour leurs encouragements) ont été eux mêmes de grands voyageurs,
est-ce la volonté de suivre leurs traces qui t'anime ?
-
De suivre leurs traces , non , mais certainement l'envie de
voyager à mon tour , mais à ma façon , avec ce que je suis , mes forces
et mes faiblesses.
-
A ma connaissance il n'y a pas ou peu de bd (hors des biographies ou
des récits catastrophes type Titanic) qui n'ont d'autre objectif que de
narrer un voyage et des contacts humains enrichissants, sans autre
scénario que de transmettre des émotions personnelles au quotidien ?
- La bande dessinée de reportage existe. Tels Guibert ou Davodeau ...La démarche n'est cependant pas tout à fait la même .
- Comment as-tu été ressenti par le personnel de bord, tu devais te faire tout petit avec ton bloc a aquarelle ?
-Tous
m'ont accueilli avec bienveillance . Et puis le dessin, intrigue,
renvoie à des choses très profondes. Il explose les hiérarchies, les
classes .
Le
dessin ,on y est tous passé enfant. Avant d'apprendre à écrire ,
c'était notre moyen de partager notre imaginaire,
notre vision du monde . Certains continuent
après l'apprentissage de l'écrit . Peu.
Mais
c'est aussi l'enfance de l'humanité . Les premièrs signes
d'intelligence, d'interprétation du monde , se trouve dans l'art
pariétal.
-
Tu mélanges tout au long de l'album des techniques graphiques
différentes, aquarelle, lavis, lavis sépia, crayon gras, pastel... Tu
passes d'un récit en planches et cases à des illustrations magistrales
(et très remarquables) pleine page, du présent à des anecdotes
historiques graves...C'est un mélange des genre dans la narration comme
dans la réalisation...Est-ce que celle-ci n'a pas posée de problèmes ?
Et la mise en scène, le texte ?
-
Si ,ça a été un puzzle très complexe à monter . Mais très excitant en
même temps . Les images ont précédé le récit . Il s'est articulé
autour des dessins . J'ai donc procédé à l'inverse d'une
bande dessinée classique où le texte précède l'image . .
D'autant plus que je ne savais où j'allais . c'était très amusant !
-
160 planches ...c'est un travail énorme en si peu de mois...Le résultat
est là, c'est un livre d'aventure et de voyage extraordinaire qui se
lit comme une bd mais aussi comme un livre d'art et d'aventures.
Quelles ont été tes principales difficultés (je pense surtout à ton
problème de tendinite de l'an dernier) ?
- Organiser tout cela . J'étais pris dans le récit . dans une dynamique que je ne connaissais que dans Alex Clément .(Alex Clément est mort -editions Vents d'Ouest)
je
travaillais près de 15 heures par jour , à raison de deux pages dans la
journée . J'étais dans un état d'excitation extrême mais jamais je
crois n'avoir pris autant plaisir à faire une histoire .
Je ne savais pas où ça allait , ce que je racontais , si ça
pouvait intéresser qui que ce soit ...Mais je planais . C'était
l'essentiel
Alors oui, ma main m'a fait souffrir parfois . Mais pouvait il en être autrement ...Elle tient encore!
-
Dis nous ton secret pour faire ressentir de telles émotions au lecteur
? Est-ce en soulevant la peau des choses comme le fait Muchacho sur
demande du padre Ruben ?
-
Croire en ce que l'on fait , s'efforcer de connaître les
autres pour mieux les comprendre...et donc mieux les dessiner .
Revenir sans cesse sur le dessin jusqu'à ce que "la petite musique" semble souple et harmonieuse . Il faut bosser !
-
De cette aventure, extraordinaire pour moi et sans doute habituelle
pour les hommes que tu as accompagnés dans leur vie quotidienne, que
reste-t-il en toi ? Il y a-t-il un Lepage d'avant et d'après les Kerguelen ?
-
Sans doute . je ne vois pas nécessairement le vie avec des "avant " et
des "après" mais comme un chemin . Ca m'a appris sur le monde, les
autres... moi , je me suis nourri de ces rencontres, j'ai
côtoyé des personnes passionnantes car passionnées, j'ai tenté de le
faire partager .
-
Quelles difficultés as-tu rencontré pour réaliser tes dessins (en
dehors du mal de mer que tu soulignes dans l'album au point de le faire
ressentir au lecteur) ? T'es-tu contenté de faire des croquis pour
finaliser au chaud dans ton atelier au retour ?
-
Tous les croquis ont été faits sur place . Ca n'aurait pas grand sens
de les faire au retour . Ils sont bruts, certains portent des traces de
pluie. Bien sûr certains n'ont pu être finalisés sur place , mais tous
ont été terminés pendant le temps du voyage .
Après je ne suis plus dedans , ça devient autre chose .
Les
grandes illustrations ont été faites en premier dès mon retour, comme
si j'avais besoin de "fixer" des visions , des interprétations . J'ai
choisi de faire la bd en lavis noir et blanc de manière à ce qu'il n'y
ai pas de confusion avec les croquis faits sur place.
- Et ce mal de mer ?
-
Le mal de mer...J'en ai souffert au point que je ne croyais pas
pouvoir dessiner et celà m'inquiétais... Une énorme gueule de bois
permanente avec le coeur au bord des lèvres. Je pense que c'était
surtout du au fait que je dessinais et subissait le roulis en fixant
mon carnet. Je n'ai pas voulu mettre de patch car cela trouble un
peu la vue, ainsi François trouvais ses photos floues, à cause de la
réaction du patch.
Je n'avais jamais imaginé être malade sur un
gros bateau...mais la mer est grosse dans ces régions avec des
creux de 6/7 mètres...Impressionnant ! Qu'est-ce que ce serait si nous
avions essuyé une tempête ?
- Aujourd'hui considères-tu que tu as apprivoisé la mer sur le papier et en couleurs ?
-
Disons que je crois comprendre un peu mieux comment ça marche, la
"sentir" davantage , être capable de l'interpréter un peu mieux ...mais
bon je suis encore bien loin de mes "maîtres" en la matière!
- Au cours d'interviews et dans l'album même, tu fais référence à Pierre Joubert ou à Marin Marie...Bien
que ton style diffère, tes planches atteignent leur niveau sur le plan
technique et émotionnel. Envisages-tu, à l'instar d'un autre disciple
de Joubert, Patrice Pellerin, de te spécialiser dans ce type de représentation (bd ou tableaux) ? Qui sait de devenir peintre de Marine ?
- Non, je ne veux être spécialiste de rien .Merci pour le compliment par rapport à Joubert ou Marin Marie
, mais je n'en suis pas là . Je fais autre chose et les
admire chacun dans ce qu'ils ont développé .Mais je n'ai pas leur
niveau de compréhension , la façon qu'ils ont eu de "sentir" la mer .
C'étaient des marins ...pas moi!
-
Ce qui est remarquable dans ton récit, c'est la place accordée à la vie
communautaire, à ces hommes et femmes qui t'ont cotoyé, à ton frère et
à tes amis...Tu as mis en avant ces participants qui sont les héros de
l'aventure, y compris toi-même. Et pourtant il ne s'agit pas d'une
histoire au sens traditionnel de la bd...Il fallait que ton éditeur ait
une absolue confiance dans le résultat final ?
-
Oui, c'est ce que je lui demande . Je ne peux travailler autrement .
mais je reconnais que je dois parfois le mettre à rude épreuve . Et
puis , je me plante aussi parfois!
Oui, Claude a su me donner confiance . Il est le seul à avoir cru que je pouvais écrire ...et je l'ai cru.
-
L'aspect humain revêt une grande importance dans ton récit, tes
émotions aussi...parfois même certaines frictions voire remarques
désobligeantes des acteurs...Tu les as conservées volontairement pour que
le texte ne soit pas qu'un hymne à la famille des gens du bout du monde
?
Je
n'étais pas au pays des bisounours! Il y a eu des conflits ,
des tensions , des intérêts différents, des personnalités complexes
...mais un souci chez tous d'oeuvrer pour le bien commun . Même si la
vision du bien commun peut parfois différer !.
Je n'ai jamais considéré ce livre comme un livre
"institutionnel" et j'ai essayé d'être au plus près de ce que j'ai pu
ressentir . Il y a des choses que j'ai interprétées ,car je les ai
ressenties de telle ou telle manière ...Mais d'autres ont pu les ressentir
autrement . je suis trés attentif aux retours des gens représentés dans le livre .
De plaire ou pas, tel n'est pas le souci... mais d'être juste, ça oui.
- Il y a eu un film de réalisé sur ce voyage ?
Oui!
Nous avions à bord un cinéaste Jacques Ledoux qui devait réaliser un
film institutionnel sur les installations scientifiques. Il a eu l'idée
de faire un reportage quand il a su qu'il y avait un auteur de bd
qui faisait le voyage. Un court métrage qu'il a proposé à ARTE..;mais
qui a été refusé. Il m'avait remis les rushes inutiles, mon éditeur
s'est dit qu'il serait intéressant d'exploiter ces images pour
présenter mon travail. Anecdotique et sympathique...On se rend ainsi
mieux compte des difficultés rencontrées...surtout de la force du vent
en voyant flotter mon pantalon qui n'était pourtant pas de toile
légère. On voit une personne qui s'approche de moi, plié pour résister
à la force du vent...C'était pas facile de travailler dans ces
conditions...et puis il y avait les embruns et la pluie...
-
Envisagez-vous, ton frère, Caro et toi de donner une suite littéraire
et photographique à cette expérience voire de la renouveler vers une
autre destination ?
-
Oui, nous travaillons en ce moment sur un projet d'expo et Caro et
François sur un livre sur le Marion . Il y aura peut être certains de
mes croquis.
- A l'occasion de la catastrophe nucléaire du Japon, j'ai relu Les fleurs de Tchernobyl et admiré une fois encore la puissance émotionnelle de vos (à Gilles Chasseboeuf et à toi) aquarelles et croquis de la vie après la mort. Qu'en est-il de l'action des Dessin'acteurs ?
-
Ils ont sorti un livre sur les faucheurs volontaires . Mais cette fois
ce sont plusieurs dizaines de personnes sous la houlette du président
de l'Association Dominique Legeard (Lidwine, Marcel de la Gare) .
- Quelle réaction devant ce nouveau drame ?
- L'effroi
Qu'ajouter
de plus ? sinon clore là notre questionnaire. Nous en savions assez
même si le sujet pouvait encore être développé...Il faut lire "Voyage aux îles de la Désolation" tout est dans cet album (voir notre fiche de lecture)
Nous devisons ensuite à bâtons rompus des choses qui le passionnent... Ses amis, dont René Follet qui, à 80 ans, reprend le pinceau pour réaliser une bd, à qui il va rendre visite.
Nous parlons bien entendu de Pierre Joubert et
de ses difficultés de vue (rétrécissement du champ de vision) qui
empoisonnèrent la fin de sa vie en l'empêchant de peindre comme il
l'avait fait tout au long de son existence, le privant ainsi de son moyen d'expression essentiel.
Emmanuel garde un souvenir toujours très présent de ses discussions avec les Joubert et particulièrement Renée sur la guerre et leur proximité, due à leurs fonctions, du pouvoir en place.
En
effet, Pierre et Renée se sont rencontrés à Vichy où Pierre, employé
par les Scouts avait suivi le quartier général de l'organisation.
Renée,elle, était infirmière et, parce qu'il manquait cruellement de
main d'oeuvre et de "petites mains" dans le Vichy d'après la défaite,
elle s'est retrouvée secrétaire de Lamirand,
ministre de la jeunesse. Même s'ils ne sympathisaient pas avec les
idées du pouvoir, leur travail les ont fait cotoyer les dirigeants de
l'époque. Ce qui n'a pas manqué d'attiser la curiosité naturelle d'Emmanuel.
Il est passionné par cette période noire qu'il n'a pas connu et me conseille de visionner "Le chagrin et la pitié" que Renée considérait comme le vrai reflet de cette époque.
Nous évoquons également Tintin (à cause du voyage) et Hergé.
Emmanuel est Tintinophile comme moi, et lucide sur certaines positions
prises par l'homme par rapport au créateur qui s'est forgé une image
proche de son héros.
Il a "poli" l'histoire de sa vie dans ses entretiens avec Numa Sadoul, comme il a poli les histoires de Tintin et gommé beaucoup de "scories" révélées dans l'ouvrage passionnant de Pierre Assouline. Celà le rend plus homme mais le génie demeure intact. En complément il faut lire le livre de Benoît Peeters " Hergé, fils de Tintin" qui montre comment sa création a fait grandir l'homme Georges Rémy.
Un entretien amical qui déborde du cadre de l'interview et qui me conforte dans les qualités humaines de l'artiste.
Merci Emmanuel Lepage !
La biographie et la bibliographie d'Emmanuel Lepage figurent à la suite de l'entretien qu'il nous avait accordé en 2007 (remis à jour)