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Nous devons
cet interview à Chritia qui a rencontré Jean-Louis
FONCINE dans sa résidence d'été au sein du Pays perdu
qu'il aime tant. Le mauvais sort a voulu que quelques jours plus tard,
cet auteur talentueux, un des créateurs de la collection Signe de
Piste avec Dalens et Joubert, ait la douleur de perdre son épouse.
Nous avons voulu par cette photo prise au cours de la rencontre
conserver une trace d'un moment de bonheur.
Cet interview a une valeur exceptionnelle à nos yeux,
nous sommes heureux de vous la communiquer.
Rencontre avec "le
dernier des Ayacks"
par Chritia
- Bonjour Monsieur Foncine et
merci de me recevoir !
- Pouvez-vous vous présenter en quelques mots
?
- Je suis né à 10 mètres de la frontière
allemande en 1912 et dès que les Allemands sont entrés
dans le pays ma tante m'a pris sous son bras et m'a emmené ici,
à Malans.
Depuis j'ai passé toutes mes vacances dans ce village que
j'aime beaucoup. À un moment j'ai acheté une maison pendant
la guerre par correspondance, puis la maison d'en face pour y faire un
bureau, et puis j'ai eu des enfants qui ont acheté trois maisons,
ce qui fait que cinq maisons du village sont des maisons Lamoureux, ce qui
cause des tracas au service des postes !
J'ai sept enfants, dont quatre résident à Paris, et
les autres ont des situations diverses, Casablanca, par exemple, pour
un de mes fils. Une de mes filles, était journaliste à l'Express,
elle l'a quitté dernièrement.
J'ai une autre fille directrice du marketing pour Miele France et
qui possède une maison a Malans.
Mon fils aîné est bouquiniste au square Brassens dans
le XVe arrondissement, il fait aussi de la brocante dans l'est de la France
(Lons-le Saulnier, Besançon…).
J'ai donc sept enfants, douze petits-enfants (une petite fille qui
fait partie du corps de ballet de l'Opéra Garnier et a épousé
un danseur) et 3 arrières petits-enfants, et j'ai 92 ans alors
vous savez, il faut être indulgent sur ma façon de m'exprimer.
J'ai écrit une vingtaine de livres pour l'édition
courante, et quatre ou cinq pour la publicité, c'est-à-dire
ces petits livres publicitaires où il y avait des images à
coller, Joubert faisait les petites images et moi je faisais les textes.
- Qu'est-ce qui à l'origine vous a donné
envie d'écrire et pourquoi avez-vous écrit exclusivement
pour la jeunesse ?
- Ça a été un concours de circonstance, c’est-à-dire
que je me suis aperçu assez vite que j'avais des facilités
pour écrire.
Quand j'ai fait mes études dans un grand collège parisien
que vous devez connaître, le collège Stanislas, nous avions
fait un cercle d'étude un peu comme le Cercle des Poètes
Disparus, donc on avait des conférences deux fois par mois et moi
je faisais le compte rendu dans les bulletins du collège.
Là j'ai compris que ça me plaisait, et puis après
pendant service militaire, j'occupais une chambre.... Comme j'étais
sous lieutenant, j'avais droit à une chambre individuelle, et je
voyais des enfants qui jouaient dans la rue et qui faisaient des tours
pendables.
Ils changeaient les enseignes de magasins, ils faisaient des graffitis,
ils se bagarraient entre eux… Ça m'a donné l'idée
d'écrire quelque chose sur des gamins livrés à eux-mêmes,
et dont la société ne s'occupe pas, je n'avais pas lu La
guerre des boutons, mais vu de ma fenêtre, quoi que ce soit
dans une ville, la ville de Sélestat, c'était un succédané
de La guerre des boutons.
J'ai écrit mon premier livre à la sortie de mon service
militaire, les aventures d'une bande de gosses. Il y a deux catégories
de gosses : les gosses de famille riche et ceux qui sont livrés
à eux-mêmes. Donc les seconds, les laissés-pour-compte,
sont turbulents et bruyants, et les autres qui se moquent d'eux sont un
petit peu les rois du pays.
J'ai appelé ça La bande des Ayacks parce qu'avec
mon vieux copain l'illustrateur Joubert, on avait créé
une pièce de théâtre où il y avait justement
des gosses qui se moquaient des adultes, des adultes trop fiers d'eux,
trop confiants dans leurs préjugés.
La bande des Ayacks s'est trouvé être
l'un des premiers grands succès de la collection, et il y avait
un directeur de collection (Jacques Michel-ndlr) qui venait d'arriver
chez Signe de Piste (Alsatia Colmar/Paris) et j'ai envoyé mon
livre comme ça, par hasard, et le lendemain matin il m'a appelé
en me disant : « Mais ton bouquin, c'est exactement ce qu'on
recherche pour relancer la collection Signe de Piste ».
Il y avait aussi un bouquin ayant eu aussi un certain succès,
c'était Le Prince Eric, si vous connaissez ? Ces deux livres
ont fait un succès, la guerre est arrivée et ça s'est
vendu encore mieux pendant la guerre : la maison Alsatia avait une partie
allemande à Colmar et une partie française à Paris.
Grâce à quoi ils ont eu beaucoup de papier, et, pendant la guerre,
mon livre a été tiré de même que Le Prince
Eric et quelques autres ouvrages de Larigaudie en particulier, car
Alsatia avait du papier alors que les autres éditeurs n'obtenaient
pas, des Allemands, le papier suffisant.
Les Ayacks ont été très
vendus en milieu scout car il y avait une petite partie scoute à
la fin et il a engendré un débat chez les scouts.
Certains disaient que c'était un mauvais bouquin pour les
jeunes car les enfants se moquaient des adultes : "c'est un livre qui ne
devrait pas être autorisé" disaient-ils, et d'autres rétorquaient
: "mais si, mais si, du moment où ce sont de pauvres gosses abandonnés
à eux-mêmes, ils ont le droit de s'en prendre a ceux qui
ont des préjugés et qui sont égoïstes".
La conclusion est que j'ai gagné la partie, j'ai tellement
bien gagné qu'on m'a demandé un deuxième roman et
à ce moment-là je me suis rappelé mon village, ce
pays-ci, et j'ai écrit Le Relais de la Chance au Roy en
m'aidant de quelques documents trouvés à propos du château
de Montrambert, j'ai donc écrit une histoire se passant entièrement
par ici, dans la foret et au bourg de Pesmes.
Le souci c'est que la guerre a éclaté durant l'écriture
du Relais, les six premiers chapitres avaient été
écrits, et illustrés par Pierre Joubert.
Joubert et moi ayant été mobilisés, j'envoyais
les chapitres depuis le front et un autre illustrateur remplaçait
Joubert.
Puis tout a été réédité au retour
de Joubert à la fin de la guerre.
Après j'ai écrit dans la foulée, parce que
les scouts en voulaient toujours plus, Le Foulard de Sang
puis La Forêt qui n'en finit pas, pour que l'on
ne dise pas que je ne faisais des livres que pour les garçons.
On avait commencé à faire une collection séparée
pour les filles qui s'appelait la collection Joyeuse, et
puis les filles voulaient lire les livres de garçons alors on a remis
La Forêt qui n'en finit pas dans les Signe de Piste.
Après ça, ma carrière d'écrivain pour
la jeunesse était lancée car les scouts en voulaient toujours
plus.
Par la suite j'ai écrit des œuvres qui dépassaient
le scoutisme ou n'étaient pas scoutes du tout.
- Combien de temps avez-vous été chef
de troupe ?
- J'ai été chef de troupe très jeune car nous
manquions de chefs, j'ai donc été C.T. à 18 ans
de la Troupe de la paroisse Sainte Clotilde (13 et 14ème Paris).
Il y avait une troupe composée de tous les aristocrates du Faubourg
St-Germain et une autre troupe, composée de tous les autres, ceux
qui étaient moins fortunés.
On disait qu'il y avait une troupe aristocrate et une troupe populaire,
mais c'était une fraternité unique et nous faisions un
mélange entre les deux.
Donc j'ai été chef de troupe une première fois
en 1930/31 et après avec Pierre Joubert nous avons fait la Route
(branche aînée du scoutisme-ndlr) et nous avons fondé
un Clan nommé Clan Charles Péguy, car nous voulions faire
du théâtre de plein air, c'est-à-dire du feu de camp,
et nous avons travaillé en collaboration avec les Comédiens
Routiers qui s'étaient fondés à cette époque.
Et puis en 1935 nous avons fait notre service militaire à
un an d'intervalle, et quand je suis revenu, Pierre Joubert était
chef de troupe de la 51éme Paris regroupant tous les petits gars
des Halles et moi j'ai fondé la 131éme Paris à St
François-Xavier.
C'est à cette période que nous avons fait plusieurs
camps communs et lancé les grands jeux dont vous avez un exemple
dans Le Relais de la Chance au Roy.
- Dans la première version du Relais de la Chance
au Roy, M.Barbello le précepteur a réellement voulu tuer
Jean-Pierre... c'est un fou qui voulait jouer pour de bon. Dans la nouvelle
version, la fin du chapitre XIV et le chapitre XV (Le château de la
folie) ont été totalement modifiés et Barbello n'est
plus qu'un participant actif au jeu, qui est effectivement précepteur
du jeune de Ryes. Pourquoi de telles modifications ?
- C'est un pur hasard, les derniers chapitres ont été
écrits en partie pendant la guerre, puis ont été
remaniés pour les illustrations et l’on m'a demandé en même
temps de revoir le texte.
Il a changé plusieurs fois car je le trouvais mal écrit,
je n'étais pas content de moi et je me disais :"comment as-tu pu
écrire ça" donc j'ai pu changer des détails mais pas
pour des raisons morales.
Ma manière d'écrire est très particulière,
je prends des cahiers à spirales et j'écris à toute
vitesse ce qui me passe par la tête sur la page de droite et je
corrige et mets en forme sur la page de gauche.
- N'avez-vous jamais voulu écrire pour les
adultes ?
- Honnêtement parlant, ayant écrit 25 ouvrages (21 sérieux
et 3 ou 4 "alimentaires") et ayant été journaliste, directeur
de collection et directeur de librairies, j'ai manqué de temps.
J'ai tout de même écrit un livre que l'on peut dire
pour adulte, car j'ai écrit mes mémoires en deux tomes :
Un si long orage, le premier, Les enfants trahis
de 1918 à 1940 et le second Les eaux vertes de la Flöha,
tiré de l'expérience allemande, qui va de 1940 à 1945.
Ces livres continuent d'être vendus par Alain Gout, d'ailleurs
il faut le relancer celui-la car il en reste près de 500 exemplaires
dans mon bureau.
La
seconde partie parle de ma guerre… étrange guerre car j'ai été
prisonnier pendant deux ans dans un Oflag puis on m'a demandé de
m'occuper de l'organisation des jeunes que l'on recrutait pour le Service
du Travail Obligatoire et en particulier pour les fameux Chantiers de Jeunesse.
C'était un service de Vichy, mais ce n'était pas un
service collaborationniste, eux-mêmes étaient contre.
J'ai eu tous les bombardements possibles et imaginables en plus
de celui de Dresde, qui était le plus important. Notre mission
était de protéger autant que faire ce peut les travailleurs
français qui formaient des groupes autonomes, et n'étaient
pas dirigés par des Allemands.
Lors des bombardements, les Allemands avaient toujours une cave
ou une tranchée pour se protéger, mais les Français
point. Nous avons donc négocié le creusement d'une tranchée
pour que les Français se protègent des bombardements.
À la fin de la guerre, je me suis caché dans les bois
aux alentours de Dresde, au moment du bombardement, pour échapper
à la Gestapo et nous avons rejoint les Américains alors
que nous étions poursuivis par les Russes.
- Quels ont été vos rapports avec les
Scouts de France après 1947 ?
- Quand je reviens de captivité en mai 1945, le commissaire Blanchon,
qui était le beau-frère de Pierre Joubert m'a sauté
dessus et m'a dit :" il faut absolument que tu prennes la direction de
la rédaction du journal Scout parce qu'on a plus personne, ça
devient ennuyeux, on ne sait pas quoi mettre, il faudrait de l'humour, qu'il
y ait des contes, des récits, des aventures vécues. Pierre
Joubert est enthousiaste pour travailler avec toi, vous êtes comme
les deux doigts de la main…". Par conséquent, ils m'ont bombardé
rédacteur en chef du journal Scout et j'ai donc travaillé avec
Pierre Joubert entre 1945 et 1948.
À partir de là, je me suis engueulé avec le
Père Forestier, l'aumônier national des Scouts de France
car le journal n'était plus assez traditionnel, qu'il y avait trop
de fantaisie et que nous ne respections pas assez l'esprit de Baden-Powell
à son goût.
Par chance, j'ai trouvé un journal qui était dirigé
par un auteur de Signe de Piste, Dubreuil, qui m'a pris comme secrétaire
de rédaction à son journal qui s'appelait France Magazine
et qui était créé de toutes pièces
et financé par la Ligue féminine d'action catholique.
Ce magazine a été publié à 120 000 exemplaires
plusieurs années. Il s'est arrêté de paraître
vers 1950.
Après, les éditions Alsatia m'ont offert de créer
une librairie spécialisée pour la jeunesse et j'ai donc
dirigé une librairie de 1950 à 1960 où je suis partie
pour Besançon.
J'ai habité Besançon de 1960 à 1974, j'y ai
été appelé en 1960 par l'Abbé Charrière
(alias Jean Valbert-ndlr) qui s'occupait de la
revue hebdomadaire religieuse, qui s'appelait Cité Fraternelle.
Il m'a demandé de faire la liaison entre un journal catholique et
un journal laïc et donc d'être adjoint du rédacteur
en chef.
Par conséquent mes enfants ont fait leurs études à
Besançon à Saint Jean.
J'étais à Besançon du samedi au lundi et je
venais à Paris du mardi au vendredi pour m'occuper d’Alsatia.
- Quand vous êtes devenu directeurs de la collection
Signe de Piste avec Serge Dalens, comment faisiez-vous un choix de livres
à publier ?
- En fait nous étions tous les deux co-directeurs de collection
et le souci était de choisir les manuscrits à éditer.
Nous avons établi que si nous voulions que ça marche,
il fallait une régularité dans les éditions et nous
avons décidé qu'il fallait faire paraître un Signe
de Piste par mois et un Signe de Piste Junior ou un Rubans Noirs (pour
les aînés) tous les deux mois.
Depuis 1954 jusqu'à 19.. (Nous avons quitté Alsatia
avec Serge Dalens dans les années 1971/1972 je crois) nous avons
suivi cette règle.
Nous recevions beaucoup de manuscrits, jusqu’à 5/6 par semaine
à cette époque, et nous nous partagions les manuscrits.
Je vais vous avouer quelque chose, c'est qu'au bout de vingt ou
trente pages de lecture et en feuilletant le manuscrit, si on a affaire
à quelque chose qui n'a aucune valeur, ce n'est pas la peine de
se fatiguer.
On lisait en général le manuscrit jusqu'au bout mais
uniquement ceux qui avaient un minimum de talent.
Alors je lisais les miens, il lisait les siens et quand on avait
sélectionné quelque chose de valeur, on le lisait tous les
deux.
Je mettais des petites notes et mon opinion sur ce qu'il fallait
changer, si la fin était bonne et je le lui passais alors lui le
lisait et l'annotait aussi, et puis après l'un de nous deux reprenait
le manuscrit et le mettait en état définitif pour l'édition.
On travaillait en conseil d'abord et ensuite l'un des deux finissait
le manuscrit : chacun faisait confiance à l'autre.
Il y a donc des manuscrits qui ont été presque entièrement
corrigés par lui et d'autres par moi.
- L'un de nos adhérants est Canadien et désirerait
savoir s’il y a eu une distribution des Signes de Piste au Canada à
une époque ?
- Entre 1940 et 1970, il y a une tentative de distribution importante
au Canada.
Ça n'a pas fonctionné car certains distributeurs s'en
moquaient : on envoyait un conteneur plein et si on leur demandait comment
ça s'écoulait, selon eux, tout allait bien, mais trois
ans après on nous retournait le conteneur sans qu'il ait été
touché.
Ça a été une assez mauvaise affaire.
Par contre ce qui est vrai, et vous pouvez le dire à ce garçon,
c'est que certains éditeurs canadiens dont je ne sais pas le nom
ni l'adresse ont fait des reproductions de Signe de Piste sans autorisation
ni rien, ils avaient les Signe de Piste et ils se sont mis en rapport avec
quelques petits éditeurs canadiens, et il y a eu ce qu'on appelle
des éditions pirates.
Ils pirataient notamment La bande des Ayacks et je possède
un exemplaire qui vient du Canada.
Donc il y a eu pendant la guerre, pour quelques titres (Le Prince
Eric, La bande des Ayacks…), des éditions pirates. C'est
vrai qu'il n'y avait pas, ou plus, de communications entre la France et
le Canada à ces moments là.
Sur le Canada, je me souviens d'un livre très célèbre
qui est de Georges Ferney, il en a peut-être plusieurs qui se passent
au Canada, mais celui la est le plus connu (Fort Carillon).
Je m'en souviens car il était très gros (le livre)
et Alsatia l'a réédité en deux volumes.
Il doit y en avoir aussi un de Pierre Fuval qui doit aussi se passer
au Canada.
- Dans vos mémoires, vous parliez de Paul Coze
comme " le seul dirigeant des Scouts de France un peu intelligent", l'avez-vous
rencontré souvent ?
- Paul et Pierre Coze, ils étaient deux frères (Paul
Coze avait aussi un frère nommé Pierre, mais c’est plutôt
Marcel, son demi-frère, qui exerça des responsabilités
dans le même groupe SDF que Paul, et qui rapatria ses archives en
France à la mort de Paul-ndlr).
J'ai rencontré Paul Coze comme un tout petit scout qui rencontrait
les grands chefs : j'avais 14 ans et Paul Coze était avec les dirigeants,
de l'époque, le commandant Lhôpital, le général
Lafont…Il y avait le maréchal Pétain aussi qui était
président du comité d'honneur des Scouts de France et qui
venait aux réunions importantes.
Notamment au Palais de Chaillot, je me rappelle, où on voyait
le Maréchal Lyautey tenant deux scouts aux épaules sur la
tribune du Trocadéro, et où l’on jouait une pièce de
théâtre inventée pour la circonstance.
Le Maréchal Lyautey qui était considéré
un peu comme l'inspirateur du scoutisme et dont le château en Lorraine
en est devenu un musée. Le château de Thorey est à
la fois le château de la mémoire du Maréchal Lyautey
et plusieurs salles sont consacrées au scoutisme.
Paul Coze lui-même était très admiré
car il était un excellent cavalier et un excellent lanceur de
lasso.
Peu de temps après, Paul Coze est parti aux Etats-Unis et
il a obtenu un poste important comme directeur des archives indienne, il
est resté aux Etats-Unis et au Canada (P.Coze fut invité
par John Collier, Commissaire aux Affaires Indiennes à Washington,
à effectuer une mission en 1934 à Santa Fe, notamment auprès
des tribus Pueblo, Navaho et Hopi, puis devint résident américain
et exerça une activité de peintre, d’enseignant, et de consul
honoraire de France jusqu’à sa mort-ndlr).
Il n'était pas dirigeant du scoutisme, mais plutôt
"vedette", il faisait le spectacle, alors dire qu'il était intelligent
ou pas intelligent …C'est comme si on me demandait si Brigitte Bardot
était la plus intelligente des stars de ce moment-là (Paul
Coze, le seul cerveau du mouvement…,JLF, in Un si long orage, page 106..-ndlr).
Ils évoluaient (Paul et son frère) surtout dans des
exercices physiques, ils étaient basés sur toutes les traditions
de Baden-Powell, les écritures secrètes, les écritures
indiennes, les signes indiens, toutes sortes de choses comme ça
mais ils n'étaient pas de vrais dirigeants.
Les vrais dirigeants à l'époque c'était le
commandant Lhôpital qui est resté un certain temps, et le
général Lafont par exemple.
Mais on ne peut pas dire que c'est l'intelligence qui caractérise
la personne de Paul Coze, il n'était sûrement pas idiot puisqu'il
a été assez important aux Etats-Unis après pour
s'occuper des traditions Indiennes, donc on n’a pas pris n'importe qui
mais de la à dire qu'ils ont une action sur la manière dont
a progressé le scoutisme des Scouts de France à l'époque
où j'avais 14 ans en 1926…(Paul Coze fut directeur de la revue
Scout et Commissaire National Eclaireur de la fin des années vingt
jusqu’en 1934-ndlr).
- Avez-vous des anecdotes croustillantes sur Jean
de La Hire (notamment son appartenance au groupe Collaboration pendant
la guerre) ?
- Non pas du tout !
J'ai connu Jean de La Hire, physiquement, tout à fait par
hasard, parce que nous avons fait à un moment donné un petit
groupe de cinéastes routiers : nous voulions faire des films pour
la jeunesse.
A cette occasion-là, nous nous sommes retrouvés, un
jour, au château qu'occupait Jean de La Hire, en Touraine je crois.
C'était un personnage très haut en couleurs, très
pittoresque, il se faisait photographier devant des fragments d'avion
: ça se passait avant la guerre, bien entendu.
À l’époque il était l'écrivain prolixe
qui publiait notamment l'As des Boy-Scouts ou Les trois
Boy-Scouts dans la lune etc.…
Et donc on a causé avec lui, il était assez sympathique.
Il habitait un château dans lequel régnait le plus grand
désordre, c'était rempli de coupes de champagnes cassées,
de femmes et d'hommes de différents genres.
C'était un farfelu, il était fou, il était
fou.
Pendant la guerre, j'étais en Allemagne, alors s’il a fait
de la collaboration en France, je n'ai aucun rapport et aucune information
à ce sujet.
- Pourquoi avoir choisi Jean-Louis Foncine comme pseudonyme
?
- Quand j'étais gosse, j'avais 12, -13, 14 ans, j'allais en vacances
dans le Haut Jura dans un pays qui s'appelait "Chaux-des Crotenay" c'est
un pays qui est devenu célèbre car c'est un des site potentiel
d'Alésia.
On partait dans la petite voiture de mon cousin qui faisait des
visites médicales (il était médecin à Chaux-des
Crotenay) et l’on allait à Foncine-le-Bas ou Foncine-le-Haut.
Je trouvais ça joli et quand il a fallu prendre un pseudonyme,
j'ai choisi celui-la.
J'ai pris un pseudonyme car à l'époque je faisais
des études, je voulais tenter de faire les concours du Conseil d'état,
et pour passer des concours d'état il vaut mieux ne pas écrire
des bouquins "fantaisistes".
Il y a des livres qui ont paru sous le pseudo Mik Fondal, mais ça,
c'est dû à mon association avec Serge Dalens.
On a voulu faire une série policière, un peu comme
le Club des Cinq, on a créé ensemble la
base d'une série policière, mais après on a écrit
les livres en alternance, il y en a 13, j'ai fait le 13e tout seul après
la mort de Dalens.
À l’origine il y en a 12, 6 sont de lui et 6 sont de moi.
Ceux qui sont les plus chargés d'humour et d'aventure sont
de moi et par contre ceux où il y a plus de sentiment sont de
lui. Ceux de Dalens ont un peu été aidés par Monsieur
Saint Hill : Dalens voulait la perfection absolue alors il y passait un
temps fou tandis que moi j'écrivais à toute vitesse.
Si vous les lisez tous à la suite, vous devinez facilement
qui a écrit.
- Vous avez aussi écrit sous le pseudonyme
de Charles Vaudémont.
- Oui c'est un pseudonyme que j'ai pris aussi quand j'ai réédité
les petits livres publicitaires dont les images étaient faites
par Pierre Joubert.
J'ai fait comme ça quatre romans : l'un s'appelle Le trésor
de la Sonora, Le petit roi des gitans, L’étrange Monsieur
Suzuki et Sabotage au grand prix.
Le trésor de la Sonora a été
réécrit pour être édité par Signe de
Piste et je l'ai signé Charles Vaudémont.
- En 1970 vous avez annoncé une série
d'ouvrages quasi-sociologiques sur l'adolescence dans le Dictionnaire
des sociétés secrètes. Que reste-t-il de ces projets
?
- Ce n’est pas sorti sous forme de livre, c'est sorti sous forme d'articles
chez un éditeur des Champs-Élysées qui a publié
un livre sur l'histoire des sociétés secrètes et
là-dessus j'ai une dizaine de pages sur les sociétés
secrètes d’adolescents...
Par contre j'avais un projet de faire un livre sur la discipline
des écoles à travers les âges et j'ai un manuscrit
qui est complet dans mon bureau mais il ne sera jamais édité
car il n'est pas finalisé et que je ne peux plus lire désormais.
J'ai aussi fait une interview d’Ernst Jünger qui est décédé
à 102 ans ainsi que toute une étude de son œuvre qui a paru
dans la Nouvelle Revue de Paris (revue disparue depuis lors) en
1985 dans le numéro 3 je crois.
Il m'a reçu merveilleusement. C'est un homme charmant et
intelligent parlant très bien le Français appris en France
durant l'occupation.
- Avez-vous travaillé avec M. Suire (XB Leprince)
?
- Le Colonel Suire était un historien, notamment des périodes
de guerre, remarquable.
Il était aussi le grand historien de la disparition de Louis
XVII, le roi perdu.
C'est lui qui avait lancé les premières investigations
et c'est comme ça que j'ai écrit un livre sur ce sujet,
Le Lys éclaboussé, que je vous recommande
car j'y ai mis tout mon cœur.
C'est une hypothèse qui avait été très
sérieuse à un moment donné, dans un certain village
d'auvergne, on avait trouvé les traces d'un enfant mystérieux
qui avait été caché et soutenu par les royalistes
de l'endroit et qui, d'autre part, avait cette curiosité d'être
continuellement accompagné par le gardien du temple qui était
le seul qui avait pu faire échapper Louis XVII.
On a encore aujourd'hui près de La Chaise-Dieu, un village
où l’on est persuadé que Louis XVII a été
de passage là, et il y a eu des maquis, et il aurait été
tué dans un maquis quelques temps après qu'il eut atteint
sa vingtième année.
Il se serait marié avec une fille noble de la région
avec un prêtre "véritable", c'est-à-dire non assermenté,
et aurait eu un héritier ou une héritière.
Chose curieuse, quand j'ai écrit le livre, une dame m'a écrit
et m'a envoyé la photographie d'une tombe sur laquelle il y a écrit
:"ci gît Annoiye de Bourbon fille de Louis XVII" c'est marqué
en toutes lettres.
Et c'est le Colonel Suire qui m'a donné la piste.
- Quand vous écrivez un livre, comment choisissez-vous
le titre ?
- Presque toujours les choses ont une réalité matérielle.
- Pour La bande des Ayacks, pourquoi ayacks ?
- Parce que nous avions fait avec Pierre Joubert une petite pièce
sur des enfants en rébellion contre les adultes et dont le cri
de guerre était " Aïac, Aïac, Aïac …"
Pour Le Relais de la Chance au Roy, j'ai trouvé le
nom sur une ancienne carte d'état-major détaillée.
C'est une merveille de poésie ces cartes d'état-major,
les noms des pays sont tellement beaux !
Pour La Forêt qui n'en finit pas, c'est est une phrase
de Jules César qui est citée au début du livre quand
il est dit qu'on pouvait traverser la France sans quitter le couvert
des bois.
Le Foulard de Sang, ça vient de l'époque
des grands jeux. Il y eut une bagarre dans le lit asséché
d'un torrent et les garçons avaient les jambes en sang, alors Joubert
a épongé le sang avec les foulards de jeux. Pris d'une inspiration
subite, il a passé le foulard au coup d'un des garçons en
disant "toi, tu t'es bien battu, je te fais chevalier du foulard de sang
!"
Quelques troupes de Scouts de France ont encore un Ordre du Foulard
de Sang.
Le Lys éclaboussé vient du fait
que je voulais montrer le martyre de Louis XVII
Les Forts et les Purs, c'est plus inventé.
Le Glaive de Cologne, il existe en vrai. Je voulais
faire aller mes scouts en Allemagne pour retrouver la trace du père
de l'un d'eux qui a disparu et qui est en liaison avec des scouts allemands,
et, durant ces recherches, il est amené à aller visiter la
cathédrale de Cologne, dans laquelle il y a le glaive qui est sensé
être de la période carolingienne, sous vitrine.
Les lieux que j'utilise dans mes livres existent toujours, le château
de Morembert, la forêt de la Serre, le relais de poste, et les personnages
découlent souvent de mes rencontres avec des garçons qui
ont vécu des événements ou des situations similaires
comme pour Les Canards Sauvages qui ont réellement existés.
La force de la collection Signe de Piste est qu'elle met en scène
des enfants et des adolescents qui sont les héros. Les livres d'avant
reléguaient souvent les enfants au rôle de faire-valoir ou
de comique de service.
C'est ce qui a fait la force et le succès des Signe de Piste.
J'ai reçu beaucoup de lettres de lecteurs, pour poser des
questions : est-ce que tel endroit existe vraiment, par exemple.
Mais j'ai dû aussi recevoir dans ma vie, une dizaine de lettres
de personnes qui m'ont dit :"Vous avez changé ma vie, j'ai enfin
trouvé le héros que je cherchais et ça m'a aidé
à sortir d'une détresse personnelle".
C'est extrêmement gratifiant.
Carine Stacoffe
Interview de Pierre Lamoureux (Jean-Louis Foncine)
Le 10 juillet 2004 à Malans, France
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