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Lorsque nous avons
envisagé de fêter les 80 ans des Ayacks, après ceux du Prince
Eric, nous n’imaginions pas que Christian, en enquêteur passionné,
nous proposerait une œuvre de compulsions d’archives aussi dense
et importante, nous faisant découvrir au fur et à mesure des
chapitres l’influence du scoutisme sur la création de la
collection Signe de Piste et sur le théâtre moderne.
Christian Floquet,
digne héritier de Georges Ferney, en croisant les informations
recueillies nous entraîne dans une aventure exceptionnelle.
Les Ayacks ont 80
ans cette année !
Qui mieux qu’Alain Gout (en dehors du
regretté Jean-Louis Foncine à qui nous dédions cet hommage)
pouvait assurer la présentation d’un tel travail historique ?
Nous lui cédons la
plume en remerciant Christian pour cette oeuvre et les documents
rares qui l’accompagnent
Mic
LES
AYACKS ONT 80 ANS !
AVANT-PROPOS
Il y a quelque temps,
Christian Floquet me faisait part de son projet de célébrer les 80
ans du « Jeu des Ayacks ». Une œuvre collective imaginée
par le Clan Péguy en 1935 d’après un thème de jeu de Jean
Foncine et Jacques
Michel. C’est à partir de cette pièce dite « Jeu des
Ayacks », et de l’énorme succès qu’elle rencontra, que
Foncine (devenu Jean-Louis)
allait, quelques années plus tard, tirer le roman « La Bande
des Ayacks ». On sait aujourd’hui quel succès
extraordinaire il a remporté, avec des tirages à faire pâlir bien
des prix Goncourt.
Christian s’est alors lancé
dans un vrai travail de détective, recherchant les sources, étudiant
livres et documents inédits et passant des semaines à consulter les
archives de l’Association des Scouts de France. En lisant son
texte, on a l’impression de suivre une enquête
policière tant il ouvre de pistes et découvre de personnages et
d’entreprises montées par eux. C’est cette étonnante
exploration qu’il nous fait partager dans ce passionnant récit.
Ses recherches l’ont en
effet entraîné bien au-delà du projet initial, croisant les routes
d’Albert et Maurice de Lansaye (le futur Jacques Michel), de
Pierre-Louis Gérin, de Paul Coze, du père Sevin, de Léon Chancerel
et de tant d’autres que vous allez découvrir. Ce faisant, on suit
aussi les premières années de scoutisme de Pierre Joubert et Pierre
Lamoureux/Foncine quand ils n’étaient encore que des adolescents.
Et c’est alors au développement du scoutisme catholique en France
qu’on assiste, ou plutôt qu’on vit en
direct, en
les suivant dans leurs sorties en forêt, leurs camps aventureux,
l’apprentissage d’un indianisme exotique, en voyant se développer
ces inédites communautés de garçons joyeuses et fraternelles dans
la paix retrouvée de l’après Grande Guerre.
Tout
cela est connu.
Et pourtant, en lisant les pages qui suivent, on va de surprise en
surprise car plus on avance dans la lecture, plus ce scoutisme
des débuts se révèle étonnant et vivant, à l’opposé du
‘’scoutisme de papa’’ un peu gauche et vieillot
que montrent les photos d’époques : grands défilés,
uniformes un peu ridicules, avec pèlerines et grands bâtons, chapeaux
canadiens et culottes descendant aux mollets dans une ambiance
surannée. Alors que c’est le contraire qui s’est développé
dans les années 20 et 30 : ce que décrit Christian Floquet,
c’est un scoutisme novateur, conquérant et ouvert, animé par des
jeunes qui semblent vouloir tout entreprendre et tout découvrir, et
à qui le Quartier Général, loin de les freiner, permet de tout
entreprendre et tout découvrir, les laissant se lancer dans des projets divers et audacieux, en particulier dans le domaine
artistique. Comme s’il s’agissait de rattraper les années
meurtries de la guerre pour, enfin, vivre.
Une fois les troupes lancées et la formation technique
permettant de vivre en autonomie en pleine
nature acquise, tout devenait prétexte à jeux, activités et
aventures : Pierre Joubert, Jean-Louis Foncine, Albert et
Maurice de Lansaye, Paul Coze, Pierre-Louis Gérin, Georges Ferney et
tant d’autres que le lecteur va découvrir créent mille et une
activités, toujours renouvelées.
Ce qui surprend le plus, c’est
l’extraordinaire faculté de ce mouvement scout – dirigé par des
généraux qui sortent des champs de bataille et des ecclésiastiques
que leur vocation ne conduisait pas d’office à aller courir les
bois – à accepter toutes les formes d’expression et de
créativité artistique, à accueillir et exploiter tous les
talents : dramaturgiques, scéniques, littéraires, musicaux,
décoratifs, picturaux… C’est à des tout jeunes chefs que ce
mouvement confie l’animation de la revue « Scout », pas
à des professionnels. Et ils la rendent vivante et agréable à
lire, y publient contes et nouvelles, l’illustrent de leurs dessins
(c’est cette revue qui va permettre à Pierre Joubert d’exprimer
son immense talent comme, en Belgique, la revue des scouts lancera
Hergé), l’agrémentent des photos de Robert Manson et de beaucoup
d’autres. Ce faisant, ces jeunes talent vont créer le ‘’style
scout’’, orienter leurs activités, faire leur formation aux
techniques, au chant, aux grands jeux et en faire des jeunes avides
de grand air et de bonheur, tout à l’opposé des ‘’petit
soldats’’ qui,
avant-guerre, faisaient de l’hébertisme et des exercices
militaires dans les cours de lycées.
Ce sont aussi ces mêmes chefs
qui publient les premiers romans scouts avant la naissance du Signe
de Piste ; inventent des jeux théâtraux pour les feux de camp
ou les fêtes de groupe; se jettent à corps perdu dans le
Théâtre de la
Jeunesse que Léon
Chancerel, disciple de Jacques Copeau et rénovateur du théâtre,
crée spécialement pour eux : il avait compris que c’était
dans et
par le
scoutisme qu’il allait pouvoir exprimer ses idées de renouveau
théâtral et les diffuser dans le peuple. Et le mouvement avale tout
ça parce que ces jeunes comprennent que le théâtre, comme le
roman, la musique, le chant choral sont, aussi,
le scoutisme. Des musiciens composent spécialement pour les scouts
des chants inspirés du folklore et de la chanson populaire
française. Des cinéastes, notamment avec Georges Ferney, écrivent
des scénarios qui s’intègrent au scoutisme (si la guerre n’était
survenue, « La Bande des Ayacks » aurait été tournée,
avec Robert Lynen dans le rôle de Gali). Les décorateurs,
Pierre-Louis Gérin et Joubert, transforment les locaux scouts en
‘’manoirs’’ d’aventuriers. Les arts du bois s’y intègrent
aussi, jusque dans les installations de camp par l’art du
froissartage que vulgarise Michel Froissart.
Après la guerre, les fruits de l'arbre seront
beaux : les adolescents qui furent initiés à ces arts, et
leurs maîtres, vont devenir les acteurs de la vie artistique de
l’après-guerre : on connaît la carrière d’illustrateur de
Pierre Joubert ; celle, au théâtre, d’Olivier Hussenot et
Jean-Pierre Grenier (la Compagnie Grenier-Hussenot qu’Yves Robert
avait baptisée la
troupe-liberté),
ou celle de Jean Dasté (les fameux Tréteaux
de France), tous
passés par les Comédiens Routiers de Léon Chancerel ; en
musique, celle des
Frères Jacques, de César Geoffray (Mouvement A
Cœur Joie,
Choralies de
Vaison-la-Romaine) ou, en musicologie, de Jacques Chailley ; en
littérature, les centaines d’auteurs ayant produit des romans
scouts, la majeure partie dans le ‘’navire amiral’’ Signe de
Piste, certains, comme Bertrand Poirot-Delpech, après y avoir
débuté, ayant bifurqué vers le journalisme et le roman, jusqu’à
l’Académie.
Il reste à relever, dans
cette période d’éducation et de création artistique habilement
mêlées, le rôle considérable, eu égard à leur faible importance
numérique, des chefs et scouts des troupes 13ème,
14ème,
51ème
et 131ème
Paris. C’est par ces troupes que sont passés Jean-Louis Foncine,
Pierre Joubert, Albert et Maurice de Lansaye, Pierre-Louis Gérin,
c’est-à-dire un noyau particulièrement actif dont le travail
fécond a irrigué, via les revues et les camps de formation,
l’ensemble du mouvement.
Mais revenons, au « Jeu
des Ayacks », et découvrez l’étonnant récit auquel nous
convie Christian Floquet.
Alain Gout
Les fans de la collection
Signe de Piste connaissent tous « La Bande des Ayacks »,
rédigée avant-guerre par Jean-Louis Foncine et qui fait partie des
récits cultes de cette collection d’ouvrages destinés à la
jeunesse.
Son thème révolutionnaire a
su conserver, malgré les années, toute sa fraîcheur et sa
modernité. Et des générations d’adolescents ont rêvé à sa
lecture et se sont identifiés aux Ayacks de Jean-Louis Foncine.
Cet ouvrage, paru en 1938,
fête donc cette année son 80e
anniversaire. Il a donné lieu ensuite à bien des rééditions mais
aussi à d’innombrables projets, dont certains, quoique bien
avancés, ne virent jamais le jour.
Ce qu’on sait moins, c’est
que ces « Ayacks » sont nés d’un jeu scout organisé
dans une forêt de la banlieue parisienne, par les troupes 13e
et 14e
Paris de la Paroisse Sainte Clotilde, un dimanche
de novembre 1934. Puis,
au printemps suivant, de ce jeu scout fut tiré un spectacle théâtral
pour la fête de groupe de ces troupes scoutes du 7e
arrondissement.
Le spectacle remporta un vif
succès auprès de son auditoire, ce qui fit que certains projets ont
instantanément germé, dont on ne sait plus grand-chose aujourd’hui,
sinon qu’ils ont existé.
Et pourtant… Jean-Louis
Foncine évoqua ces projets dans une interview qu’il accorda à la
fin des années soixante lors de la diffusion sur le petit écran de
la série en six épisodes de « La Bande des Ayacks »
réalisée pour la télévision. Il y expliquait que différentes
tentatives en vue de porter ce récit à l’écran s’étaient
succédées durant plusieurs décennies, sans aboutir.
Pour vous les conter,
retournons à la source, c’est-à-dire tout d’abord à la
création des fameuses troupes scoutes 13e
et 14e
Paris. Car, quelque part, elles sont à l’origine de la naissance
des « Ayacks ».
C. Floquet
Avertissement
Les textes et les visuels
qui constituent cet article sont soumis à des droits d’auteurs et
ne sauraient être reproduits, totalement ou partiellement, sans
autorisation préalable.
Du
scoutisme à la littérature d'aventure pour la jeunesse...
Des
Comédiens-Routiers de Léon Chancerel au roman mythique de
Jean-Louis Foncine...
Dans la longue histoire du
scoutisme parisien, la 13e
Paris, dite aussi troupe Laperrine,
compte parmi les plus anciennes : l’association des Scouts de
France n’avait que deux ans lorsqu’elle fut évoquée dans le n°
2 de la revue Le
Chef comme ‘’étant
en formation’’. Sa fondation fut annoncée le 1er
juillet 1922. Elle recrutait en plein cœur de la capitale sur la
rive gauche : tout d’abord rattachée à la paroisse de
Saint-Germain-des-Prés, le local de cette troupe était situé au n°
7 de la rue Furstemberg ; elle avait pour aumônier un certain
abbé Delaroche ; et, pour encadrer les jeunes membres de cette
troupe au foulard vert bordé de brun, un scoutmestre nommé
Alexis-Paul Bourgeois, demeurant 52, rue de Seine
(Le Chef n° 5 –
juillet 1922).
On le retrouvera plus tard Commissaire du District de Paris-Centre.
La 14e
Paris, comme son numéro l’indique, fut fondée dans la foulée
mais on possède moins de précisions sur sa création. Elle est
mentionnée pour la première fois en septembre 1922, comme 14e
Paris, du groupe
Charles de Foucauld,
dans les colonnes du Chef
(n°7 à 9
septembre/novembre).
Elle sera, tout comme sa jumelle avec laquelle elle est intimement
liée par son parcours, rattachée à la même paroisse, avec le même
local et les mêmes dirigeants (n°18
à 20 de la revue Le
Chef d’octobre/décembre 1923).
Ses membres portent un foulard de couleur vert uni précise
l’annuaire des Scouts de France de 1930.
Les enfants de la famille de
Lansaye vont en devenir rapidement membres car cette famille
aristocratique demeure à proximité, dans un immeuble situé 37, rue
de Seine. D’abord Albert, (1903-1976), puis Maurice, (1909-1996).
Les deux fils aînés de cette famille vont marquer de leur empreinte
ces deux troupes scoutes parisiennes.
Le 13 mai 1924, Alexis
Bourgeois est définitivement nommé S.M. (scoutmestre) de la 14e
Paris (Le
Chef des mois de
juillet/août). C’est
vraisemblablement durant de cette même année que ces deux troupes
scoutes déménagent, passant de la paroisse de
Saint-Germain-des-Prés à celle de Sainte-Clotilde : les
publications du mouvement Scouts de France mentionnent une
‘’réorganisation’’ à leur sujet.
Cette même année 1924, un
tout jeune novice
vient grossir les effectifs de la 14e
Paris. Il se nomme Pierre Joubert et demeure 26, rue Saint-André des
Arts. Ce dernier relatera avec humour, beaucoup plus tard, quand il
publiera ses mémoires, Souvenirs
en Vrac, son
arrivée à la 14e
Paris dans le très chic 7e
arrondissement de la capitale, où elle partage les mêmes locaux que
la 13e
au 59 rue de Bourgogne. (Pour
information : Un document d’archive conservé au Centre
National des Guides et Scouts de France, mentionne que Pierre Joubert
prononça sa promesse scoute le Samedi 2 Mai 1925).
Dans le premier numéro de
l’année suivante (mois de janvier/février) du périodique Le
Chef, on découvre,
dans la rubrique « Nomination
des chefs en scoutmaîtrise » que
Maurice de Lansaye est membre de la 14e
Paris. C’est
la toute première fois que son nom y apparaît, mais ça ne sera pas
la dernière car, dans les années qui vont suivre, il prendra part à
sa rédaction. Bien que plus discret que son frère cadet, on suppose
qu’Albert de Lansaye gravit lui aussi parallèlement les échelons
du scoutisme car il occupera, comme son frère, au sein de ses
troupes et du district de Paris-Centre une place importante.
Nous voici en 1926, et c’est
un autre novice
qui vient grossir les rangs de la 13e
Paris. Il a pour nom Pierre Lamoureux et lui aussi est un enfant du
6e
arrondissement : il demeure au 13, rue de Tournon. Comme Pierre
Joubert, il contera lui aussi, dans ses mémoires « Un
si long orage – Chronique d’une jeunesse », son
entrée au sein des Scouts de France.
Les aînés qui encadrent ces
troupes ont pour mission d’amuser tout ce petit monde, d’organiser
des activités éducatives, des sorties, des jeux… et de leur
apprendre tout ce qu’un scout doit savoir. Les dessins de jeunesse
du talentueux Pierre Joubert en font le récit épique et
humoristique. En particulier ceux qui figurent dans l’album « Du
temps que j’étais « boiscout »
qui content ses propres aventures de jeune scout, puis de chef de
troupe de 1925 à 1935.
On y découvre notamment que l’art dramatique était, en ces temps
lointains, l’une des activités favorites des troupes de
Sainte-Clotilde. Et aussi les échelons qu’il fallait gravir au
travers d’épreuves variées permettant au ‘’pied tendre’’
de devenir un scout accompli. Ces épreuves, elles étaient
enseignées aux futurs chefs au Camp-école des Scouts de France
situé dans l’enceinte verdoyante du château de Chamarande, en
plein cœur de l’Essonne. Là, étaient présents les grandes
figures du scoutisme, entourant le ‘’Mestre de camp’’, le
Père Jacques Sevin, l’instructeur principal.
Au printemps 1926, on y
trouve, parmi les participants aux épreuves, Maurice de Lansaye, en
tant qu’assistant-louvetier
de la 14e
Paris, et un certain Emmanuel Bonfilhon de Règneiris, plus connu au
Signe de Piste sous le pseudonyme de Georges Ferney, avec le grade
d’A.S.M. (assistant scoutmestre) de la 1er
La Seyne-sur-Mer qui fut un temps sa troupe. C’est sans doute à
cette occasion qu’ils firent connaissance et se lièrent d’amitié.
Et encore, dans le sillage des proches du Père Sevin, un jeune chef
scout lillois nommé André Noël avec lequel Maurice de Lansaye va
également se lier d’amitié et avec qui il va collaborer un an
plus tard, en octobre 1927, tout d’abord comme secrétaire de
rédaction pour le périodique Le
Chef dont André
Noël est devenu le rédacteur en chef, puis ensuite, quelques années
plus tard, comme directeur d’une nouvelle collection de romans
scouts : Le feu
de camp, créée
par les Editions J. de Gigord.
Il est aussi vraisemblable de
penser qu’en tant qu’assistant-louvetier
de Sainte-Clotilde, Maurice de Lansaye ait mis tout en œuvre pour
que les petits loups de son groupe participent cet été-là au 1er
Rassemblement National des Louveteaux
qui se déroula au mois d’août 1926 à Chamarande. A la même
époque, les deux copains Joubert et Lamoureux ont prononcé leur
promesse scoute au sein de leurs troupes respectives tandis que
Maurice de Lansaye commençait à écrire ses articles dans les
revues du mouvement. Cela commence dès l’automne 1926 dans Le
Chef, avec un petit
conte de Noël signé de son véritable patronyme. Mais ce n’est
que deux ans plus tard qu’apparaîtra au printemps 1928, toujours
dans Le Chef, un
texte signé du nom de Jacques Michel, pseudonyme que Maurice de
Lansaye va adopter en littérature.
*
* *
Nous sommes en 1927. A
Sainte-Clotilde, les camps, sorties, jeux et activités scoutes se
succèdent. Les patrouilles s’activent et s’en donnent à cœur
joie. L’ennui ne le dispute pas à la mélancolie : c’est le
temps du bonheur, de l’aventure et de l’amitié disent en chœur
Joubert et Lamoureux dans leurs mémoires.
Au début de l’année
précédente était paru dans les colonnes de la revue Le
Chef (n°
33 de
janvier/février) un
entrefilet qui avait attiré l’attention de certains chefs et d’un
grand nombre de leurs jeunes scouts : «
Les Lévriers. A l’avenir, les scouts désireux d’offrir leurs
services au Camp-Ecole, pourront le faire en s’adressant par
l’entremise de leur Scoutmestre, au Mestre de Camp, 73 rue des
Stations, Lille (il
s’agissait de l’adresse personnelle du Père Jacques Sevin).
Le S.M. (Scoutmestre) recevra un formulaire à remplir par le
candidat. Cette formule, destinée à renseigner le directeur du Camp
sur ses aptitudes sera renvoyée au Mestre de Camp par le S.M., avec
sa signature et celle de ses parents. Le Chef sera ensuite avisé de
la suite donnée à la demande de son scout. Une nouvelle
organisation du service des Lévriers, encore à l’étude,
permettra désormais, nous l’espérons, de ne les occuper qu’a
des travaux de campeurs, à l’exclusion des corvées de cuisine. De
sorte, le séjour à Chamarande leur sera profitable et pourra aider
à leur projet en scoutisme. On peut se procurer la formule en
s’adressant au secrétariat de Lille, 73 rue des Stations. »
Le jeune Pierre Joubert fut
séduit et proposa son concours. Il fit partie des membres de cette
patrouille dite ‘’de
service’’ en
septembre de cette année-là à l’occasion du 10ème
cours de scoumaîtrise. Ce séjour à Chamarande sera pour Pierre
Joubert un tournant décisif pour la suite de sa carrière : il
relate dans ses mémoires que c’est lors de ce séjour à « Cham »
qu’il fut remarqué et sollicité par Paul Coze pour participer aux
illustrations du magazine « Le
Scout de France » dont
Paul Coze était le rédacteur en chef et l’illustrateur officiel.
Dès le numéro d’octobre les premiers dessins de Pierre y sont
publiés.
Arrêtons-nous un temps sur
Paul Coze qui est à l’époque un personnage-phare du monde
artistique scout. Il occupe entre autre le poste
d’assistant-instructeur au Camp-école de Chamarande. Il est aussi
artiste-peintre et illustrateur, auteur de nombreux d’ouvrages,
journaliste et photographe à ses heures. Jeune homme mondain
passionné d’ethnologie, il est considéré au sein des Scouts de
France comme le chef de file de l’indianisme dans le scoutisme. Par
ailleurs, il a aussi rédigé un manuel : « Pour
devenir scout de seconde classe »,
sorti en librairie en 1926.
C’est aussi un
‘’touche à tout’’ qui s’intéresse de près au cinéma. Le
premier long-métrage scout issu d’une fiction, « Les
Cœurs Héroïques », auquel
Paul Coze a largement contribué vient tout juste de sortir sur
les écrans. Il s’intéresse également au théâtre et, à la fin
d’année 1927, il monte un spectacle théâtral dans lequel il
recrée, en quatre tableaux, la vie des indiens d’Amérique du
Nord. Ce spectacle sera joué sur scène au Palais du Trocadéro à
l’occasion du 1er
Gala des Scouts de France. Ce soir-là, nombre de personnalités sont
dans la salle, militaires de haut rang, tels que le Maréchal Foch,
le Maréchal Lyautey, le Général Weygand, le Général Salin, ou
encore le Consul de Sa Majesté Britannique, le Directeur de l’Ecole
Centrale ainsi que tout un parterre de personnalités de
l’association des Scouts de France qui vient être reconnue
d’utilité publique depuis fin avril. La salle est comble ! De
son côté, le jeune Pierre Joubert semble définitivement avancer
dans le sillage de Paul Coze : il participe à l’aventure d’un
spectacle, « De
Neiges à Neiges – les quatre âges des indiens », conçu
en quatre tableaux : « l’enfant,
l’adolescent, l’homme, le vieillard ».
Pour cette création, Joubert va, avec quelques autres, contribuer à
la conception des décors. Mais il en est également l’un des
interprètes : sur les planches, mocassins aux pieds, vêtu en
peau rouge, coiffe indienne sur la tête, il incarne un chasseur
sioux. C’est sans doute la première fois que ce jeune homme de 17
ans se retrouve sur une scène face à un si large public. Le
Scout de France
relate le large succès remporté par ce spectacle (Le
Scout de France –
n° 73 du 1er
janvier 1928).
C’est l’époque où Paul
Coze effectue des ‘’missions’’ outre-Atlantique afin
d’étudier la vie des Peaux Rouges nord-américains. Il en rapporte
photos, films et nombre d’objets ethniques qui font, en France,
l’objet d’expositions. Comme, par exemple, le grand totem dit
‘’de
l’Ours’’,
exposé à l’époque au Musée Ethnographique du Trocadéro et
aujourd’hui conservé parmi les collections du Musée du quai
Branly – Jacques Chirac. Il rédige également des ouvrages sur la
question : « Mœurs
et histoire des Peaux-Rouges »,
« Cinq scouts
chez les Peaux-Rouges », « Wakanda », « L’oiseau
Tonnerre », « Quatre feux »… Avec
son frère scout et ami Jean Droit, il crée un cercle d’étude des
Peaux-Rouges qu’il nomme Wakanda
et qui regroupe environ 500 membres.
Paul Coze devient très vite un véritable ethnologue spécialiste de
la question des indiens d’Amérique du nord. Quelques années plus
tard, il s’installera définitivement outre-Atlantique où il
finira sa vie.
*
* *
Reprenons notre historique et
retournons à Chamarande, en septembre 1927, à la période où s’y
déroule le 10e
Cours de Scoutmaîtrise. Il comprend un peu plus d’une trentaine de
candidats. Là, parmi les participants aux épreuves venus des quatre
coins de l’hexagone, nous retrouvons le jeune Georges Ferney, connu
pour s’intéresser de près à l’image, qu’elle soit fixe ou
mouvante. Maurice de Lansaye est lui aussi présent pour participer
aux épreuves. Il est accompagné de quelques-uns de ses jeunes
scouts de la 14e
Paris qui vont faire partie, durant ce séjour d’une douzaine de
jours, de la patrouille ‘’de service’’, les fameux Lévriers.
Ils se nomment
Pernère, Cyssartier et Joubert nous précisent les liasses
manuscrites des archives personnelles du Père Sevin. Bien des années
plus tard, alors que Pierre Joubert évoque cette période pour la
première fois dans une interview réalisée par Alain Gout en 1975
pour « La
Fusée 1975/76 »
(« Qui êtes-vous Pierre Joubert ? »),
il dévoile qu’il fut le chef de patrouille de cette unité à
l’occasion de ce 10e
cours. (Cette interview se prolongera, plus tard, par une seconde
réalisée par Jean-Louis Foncine et Alain Gout, lesquelles seront
ensuite transformées en mémoires écrites par Pierre Joubert et
parues sous le titre « Souvenirs en vrac »).
L’instructeur principal est
le Père Jacques Sevin et son assistant est Paul Coze. Les jeunes
Lévriers ont,
parmi les tâches qui leurs sont allouées, le montage et démontage
du matériel nécessaire aux épreuves des candidats répartis en
quatre patrouilles distinctes : les
Coucous, les Hiboux, les Ramiers, les Corbeaux.
Ferney fit partie de celle des Coucous.
Parmi les tâches des Lévriers,
il y avait aussi celle dite de ‘’l’estafette’’ qui
consistait à porter des messages d’un point à un autre du camp. A
l’issue de ce dixième cours de scoutmestre et de ses épreuves,
que les candidats réussirent avec brio, Ferney devint S.M. (de nos
jours on dit : chef de troupe), tandis que le Louvetier
de la 14e
Paris, Maurice de Lansaye, reçut le Foulard
Gris et les
Dents d’Akéla
(rubrique nominations,
Le Chef – n°47 du
15 novembre 1927).
Cette publication
nous dévoile aussi que Maurice de Lansaye fut un temps le louvetier
de la 9e
Lille où il venait tout juste d’être nommé. Cette troupe scoute
de la 9e
Lille fut durant plusieurs années dirigée par André Noël (elle
sera ensuite, semble-t-il, dirigée par le jeune frère cadet d’André
Noël, prénommé Pierre, nous informe Le
Chef n°97 du 15
novembre 1932). On suppose que Lansaye, qui a tout juste vingt ans à
ce moment-là va, parallèlement au scoutisme, effectuer son service
militaire dans un casernement de la proximité lilloise. Ce qui
expliquerait cette mutation lointaine.
On retrouve tous les
participants sur la photo officielle prise par Eugène Rameau,
photographe officiel du Camp-école qui réalisera une quantité
phénoménale de clichés témoins de cette période. C’est aussi
l’époque où la photographie commence à apparaître de façon
systématique dans la presse. Les magazines des Scouts de France vont
lui accorder une large place sans pour autant évincer le dessin.
Comme nous l’avons dit plus avant, Ferney s’intéresse à
l’image : précédemment, il a eu l’occasion par l’entremise
d’un ami, le commissaire scout marin toulonnais Pierre Grimaud, de
faire la connaissance de Paul Coze auquel il va montrer ses clichés
scouts. Paul Coze qui, nous l’avons vu, est un découvreur de
talents, n’y reste pas insensible. Dès le printemps 1927, les
premiers clichés de Georges Ferney sont publiés dans Le
Scout de France,
tout comme ceux de Jos le Doaré, et un peu plus tard ceux du
talentueux Robert Manson. Avec ces jeunes talents, qu’ils soient
photographes ou illustrateurs, les grandes heures de l’imagerie du
scoutisme commencent.
C’est aussi l’époque où
les jeunes scouts sont ‘’totemisés’’,
en passant auprès de leurs ainés un certains nombres d’épreuves.
Cette pratique, dont Paul Coze est à l’origine, était très en
vogue dans les unités scoutes des années 20/30 et même un peu
après. C’était la transposition, dans la jeunesse occidentale,
des rites d’initiations des indiens d’Amérique – qu’on
trouve aussi dans les sociétés qu’on qualifiait alors de
‘’primitives’’ –, et qui en fait permettaient le passage
symbolique du monde de l’enfance à l’âge adulte, évitant ainsi
la longue et difficile période d’adolescence des sociétés
modernes : l’initié qui avait franchi les épreuves était
admis directement chez les guerriers et les chasseurs. A issue de la
totémisation, un nom était attribué au scout totémisé. Ainsi, le
Père Sevin est aussi renard
noir, le chanoine
Cornette, aumônier général des Scouts de France est vieux
loup, Paul Coze est
panthère à
l’affut, Pierre
Grimaud est renard
silencieux, Pierre
Joubert est épagneul
taciturne, et
Georges Ferney
renard rouge…
*
* *
Au début de l’année 1927,
chez les aînés de la 14e
Paris, s’est formé un clan routier qui adopte le nom de Charles
de Foucault (Le
Chef – n°42 du 15 avril 1927).
Quelques temps plus tard, les
jeunes de Sainte-Clotilde vont connaître des moments inoubliables :
ils traversent la manche pour se rendre, durant l’été 1929, au
sud de Liverpool où se déroule un grand rassemblement international
du scoutisme, le Jamboree de Birkenhead où soixante-sept nations
sont représentées par cinquante-six mille boy-scouts. Là encore,
les magnifiques dessins de Pierre Joubert en apportent un témoignage
naïf et plein de fraicheur.
A la fin des années vingt se
crée, à l’initiative du dramaturge Léon Chancerel, le
C.E.R.T.S., c’est
à dire le Centre
d’études et de Représentations Théâtrale Scoutes. Il
ouvre ses portes au 64 rue Ampère dans un hôtel particulier situé
au cœur du 17e
arrondissement de Paris, prémisse de ce qui deviendra la célèbre
Compagnie des
Comédiens Routiers.
Léon Chancerel dira plus tard : « En
1927, j’étais assez désorienté et même tout près de désespérer
de ce théâtre à quoi j’avais consacré toutes mes forces. C’est
alors que je connus les Scouts de France. Et tout de suite, un accord
spirituel se fit entre nous : je compris que ce terrain neuf
était éminemment propice à la floraison de ce théâtre nouveau
qui nous est si cher. On pouvait tenter là, avec l’expérience de
certaines conventions nouvelles, la formation d’une équipe de
création dramatique collective au sein d’une communauté bien
définie, conformément à une doctrine et à une technique
déterminées, inspirées en grande partie de la pensée profonde de
Copeau. »
Parmi les premiers scouts à
s’y impliquer, Maurice de Lansaye, passionné d’art dramatique.
Masqué, il interprète des personnages du théâtre japonais. Ce qui
ne l’empêche pas, parallèlement, d’essaimer ses articles et
romans dans la presse scoute, soit sous son patronyme, soit sous son
nom de plume. Vont paraître ainsi « L’Aventure
du roi de Torla »
publiée en feuilleton dans Le
Scout de France aux
premiers jours de 1930 avec des illustrations de l’ami ‘’Joubi’’.
Quant à son frère Albert, il est devenu, l’année précédente,
A.S.M.D (assistant scoutmestre de district) pour le secteur de
Paris-Centre II. Car à l’époque, au sein des Scouts de France,
chaque secteur de la capitale est divisé, voir subdivisé. C’est
le cas pour le centre de Paris. Néanmoins, Albert est toujours
rattaché aux troupes de Sainte-Clotilde qu’il continue de diriger.
De son côté, Maurice à lui aussi gravi les échelons du scoutisme
et le voilà maintenant Maître Louvetier de la 14e
Paris (Le
Chef n° 69 du 15
janvier 1930). Un
nouveau venu vient grossir les rangs des effectifs de la troupe 14e
Paris : Pierre-Louis Gérin dit castor
tenace. Il va
laisser derrière lui bien des traces : à Sainte-Clotilde, dans
le scoutisme, dans le théâtre scout et dans la littérature scoute.
Au milieu de l’année 1930,
mon attention a été attirée par une annonce parue dans Le
Chef (n°
74 du 15 juin 1930 - rubrique affiliations-scoutisme) :
depuis le 1er
Mai, sont reconnus A.S.M. : Pierre Joubert, de la 14e
Paris et Yves de Verdilhac, de la 4e
Nancy (Serge Dalens).On présume que c’est après
avoir passé les épreuves qui devaient se dérouler au Camp-école
de Chamarande. Or Joubert et Foncine, et même Dalens, ont tous dit
dans leurs écrits respectifs que la toute première rencontre entre
Pierre Joubert et Serge Dalens avait eu lieu à Strasbourg au milieu
des années trente lorsque Pierre Joubert y effectuait son service
militaire. Et bien nous disons… oui et non !
Mais, le
Père Yves Combeau, historien du scoutisme, nous fera observer que
seuls les C.T. étaient formés à Chamarande. Les stages d’A.C.T.
étant effectués en districts. Donc, Joubert à Paris et Dalens à
Nancy. En conséquence c’est bien à Strasbourg, comme écrit dans
« Souvenirs en vrac » par Joubert, qu’ils se sont
rencontrés.
Mais
n’anticipons pas, nous évoquerons cela plus loin.
*
*
*
A cette époque en France la
littérature dite ‘’de fiction et d’aventures’’, destinée
aux jeunes scouts, n’en est encore qu’au stade embryonnaire car
il existe finalement assez peu de choses. Bien-sûr les jeunes
boy-scouts peuvent lire les fascicules d’aventures scoutes de Jean
de la Hire et de son héros Franc-Hardi.
Il existe aussi le premier ouvrage de fiction de Pierre Delsuc, « La
Rude Nuit de Kervizel » qui
sort en librairie à la fin des années vingt aux Editions Spes et
qu’illustrera Paul Coze. Et, quelques temps plus tard, chez le même
éditeur, le roman d’un nommé Cam, intitulé « La
Crise du Chef ».
Mais à cette période, aucune collection de romans de jeunesse
destinée à un public scout n’existe réellement en France.
Néanmoins son public est là.
Pendant ce temps, en ce début
des années trente, Maurice de Lansaye est nommé ‘’Commissaire
Assistant de District de Paris Centre II –
Branche
Louveteaux’’ tandis que son frère aîné Albert devient
‘’Commissaire Assistant de District de Paris-Centre II –
Branche Scouts’’,
et que Maurice Genet, qui avait rallié Sainte-Clotilde, est
titularisé S.M. D., comprenez : ‘’Scoutmestre de District
de Paris-Centre II’’ (Le
Chef n° 75 – de juillet 1930).
Dans ce même
numéro, on apprend également qu’André Noël vient de donner sa
démission et quitte le nord de la France pour rallier, semble-t-il,
une troupe scoute du centre la capitale. A cette époque, un jeune
scout rejoint la 14e
Paris. Il pour nom Michel Rigal. Celui-ci, comme Pierre Delsuc, que
nous avons évoqué plus haut, aura un rôle très important au sein
l’association des Scouts de France dont ils deviendront cadres
dirigeants.
En 1931, à Sainte-Clotilde,
Pierre Lamoureux (Jean-Louis Foncine) est nommé Assistant
Scoutmestre de la 13e
Paris (Le Chef n°
87 de novembre 1931).
Yves de Verdilhac, qui au mois
août vient de passer à Chamarande les épreuves du ‘’16e
Cours de Scoumaîtrise’’, est nommé
Scoutmestre de la
2e
Nancy. A cette même cession, un certain Paul Février, de la 11e
Lille (alias Pierre Fuval pour le Signe
de Piste) fait
également partie des candidats.
De son côté, Georges Ferney
continue lui aussi à gravir les échelons du scoutisme : au
début de l’année 1931, il est devenu Scoutmestre de sa troupe
toulonnaise. En parallèle de la publication de ses articles et de
ses photographies dans Le
Scout de France, de
la fin des années vingt au début des années trente, il commence à
s’intéresser de façon plus professionnelle au cinéma, depuis peu
devenu parlant. Ses archives personnelles montrent qu’il rédige
alors plusieurs scénarios dont l’intrigue est scoute et qu’il
cherche des financements. Il calcule et fait des bilans prévisionnels
pour des tournages… Et il est en contact avec le monde du 7e
art : scénaristes, acteurs, studios, producteurs…
Paul Coze ne cesse de faire
des voyages chez les indiens d’Amérique du nord. Au début de
l’automne, un nouveau rédacteur en chef est nommé à la tête du
bimensuel Le Scout
de France : Maurice
de Lansaye. (n° 162
puis 163 du périodique
Le Scout de France).
Maurice de Lansaye, alias
Jacques Michel, et André Noël travaillent aussi depuis quelques
temps dans le secteur de l’édition. Durant l’hiver 1930/1931 ils
sont reçus tous les deux au 15 de la rue Garancière, à
Saint-Sulpice, dans les locaux des éditions J. de Gigord par
Monsieur Charles d’Arneville à qui appartient cette maison
d’édition, et par Monsieur Louis Chaigne qui en est le directeur
littéraire (plus tard ce dernier donnera d’ailleurs une préface à
un roman paru dans la collection Signe
de Piste :
« Sang et
Or », d'Henri Bourgenay). La très catholique maison J. de Gigord souhaite
créer une collection de romans d’aventures destinée à un public
de jeunes boy-scouts. Les deux commissaires scouts, André Noël et
Maurice de Lansaye, sont alors engagés pour la diriger. Elle aura
pour nom Le Feu
de Camp et les
premiers romans d’aventures scoutes vont sortir en librairie
au printemps 1931. Charité bien ordonnée, ce sont « Les
Aventures du Roi de Torla »,
de Jacques Michel, qui semblent avoir été mise sous presse en
premier, au mois d’avril, car un encart publicitaire, qui tient
lieu de faire-part de naissance est publié à l’occasion de la
sortie de ce roman en librairie dans Le
Scout de France
(n°133 du 15 mai
1931).
Mais pour éditer des romans
il faut des auteurs et des manuscrits, et pour animer ces parutions
il faut aussi des illustrateurs. Ce n’est pas un problème :
André Noël et Maurice de Lansaye vont recruter chez les scouts où
ils trouvent de quoi alimenter cette nouvelle collection de romans.
Ainsi, tout au long des années
trente, paraîtront dans Le
Feu de Camp des
romans traduit de l’anglais, comme « Le
Mystérieux Vagabond »,
« L’Homme de
la Tour », « La Meute de Danny »,
de Véra Barclay qu’André Noël connait très bien ; Guy de
Larigaudie y donnera également plusieurs titres : « Yug »,
« Yug en terre
Inconnue », et
« Raa la
Buse » ; Jacques
Michel y éditera ses propres romans :
« Les Trois Pierres de Verez »,
« Le Foulard
de Satin », « Huit Scouts dans un Bateau »,
« L’Affaire Cachalot ». Et
parmi les illustrateurs des premières heures, on retrouve Pierre
Joubert et Camille Alby que les deux directeurs ont connus à
Chamarande. (Camille Alby illustrera nombre d’articles publiés
dans Scout
mais aussi un peu plus tard un roman édité dans la collection Signe
de Piste). La
plupart des titres cités avaient fait l’objet d’une publication
sous forme de feuilleton dans les revues du mouvement scout. Cette
collection sera active jusqu’au milieu des années cinquante. Car,
après-guerre, d’autres auteurs vont y voir leurs manuscrits
publiés : Dachs, avec « La
Mémorable Patrouille des Lynx » illustré
par le talentueux Robert Gaulier, ou Jean-Claude Alain, qui y donnera
« La nuit des
Saints Innocents »…
De Gigord lancera aussi, après la Libération, et en parallèle de
la collection Le Feu
de Camp, une autre
collection destinée également aux scouts nommée Le
Fanion, (active
également jusqu’au milieu des années cinquante) où seront
édités, entre autre, les ouvrages de Louis Simon (qui fut un temps
rédacteur en chef du magazine Scout)
comme « Les Jeux du Feu de Camp »,
préfacé par Léon Chancerel ; ou ceux de son confrère Dachs
qui y fera paraître « Tactique
de Patrouille », « Les Transmissions », « On
demande une Cheftaine », « La Patrouille au Camp »...
Toujours chez de Gigord, il y eut encore une autre collection de
romans : Mowgli (active
durant la seconde moitié des années trente),
également dirigée
par Maurice de Lansaye mais destinée aux jeunes louveteaux. Y furent
édités, de Guy de Larigaudie, « L’Îlot
du Grand Etang »,
et de Véra Barclay, « Le
Saint Viking ».
Ou encore « Le
Club des Risque-Tout »
de S.L. Prévost (qui en 1945, publiera dans la collection Signe de
Piste « Le
Club des Culottés »
qu’illustrera Igor Arnstam). Et encore la première édition des
fameux « Contes
du Bourreau »
de Serge Dalens, non illustrés par Pierre Joubert. Il y eut
également des collections d’ouvrages techniques, comme par exemple
la collection Jalons
qui proposait des manuels scouts. Pour en terminer avec les parutions
d’ouvrages liées au scoutisme des éditions J. de Gigord,
n’omettons pas de mentionner l’album de dessins paru en 1934-35
(hors collection) intitulé « Gribouille
Scout »
illustré par Pierre Joubert et préfacé par Jacques Michel. Cet
album rassemble plusieurs planches parues précédemment dans Le
Scout de France
au début des années trente. Précisons toutefois que cet album
s’inscrit dans l’histoire comme le tout premier album entièrement
illustré de dessins de Pierre Joubert.
Pour en savoir plus sur les
ouvrages scouts publiés par les éditions J. de Gigord
http://www.scoutisme-patrimoine-collections.fr/213+editions-de-gigord.html
Pour la bibliographie des
auteurs et des illustrateurs cités ci-dessus nos lecteurs peuvent
consulter les pages du site Romans scouts.
http://www.romans-scouts.com/
*
* *
Mais reprenons le fils de
notre historique. Nous voici en 1932, et, nous allons le voir, ce
sera une année décisive pour nos amis de Sainte-Clotilde qui ont
une boulimie de théâtre et commencent à fréquenter assidûment
Léon Chancerel et sa Troupe des Comédiens
Routiers.
Le Chef
du début de cette année annonce que le chef scout Pierre Joubert
s’est vu décerner la ‘’Médaille de Bayard’’ par
l’association des Scouts de France pour : « La
collaboration aussi dévouée qu’excellente qu’il accorde depuis
plusieurs années à la revue Le Scout de France ».
Ce même numéro nous informe également que Léon Chancerel devient
« Instructeur
et Chef du Centre d’études et de Relations Théâtrales d’île
de France. »
On y découvre aussi qu’Alexis Bourgeois est nommé Commissaire
Assistant de la Province d’île de France et qu’il est remplacé
par un nouveau Commissaire de District de Paris Centre, Joseph de La
Porte du Theil (Le
Chef n°89 de janvier/février 1932).
En mars 1932, c’est
officiel, la 13e
Paris compte un nouvel Assistant-Scoutmestre, Louis Heller (Le
Chef n°92 du 15
avril 1932). Il fut,
toute sa vie, un ami fidèle de Pierre Lamoureux alias Foncine. Les
lecteurs de Signe de Piste le connaissent car on lui doit notamment
la préface du « Relais
de la Chance au Roy »
sorti en librairie durant l’Occupation. Lorsque Foncine rédigera
ses mémoires, il ne manquera pas d’évoquer longuement un certain
C.P. (Chef de Patrouille) prénommé Louis : Louis Heller.
En novembre, c’est un autre
jeune de la 14e
Paris qui est nommé Assistant-Scoutmestre : Pierre-Louis Gérin
(Le
Chef n° 98 du 15
décembre 1932).
De son côté, Georges Ferney
a, lui aussi, gravi les échelons du scoutisme et il est maintenant
scoutmestre. Sur le plan professionnel, il continue de virevolter
dans le milieu du 7e
art : à l’automne 1932, il est sollicité par Paul Coze,
revenu de l’une de ses missions, pour collaborer à ses côtés à
un projet de film dont il a écrit le scénario avec une intrigue
scoute sur fond d’indianisme, avec pour titre : « Totem ».
Tout un programme… Il est prévu que Paul Coze en soit le
réalisateur et que son épouse Marie-Laure, dite Loulette, y incarne
un rôle important. Quant à Georges Ferney, il en serait conseiller
artistique et coproducteur. Un chef opérateur vient se joindre au
projet. Une société de production cinématographique est alors
créée dans la capitale et les démarches afin de trouver d’autres
partenaires financiers commencent. Afin de mener ce projet à terme,
Georges Ferney entre en contact avec son réseau du monde du 7e
art : sociétés de productions, producteurs indépendants, acteurs,
plateaux et studios de cinéma… Des repérages sont effectués afin
de définir les différents lieux du tournage, une souscription de
partenariat est lancée, on prend contact avec la célèbre chorale
scoute l’Alauda
(la chorale avait
précédemment participé au spectacle « De
Neiges à Neiges »
conçu par Paul Coze en 1927). Des conférences, avec comme
intervenant principal Paul Coze, sont programmées. Des budgets
prévisionnels sont établis. C’est à cette époque que Paul Coze
change d’adresse parisienne : du 50 rue Saint-Georges, il
emménage dans un loft
à Montparnasse, dans le quartier des artistes, au 31 rue
Campagne-Première où il va aussi domicilier son Cercle
d’étude Wakanda
et, quelques temps après, son Club
du Lasso. Les
échanges épistolaires Coze/Ferney au sujet de ce film dureront une
année. Paul Coze qui, dans son scénario, a prévu des scènes chez
les Peaux-Rouges fait en sorte qu’aux derniers jours du mois août
1933 son équipe traverse l’océan, rallie les réserves où vivent
ses amis Peaux-Rouges. A cette époque, sans charters
ni jets,
c’était toute une expédition et une aventure. Il espère aussi
trouver outre-Atlantique les financements encore manquants pour mener
à bien son projet. A l’issue de la traversée l’équipe débarque
à New-York. A la mi-octobre, dans cette mégapole, se déroule un
grand rodéo auquel ils assistent.
Ferney, avec son appareil
photo, fixe sur la pellicule certains moments forts de cette
manifestation. On peut penser, tant parfois la ressemblance est
troublante, que certains de ces clichés ont servi de modèle à Paul
Coze pour réaliser les aquarelles de son livre : « Rodéos
de Cow-boys et Jeux de Lasso »
qu’il fera paraître l’année suivante. Mais le projet du film
« Totem »
s’avèrera trop ambitieux et trop onéreux, et il ne vit jamais le
jour. Aux premiers jours de novembre, Georges Ferney regagne
l’hexagone. Mais ce beau voyage l’inspirera lors de la rédaction
de son premier roman : « Fort
Carillon »
qui paraîtra à la Libération et remportera un vif succès auprès
des jeunes lecteurs de la collection Signe
de Piste.
C’est aussi l’époque où
les choses bougent au sein des Scouts de France : l’indianisme
n’y fait plus guère recette et Paul Coze va peu à peu se détacher
du mouvement. Il en sera de même pour le Père Jacques Sevin, qui
abandonnera ses fonctions et le Camp-école de Chamarande. A notre
connaissance, ni l’un ni l’autre de ces hauts personnages du
scoutisme français ne fut présent au Jamboree de l’été 1933, à
Gödöllö, en Hongrie.
Même chose pour notre ami
Pierre Joubert qui, lui non plus, ne semble pas s’y être rendu, et
pour cause : à cette époque, il est incorporé sous les
drapeaux dans un casernement strasbourgeois. Cette période, nous
l’avons dit plus haut, est celle de l’élaboration de ce qui
deviendra l‘un des best-sellers
de la collection
Signe de Piste, le célèbre
« Bracelet de Vermeil » de
Serge Dalens, premier opus de son incontournable saga du Prince
Eric. Ce
casernement était commandé par un colonel Raoul de Verdilhac dont
le fils, Yves, est devenu Serge Dalens. A cette époque, Yves est
Scoutmestre de Groupe de la 2e
Nancy, où il réside (Le
Chef n° 105 du 15
juillet 1933). En
novembre, il est nommé Scoutmestre de Lorraine (Le
Chef n° 107 du 15
novembre 1933). Nancy
n’est pas loin de Strasbourg et les deux amis se voient. Les 11 et
12 novembre, à Strasbourg, est organisé un grand rassemblement
scout, les Journées
Nationales des Scouts de France de 1933
qui regroupent 900
participants. Il est vraisemblable de penser qu’à cette occasion
le soldat Joubert ait obtenu une permission délivrée par son
Colonel et que son ami Dalens l’accompagne. On sait également que
Ferney y fut présent : bien des années plus tard, Dalens le
relatera dans l’un de ses textes consacrés à son ami Georges
Ferney (voir la dernière édition de « Fort
Carillon »
tome un et deux). Et, en tant que journaliste et rédacteur pour les
revues des Scouts de France, Maurice de Lansaye à en charge de
couvrir l’événement. On peut donc aisément penser que c’est
lors de ce rassemblement que Dalens fait, par l’entremise de Pierre
Joubert, la connaissance de Maurice de Lansaye. Peu de temps après,
mi-décembre 1933, dans un magazine du mouvement, A
l’Escoute !,
que dirige Maurice de Lansaye, un texte signé Serge Dalens paraît,
agrémenté d’une illustration de Pierre Joubert. Il s’agit d’une
nouvelle intitulée « Qui
voit Ouessant voit son sang »
qui s’inscrit dans l’histoire comme étant la toute première
fois qu’apparaît le nom de Serge Dalens en littérature. D’autres
textes paraîtront dans la presse scoute avant qu’il ne publie son
premier roman, l’inoubliable « Bracelet
de Vermeil ».
*
* *
Mais
retournons dans la capitale pour voir ce qui ce passe chez nos amis
de Sainte-Clotilde. Il semble, selon ce que l’on voit dans la
presse Scouts de France, que les troupes scoutes de la 13e
et 14e
Paris Sainte-Clotilde,
font désormais partie du Clan
Charles Péguy.
Celui-ci, bien que sortant du cadre traditionnel, est reconnu par
l’association des Scouts de France. C’est ce que relate la revue
L’île de France,
décrivant les premiers moments et la motivation de ses jeunes
membres désireux de créer un clan à caractère théâtral.
En 1933, le bulletin scout de
la troupe des Comédiens Routiers, que fréquentent régulièrement
les routiers du Clan Charles Péguy de Sainte-Clotilde, mais aussi
les scouts, se réjouit de leur action autour de Léon Chancerel.
Et c’est bientôt leur
première création sur les planches. Elle est issue d’un jeu scout
organisé par les troupes de Sainte Clotilde, « Le
Jeu des Corsaires ».
Cette
création théâtrale, à laquelle Pierre-Louis Gerin prend une part
active, remporte un franc succès auprès du jeune public
scout. Elle eut lieu, en 1933, à l’occasion d’une fête de
groupe organisée par le Clan Péguy dans une salle paroissiale à La
Motte-Picquet. Elle
donnera lieu à plusieurs parutions dans la presse scoute, puis, plus
tard, à un fascicule de vingt-cinq pages illustré par Pierre
Joubert et reproduisant les dialogues et la trame du jeu scénique.
Pierre
Lamoureux, au printemps, est nommé A.C.C., comprenez Assistant Chef
de Clan des 13e
et 14e
Paris (Le
Chef
n°103 du 15 mai 1933)
tandis qu’Albert de Lansaye assure désormais, au sein du District
de Paris-Centre II, les fonctions de Commissaire Assistant de
District (Le
Chef
n°105 du 15 juillet 1933).
Quelques mois plus tard, Albert sera nommé Scoutmestre de Groupe de
la 13e
et 14e
Paris (Le
Chef
n°106 du 15 octobre 1933).
Maurice
de Lansaye, qui s’est fait un nom dans le cénacle de la
littérature scoute, devient éditorialiste des périodiques Scouts
de France: Louveteau,
La Route, le Bulletin des Comédiens Routiers, Le Scout de France…
En 1934,
sous sa
houlette,
Le Scout de
France va faire
peau neuve. Il commence par changer de nom pour devenir simplement
« SCOUT »,
et bénéficie d’une nouvelle couverture.
Pierre Joubert, délivré de
ses obligations militaire, regagne la capitale et son poste au sein à
la rédaction du nouveau Scout.
Le théâtre scout vit ses
grandes heures : Léon Chancerel n’a de cesse de faire jouer
sa compagnie à travers la France entière lors des camps, fêtes de
groupes, rallyes, rassemblements… Le théâtre de la doctrine et de
la pédagogie scoute, tel qu’il l’entendait et qu’il avait
lui-même qualifié de ‘’théâtre
de la Flamme’’
bat son plein. Les spectacles se succèdent, on monte et démonte les
estrades pour les installer d’un point à un autre. C’est ce que
Léon Chancerel nommera : Le
Théâtre des Quatre Vents.
Parmi les membres de la compagnie et de son groupe d’apprentissage
bien des noms ont traversé le temps pour parvenir jusqu’à nous.
Pour en savoir plus sur les
Comédiens-Routiers :
https://fr.scoutwiki.org/Com%C3%A9diens_routiers
Maryse Romain, universitaire
et historienne, a montré la place fondamentale occupée par Léon
Chancerel dans l’entre-deux guerres dans sa thèse intitulée :
Léon Chancerel :
un réformateur du théâtre français (Editions
l’âge d’homme,
2005). Elle y décrit
longuement l’épopée de Léon Chancerel et de la Compagnie des
Comédiens Routiers : « Quand
on évoque la rénovation théâtrale du XXe
siècle, il est un homme, Léon Chancerel, dont on parle peu et qui
fut pourtant un maillon essentiel de l'histoire de la
décentralisation dramatique. Après la Première Guerre Mondiale,
Chancerel se destine à la littérature, mais sa rencontre avec
Jacques Copeau, en 1920, décide de sa vocation. Il fréquente
assidument le Théâtre du Vieux-Colombier et participe à l'aventure
des ‘’Copiaus’’ en 1924-1925. Le scoutisme, alors en pleine
expansion, offre un terrain idéal pour son projet de réforme
dramatique. Dès 1930, il fonde un Centre Dramatique destiné aux
animateurs de mouvements de jeunesse et une ‘’compagnie modèle’’,
les Comédiens Routiers. Déjà se dessinent les deux pôles de son
action dramatique : l'essor et le renouveau de la pratique amateur et
l'émergence d'un théâtre populaire grâce à des troupes
itinérantes qui exercent, dans un esprit de dévouement et de
désintéressement, un ‘’service dramatique social’’. Sa
réforme, issue en droite ligne de celle de Copeau, est à la fois
éthique - fondée sur l'honnêteté, la discipline, l'esprit
d'équipe - et artistique : dépouillement de la scène (en réaction
aux excès décoratifs) et recentrage sur l'acteur. La formation du
comédien, à partir des techniques de la Commedia dell'Arte, est la
pierre de touche de sa rénovation. Convaincu d'autre part de la
valeur éducative de l'art dramatique, Chancerel a joué un rôle de
premier plan dans le développement du jeu dramatique et des
activités d'expression chez l'enfant. Créateur du premier théâtre
artistique pour la jeunesse, le Théâtre
de l'Oncle Sébastien,
il est aussi un précurseur du théâtre jeune public. Le portrait de
ce réformateur, qui n'a jamais appréhendé l'art dramatique
autrement que dans ses rapports avec la culture populaire,
l'éducation et les loisirs, constitue un témoignage important pour
reconstituer la genèse de notre théâtre service public ».
Maryse Romain donne aussi une
liste des personnes qui ont participé au Centre d’Art Dramatique
et à sa compagnie théâtrale. Tout comme ceux qui, en décembre
1929, aux premières heures des Comédiens Routiers ont participé à
sa première représentation publique, donnée à Valenton, en
banlieue parisienne, pour les fêtes de fin d’année. Elle marque
la création de la compagnie de Léon Chancerel. Il y avait dans
cette représentation « Les trois Rois Mages », dont l’un
fut incarné par Maurice de Lansaye (page
157 dans l’ouvrage de Maryse Romain).
Ses représentations sur les
tréteaux donnent lieu à de nombreuses parutions dans la presse
scoute. Le Centre
d’Art Dramatique Scout
quitte l’hôtel particulier qu’il occupait dans le 17e
arrondissement de Paris pour aller s’installer extra muros dans des
locaux situés au n° 24 de la rue Victor-Noir à Neuilly-sur-Seine.
Y sont regroupés, l’administration, les studios, les ateliers et
la direction.
En 1934, les Scouts de France
avaient pris un essor important. Pierre Joubert en parle dans ses
mémoires : « Peu
de temps après mon service armé, le Q.G., constatant avec
satisfaction que le mouvement venait d’atteindre 25 000
garçons, soit 25 000 cotisants… », cela
faisait autant d’abonnés au magazine. Ce qui permit son embauche.
D’où une grande augmentation de sa participation. Mais aussi, le
journal augmentant son illustration, de beaucoup d’autres :
Paul Coze, Robert Manson, Jean Droit, Jos le Doaré, Camille Alby…
Quant aux textes, leurs auteurs sont Jacques Michel, Georges
Cerbelaud-Salagnac, Pierre-Louis Gérin, Guy de Larigaudie, Serge
Dalens et tant d’autres… Parfois, les rédacteurs, signent leurs
articles de leurs totem scout.
De son côté, Georges Ferney
crée, au printemps, une société anonyme de production de films en
partenariat avec plusieurs personnes, Actina-Films.
Son siège social est à Paris, non loin de son pied à terre, 43 rue
Fontaine. Professionnellement, le voici officiellement producteur.
Son but est de sortir sur les écrans des films de fiction et
d’aventure dont les adolescents seraient les héros. Il est
persuadé qu’il y a là un public potentiel. A cette époque, il
demeure encore à Toulon, mais comme il possède un avion personnel
qu’il pilote lui-même, les déplacements lui sont aisés. Les
rencontres, les projets, les scénarios et les castings vont alors se
multiplier.
Dans le même temps a lieu
la fête annuelle du groupe Sainte-Clotilde, suivie du camp de
Pâques dans le sud de la France, près Arles, dans les ruines de
l’abbaye fortifiée de Montmajour. Destination qui pourrait,
aujourd’hui, à l’époque des autoroutes et du TGV, sembler
banale, mais qui, en 1934, pour des petits parisiens, était une
aventure lointaine, surtout pour un simple camp de Pâques. Cela est
conté et dessiné avec humour et brio par Foncine et Joubert dans
leurs mémoires. Au retour dans la capitale le Clan Charles Péguy
est en pleine répétition d’une pantomime : pour éviter les
textes appris par cœur, dans lesquels les acteurs improvisés sont
mal à l’aise, les spectacles font la part belle à l’improvisation
et au burlesque. C’est ce qui fera leur succès : les jeunes
interprètes s’amusent sur scène, libres et spontanés. Léon
Chancerel vient plusieurs fois assister aux répétitions puis aux
représentations du Clan : le local n’est qu’à quelques
pâtés de maisons de son domicile.
Le spectacle est intitulé
« Au Royaume
de la Jeunesse ».
Il n’en existe malheureusement assez peu de traces. Un chroniqueur
du bulletin des Comédiens Routiers en fait l’écho et donne ses
impressions, accompagnées du programme : une calligraphie soignée,
avec des caractères choisis et un plaisant équilibre des blancs et
des noirs : « Le
meilleur programme pour une fête scoute n'est-il pas de montrer au
public certains aspects de la vie scoute et les idées, les
aspirations que le scoutisme engendre ? C’est ce que nous
avons réalisé en imaginant le jeu dramatique que nous avons
intitulé « Au
Royaume de la Jeunesse ».
Au jeu scout, nous avons mêlé des personnages burlesques qui
relèvent de la fantaisie, certes, mais qui cependant, sous leur
aspect comique volontairement chargé, ont bien quelques attaches
avec la vie réelle. « Il
vaut mieux rire »,
disait Beaumarchais. C’est ce que nous faisons en y mettant toute
notre joie scoute, tout l’optimisme de notre jeunesse. Et sachant
que la jeunesse n’est pas le fait de l’âge mais celui du cœur,
nous sommes certains que vous vous divertirez avec nous ».
(Bulletin
des Comédiens Routiers
n°15/16 de mars/avril 1934).
Cette création ne semble pas, à notre connaissance, avoir fait
l’objet d’un fascicule publié dans la collection du Répertoire
du Centre Dramatique
de Léon Chancerel. L’année suivante, ce spectacle sera repris à
la fête annuelle des Troupes Saint-Louis sous la direction de Claude
Chailley (Bulletin des
Comédiens Routiers n°26/27 d’avril/mai de 1935).
Arrive le moment du camp d’été
qui est l’occasion d’aller bivouaquer tous ensemble, de
s’échapper de la capitale sans les parents et la famille, vers
l’aventure. Cet été là, les scouts partent camper au cœur du
Morvan, dans le parc du château de La Roche-en-Brénil, accueillis
par la Comtesse de Montalembert. Ses enfants font partie des troupes
scoutes de Sainte-Clotilde. Les dessins issus des carnets de croquis
de Pierre Joubert témoignent avec poésie et humour de ces instants
d’aventure et joie.
Et nous arrivons, après bien
des péripéties qui nous y menaient, au « Jeu
des Ayacks » :
tous ceux qui vont inspirer les personnages de ce qui deviendra,
l’année suivante, ce « Jeu »,
sont là. Ils se nomment Vidal, Homo, Bergeron, d’Eté, Brioux,
Rousselle, d’Artois, Loustrel, Guillemset, Glavani, Beuqui… Sans
oublier un certain André Galibert, ce chef de patrouille que tous
appellent déjà Gali,
et fut sans doute l’un des plus débrouillards du groupe.
Dès les premiers jours de
l’automne les ainés du groupe songent à la grande sortie des
congés de la Toussaint. Il leur faudra de nouveau amuser tout le
monde et ils laissent libre court à leur imagination. On se réunit
et on invente jeux de piste, veillées et distractions variées.
C’est probablement lors d’une de ces réunions que Pierre
Lamoureux, Jacques Michel, et Pierre Joubert ont jeté sur le papier
les bases du « Jeu
des Ayacks ».
Au milieu des bois, quelques semaines plus tard, le jeu prend corps.
Pierre Lamoureux n’y fut vraisemblablement pas présent :
depuis le début d’octobre, il est sous les drapeaux. Mais, sur la
trame rédigée et expérimentée sur le terrain, il participera,
lors de ses permissions de l’hiver 1934/35 à ce qui va devenir le
prochain spectacle du Clan Charles Péguy.
De son côté, un jeune auteur
qui a pour pseudonyme Serge Dalens, écrit et fait paraître dans les
colonnes de Scout
deux petites pièces
d’art dramatique scout illustrées par Pierre Joubert :
« Prologue
pour une fête de troupe » (Scout
n° 2 du 5 février) et
« Le Génie de
la Forêt » (Scout
n° 22 du 5 décembre).
D’autre part, on apprend en feuilletant les pages de la revue Le
Chef que le
scoutmestre Yves de Verdilhac est mis en disponibilité ; et,
plus loin, que la Cheftaine Marion Cahour (qui livrera plus tard à
la collection Signe
de Piste un roman
illustré par Pierre Joubert : « Les
Chevaliers de l’île aux Pies »)
a reçu à Chamarande son ‘’badge de bois’’ (Le
Chef n° 118 du 15
décembre 1934).
*
* *
Toujours en cette année 34,
Marc Allégret réalise une adaptation cinématographique du célèbre
roman d’Hector Malot, « Sans
Famille »
avec, pour interpréter le rôle principal de Rémi,
un jeune prodige du cinéma, Robert Lynen, révélé deux ans plutôt
par Julien Duvivier dans « Poil
de Carotte »
où il crevait l’écran aux côtés de Harry Baur. Marc Allégret a
choisi, pour lui donner la réplique dans le rôle de Mattias,
un tout jeune adolescent, Serge Hubert Lefèvre qui fait à cette
occasion ses premiers pas au cinéma. Il se fera connaître sous le
pseudonyme de Serge Grave, notamment dans « Les
Disparus de Saint-Agil », de
Christian-Jaque. Avec ce duo de jeunes talents, « Sans
Famille » va
remporter un certain succès. Georges Ferney, scénariste et
producteur avait, au cours des années précédentes, approché de
près le cénacle des artistes provençaux, notamment ceux proches de
Pagnol. Il avait eu l’occasion de rencontrer, durant le tournage de
« Fanny », son
assistant réalisateur qui n’était autre que Marc Allégret. Il
est vraisemblable qu’il se soit rendu sur le plateau de « Sans
Famille » et
qu’il y ait fait la connaissance des deux jeunes vedettes car à
cette époque il rédige un scénario où il taille deux rôles sur
mesure destinés, l’un à Robert Lynen, l’autre à Serge Grave.
Ce scénario, à l’intrigue scoute, aura d’abord pour titre
« L’Aube
Verte », puis
« La Flamme
Monte ».
Ferney va alors entrer en contact avec des partenaires financiers
afin de créer une coproduction sous forme de souscription. La chose
était assez fréquente à l’époque, et c’est avec la société
Fiat Film qu’un
accord est conclu. Mais, encore une fois, Georges Ferney jouera de
malchance et ce projet de film ne prendra jamais le chemin des salles
obscures. Bien des années plus tard, il reprendra son récit initial
dont il tirera l’aventure de son second roman, « La
Ménagerie »,
qui paraitra après-guerre, dans la collection Signe de Piste, sous
le numéro 26, et récemment réédité.
Pour en savoir plus concernant
ce scénario et le roman
http://le-sang-du-foulard.blog4ever.net/la-menagerie-de-georges-ferney
http://www.jeuxdepiste.com/lectures_pour_tous/lamenagerie.html
Ce projet n’ayant pas
abouti, Robert Lynen fut la vedette d’un film de Julien Duvivier,
« Le petit
Roi »,
d’après l’œuvre d’André Lichtenberger, dans lequel il
incarnait Michel VIII, un jeune souverain d’Europe centrale au
royaume à la stabilité politique vacillante dont le trône faisait
l’objet de bien des convoitises. A cette époque, Serge Dalens n’a
pas encore fait la connaissance du jeune Robert Lynen. Mais il va
beaucoup s’inspirer de cette histoire et de son personnage central
pour camper les intrigues de son immortelle saga du Prince
Eric. On remarque
aussi, dans la distribution de ce film, parmi l’équipe technique,
un certain Gilbert de Kniff. Ce dernier serait-il apparenté à celui
qui fut l’ami de Guy de Larigaudie, prénommé André, auquel Guy
de Larigaudie dédia son ouvrage « Etoile
au Grand Large » ?
Ou bien encore à Roland de Kniff, que l’on connaît mieux au Signe
de Piste sous le pseudonyme de Roland Denis ? Le mystère
demeure.
Dans le même temps, les
Comédiens Routiers commencent sérieusement à s’intéresser au
cinéma, et, en son sein, émerge une équipe dite des Cinéastes
Routiers. Leur
bulletin en faisait déjà mention fin 1933 : « Il
est créé cette année, au sein même du Centre dramatique Scout,
une équipe de Routiers cinéastes, qui se spécialiseront, d’une
part dans une production purement scoute et formeront, d’autre
part, à nos côtés, un organe de recherches, d’études et
d’essais en vue d’une production d’inspiration scoute destinée
au grand public. » Il
semble que ce département fut créé sous l’influence d’un
certain André Sauvage. Ce dernier, qui fréquente la troupe de
Chancerel depuis ses débuts, a déjà à son actif plusieurs
créations cinématographiques. Ce nouveau département cinéma,
auquel on connaîtra plusieurs réalisations, ne freinera pas pour
autant le rythme des représentations publiques de la compagnie qui,
tous les jeudis, montre au jeune public scout ses travaux théâtraux
à la Salle Pleyel sous le nom de Théâtre
de l’Oncle Sébastien.
Pour en savoir plus sur les
films réalisés par les cinéastes routiers.
https://fr.scoutwiki.org/Scoutisme_dans_les_films
*
* *
L’année 1935 va être, pour
le Clan Charles Péguy et ses membres, une année pleine de
rebondissements. Et d’abord avec la fête annuelle du Clan Charles
Péguy et sa nouvelle création théâtrale qui est, cette année,
« Le Jeu des
Ayacks » que
le Clan va présenter au public.
Pour les jeunes, c’est le
moment de l’attribution des rôles, de l’apprentissage du texte,
des répétitions, des filages. Pour les chefs, celui de la création
des décors et des costumes, et de leur réalisation. Et enfin,
celui, très important, de la mise en scène où il faut régler et
coordonner les entrées et sorties de scène, les déplacements de
chacun en s’assurant qu’ils aient un jeu scénique juste, sans
oublier le chant. Mais aussi, en régie, régler le son et
l’éclairage. Puis ensuite vient le temps où il faut trouver une
salle suffisamment grande pour accueillir le public nombreux qui
dépasse largement celui des seules familles du groupe.
On sait que lors des
représentations du Jeu
des Ayacks, André
Galibert interpréta le chef de la bande des jeunes ‘’vauriens’’
révoltés, nommé Gali.
Ses camarades, Vidal, Homo, Bergeron, d’Eté, Brioux, Rousselle,
d’Artois, Loustrel, Guillemset, Glavani, Beuqui… endossent les
rôles d’Oeil de
Perdrix, Bucéphale, Haricot, La Souris, La Carotte, Champignon,
l’Autruche… qui
constituent sa bande de copains et qu’ils incarnent plus ou moins
en haillons et à visages découverts tandis que les rôles
d’adultes, distribués aux routiers, sont joués le visage
dissimulé derrière des masques créés par Pierre Joubert pour
l’occasion. Ce dernier dessina aussi tous les costumes de la pièce
et créa chaque élément de décor. On peut penser que c’est
Pierre-Louis Gérin qui les réalisa ensuite. Car celui-ci, fort doué
de ses mains, affectionnait tout particulièrement le travail du bois
dont il avait fait son métier. Malheureusement les mémoires de
Joubert et Foncine ne nous informent guère sur les postes occupés
en coulisse par les uns et les autres. On peut supposer, mais
seulement supposer, qu’à l’intérieur du Clan Péguy les deux ou
trois chefs scouts les plus aguerris en art dramatique et en mise en
scène étaient Maurice Genet, Pierre-Louis Gérin et Maurice de
Lansaye qui étaient très assidus aux leçons de Léon Chancerel.
Toutefois, d’après les mémoires de Jean-Louis Foncine, on peut
imaginer qu’un érudit soit venu leurs prêter main forte. Foncine
mentionne, en page 166 du premier tome de ses mémoires (Un
si long orage – chronique d’une jeunesse – Les enfants trahis),
la présence fréquente et amicale d’un membre des Comédiens
Routiers, Maurice Jacquemont, qui par la suite aura une carrière
d’homme de théâtre des plus honorables. Celui-ci aurait très
bien pu guider et conseiller le ou les metteurs en scène
occasionnels de cette pantomime. Mais à ce sujet le mystère reste
entier. Toujours est-il, qu’au début du mois de mai 1935, un
encart publicitaire est publié dans la presse scoute annonçant les
futures représentations parisiennes du « Jeu
des Ayacks ».
Les représentations du « Jeu
des Ayacks »
font salle comble.
Pour être du théâtre joué par des amateurs, ce
n’est pas du théâtre de patronage : l’encadrement des
Comédiens Routiers permet un spectacle professionnel. Les
spectateurs sont aussi bien des parents et des amis que des
personnalités du scoutisme ou des invités du monde du spectacle. La
soirée débute avec, en première partie, une pièce scoute
intitulée « Le
Génie de la Forêt », de
Serge Dalens. Elle fut vraisemblablement interprétée par les
membres du Clan Charles Péguy (Bulletin
des Comédiens Routiers
n°26/27 d’avril/mai 1935 – page 505 ).
Après l’entracte, les trois coups retentissent à nouveau et c’est
sur « Le Jeu
des Ayacks »
que le rideau se lève. C’est un cocktail pétillant de gags et
d’improvisations que mènent tambour battant les jeunes, une
aventure cocasse, pleine de chants, de danses et fertile en
rebondissements, une véritable fête. L’originalité est au
rendez-vous, et elle suscite dans les gradins la joie et
l’étonnement. Le public est conquis par le burlesque de situation
et l’interprétation des routiers, scouts et louveteaux qui sont
ovationnés. Après le salut, lorsque le rideau retombe, l’aventure
théâtrale s’achève pour les jeunes. La légende des Ayacks
commence...
Jean-Louis Foncine la retrace
dans ses mémoires avec humour. Au fil des chapitres de son récit,
parmi les anecdotes et les souvenirs, il relate les réactions du
public dans la salle lors des trois premières représentations. Il
raconte également qu’à l’issue de la dernière représentation
s’est présenté en coulisses un producteur de cinéma nommé Léon
Poirier. Il fut notamment le réalisateur d’un film retraçant la
vie de Charles de Foucault : « L’Appel
du Silence – le
bienheureux Charles de Foucault »,
sorti sur les écrans en 1936. Puis, en 1938, avec le concours de
l’association des Scouts de France et des Comédiens Routiers :
« L’action
par le film ».
Il se déclara désireux d’adapter la pantomime des Ayacks
à l’écran.
Nous pensons que ce producteur
de cinéma n’est pas venu voir ce spectacle par hasard, n’ayant
pas, à notre connaissance, eu de liens étroits avec le scoutisme.
Il est probable qu’il y fut convié par un tiers, qui pourrait être
le cinéaste André Sauvage : ce dernier avait collaboré avec
Léon Poirier l’année précédente à occasion de la réalisation
d’un film. Il était aussi un familier de Léon Chancerel et de sa
troupe de Comédiens Routiers. Ou encore par Germain Sachsé, chef
d’une troupe scoute de Neuilly-sur-Seine (la 5e
Neuilly) et Cinéaste Routier. C’est lui qui réalisera, dans les
années quarante, avec des illustrations de Pierre Joubert, un film
fixe du « Prince
Eric » de
Serge Dalens. Jean-Louis Foncine lui dédiera l’album « La
Bande des Ayacks »
paru chez Signe de Piste Editions en 1989. Quoi qu’il en soit, le
jeune sous-lieutenant Foncine, qui à l’occasion des
représentations des Ayacks
avait certainement
pu bénéficier d’une permission, dû ensuite rapidement regagner
sa garnison alsacienne de Sélestat. Il ne put donc pas suivre
physiquement les étapes qui découlent de cette rencontre, entre
Léon Poirier et le Clan Charles Péguy. C’est donc Maurice de
Lansaye, alias Jacques Michel qui devint l’interlocuteur de Léon
Poirier concernant ce futur projet de film. Il était en rapport avec
la société de production Fiat Film. Afin de réunir le financement
nécessaire à la réalisation de ce nouveau projet
cinématographique, il fut créé, une fois de plus, une
souscription. Pour le rôle de Gali,
on pensa à nouveau au jeune Robert Lynen dont le physique collait
parfaitement. De plus, Robert Lynen était scout, membre des
Eclaireurs de France, et, dans le privé, il était souvent vêtu tel
un trappeur aux cheveux longs (ces derniers détails au sujet de
Robert Lynen, sont évoqués par son biographe, François Charles,
dans son ouvrage paru en 2002 aux Editions La Nuée Bleu,
intitulé : « Vie
et mort de Poil de Carotte – Robert Lynen acteur et résistant
1920-1944 »).
Pour diriger le film, plusieurs réalisateurs semblent avoir été
tour à tour pressentis. En premier lieu, il fut question que se soit
Marc Allégret. Puis on pensa à son ami et ancien professeur de
cinéma, André Sauvage. Il semble également que le budget
nécessitait un gros investissement. Malgré qu’il fût bien
engagé, le projet traîna en longueur et on mit du temps à réunir
les fonds. Mais le coût exorbitant finit par le rendre impossible et
le film « Les
Ayacks »,
avec Robert Lynen dans le rôle Gali,
ne vit jamais le
jour.
Pour en savoir plus sur Léon
Poirier :
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Poirier
Pour en savoir plus sur André
Sauvage :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Sauvage
Mais la société Fiat
Film avait demandé
à l’auteur principal de la trame du « Jeu
des Ayacks »,
Pierre Lamoureux (qui n’était pas encore Foncine), de développer
un scénario de film à partir du spectacle théâtral initial. Puis
de rédiger aussi un ‘’ciné roman’’ destiné à être vendu
dans les salles obscures. C’est avec son complice et ami Pierre
Joubert que le futur Jean-Louis Foncine élabora ce ciné roman qui
s’inscrit dans l’histoire comme la première mouture de ce qui
deviendra, un peu plus tard, l’inoxydable roman de Jean-Louis
Foncine, « La
Bande des Ayacks ».
C’est d’ailleurs
probablement à l’occasion de cette première rédaction qu’il va
choisir son pseudonyme. Au moins pour partie car, à l’époque, le
prénom de son futur pseudonyme est amputé du prénom Louis :
deux ans après les représentations théâtrales du « Jeu
des Ayacks » un
fascicule de la pièce fut publié aux Presses d’Ile de France dans
lequel le texte est présenté comme ayant été écrit par
‘’Jean Foncine et Jacques Michel’’, avec des
illustrations de Pierre Joubert (Collection du Répertoire
du Centre Dramatique,
dirigée par Léon Chancerel). On en connaîtra plusieurs éditions à
différentes époques avec le même prénom. Il faudra attendre la
dernière, réalisée en 2001 par les Editions Alain Gout pour que ce
texte soit attribué à Jean-Louis Foncine. Jacques Dutrey, dans son
« Essai de
Bibliographie Pierre Joubert », paru
également aux éditions Alain Gout, en 2000,
indique que les
dix-huit illustrations qui figuraient à l’origine dans ce
fascicule ont a chaque fois été conservées dans les éditions
suivantes. Lorsque le projet de film des Ayacks
sera définitivement abandonné Jean-Louis Foncine reprendra le
manuscrit du son ciné roman qui fera l’objet d’une nouvelle
rédaction, donnant naissance à son roman de « La
Bande des Ayacks »
tel que les lecteurs de la collection Signe de Piste le connaissent.
Les connaisseurs de l’œuvre de Jean-Louis Foncine savent déjà
que c’est lors de son passage à Sélestat, durant son service
militaire, que celui-ci, depuis la fenêtre de sa chambrée, s’est
inspiré des jeunes gens de cette bourgade pour rédiger les
péripéties du roman et faire de son récit d’aventures un livre
anticonformiste. C’est la vision des jeunes adolescents en culottes
courtes de ce bourg alsacien qui lui a donné l’idée des
jeunes révolutionnaires de son roman bouleversant les règles
sociales et se libérant de la tyrannie des préjugés bourgeois.
*
* *
L’année 1935 fut encore
riche d’autres événements : Pierre-Louis Gérin fait
paraître dans Scout
des articles qu’il
illustre de son trait afin d’inciter les lecteurs à réaliser des
travaux de menuiserie et d’ébénisterie afin de décorer leurs
locaux scouts (rédactionnels dits « Chronique du Manoir »
qui seront rassemblés, quelques années plus tard, dans un livre
qu’il publiera en collaboration avec Pierre Joubert, Beau
Manoir).
Au début du printemps, la
rédaction de Scout
invite ses jeunes lecteurs à rédiger à tour de rôles un chapitre
du roman « Le
Manteau Rouge » qui
sera publié en feuilleton dans le magazine avec des illustrations de
Pierre Joubert (Scout
n°28 du 5 mars 1935).
Dans les deux numéros suivants on trouve un avant-propos, puis un
premier chapitre issus de la plume d’un certain Loup Blanc. Dans le
numéro 30 du 5 avril 1935, une petite nouvelle, illustrée par
Pierre Joubert, « Le
Moulin du Diable »,
signée par un des membres du clan Péguy, Hugues Homo, alias Furet
Bavard. Puis, dans
le numéro 31 du 20 avril 1935, Pierre Joubert évoque dans un
article qu’il signe, intitulé « Une
Affaire d’Honneur », à
nouveau le jeune ‘’Furet Bavard, chef de patrouille des
Hirondelles’’, qui plus loin, dans ce même numéro, cosigne avec
plusieurs boy-scouts dont un autre C.P. du Clan Charles Péguy, Ours
Noir, le deuxième
chapitre du feuilleton « Le
Manteau Rouge ».
D’autres membres du Clan Péguy participeront aussi, cette
année-là, au magazine Scout.
Ainsi, les C.P.
Briou et Comi y feront paraître des photographies dont ils sont les
auteurs (numéro 27 du
20 février 1935). Dans
ce même numéro, Serge Dalens publie un conte, « L’Enfance
de Roland », illustré
par Pierre Joubert. D’autre part, un certain Yves de Verdilhac
donne sa démission en tant que S. M. de la 2e
Nancy et Scoutmestre de la province de Lorraine (Le
Chef n°125 du 15
juillet 1935). Dalens
quitte Nancy pour Dieppe où il commence sa carrière de magistrat.
Trois créations cinématographiques réalisées avec le concours de
Fiat Film
par les Cinéastes Routiers sortent sur les écrans :
« Ingaro »,
« Routiers »
et « Centre
Scout ».
Jacques Michel (Maurice de Lansaye) quitte son poste de rédacteur en
chef du magazine Scout :
« Le Commissaire Maurice de Lansaye, pris par ses occupations
trop absorbantes, ne peut plus assurer la rédaction de « Scout ».
Depuis longtemps déjà, il s’était occupé de la revue et sous sa
nouvelle forme « Scout » est son œuvre. Il l’a créée
et a su lui donner cette allure si attachante qui en fait aujourd’hui
la plus passionnante des revues pour les garçons. Nous ressentons
tous le vide que son départ va laisser ici. Après lui, et dans le
même sens que lui, nous nous efforcerons de diriger cette revue
comme il le faisait lui-même et dans le style qu’il avait conçu
pour elle. Qu’il reçoive ici le grand merci de tous pour tout ce
qu’il a donné et donnera encore au Scoutisme et qu’il soit
assuré de notre très fidèle affection. Scout » (Scout
n° 32 du 5 mai
1935).
Dès lors, les
textes signés sous nom de totem, de son pseudonyme ou encore de son
patronyme vont doucement s’espacer, puis disparaître pour un temps
des publications de l’Association des Scouts de France. Il reste
gérant du magazine Scout
jusqu’en décembre 1935 puis abandonne définitivement ses
fonctions au sein du mouvement comme le mentionne la revue destinée
aux ainés (Le Chef n°
127 du 15 novembre 1935 – rubrique : cessations de fonctions.
Puis l’année suivante dans le n° 129 du 15 janvier 1936 –
rubrique : Errata : « Le
Commissaire Maurice de Lansaye a été porté sous la rubrique
« Cessations de fonctions » dans Le Chef de novembre
1935 ; c’est démission qu’il faut lire »).
C’est aussi la période où il quitte Saint Germain des Près pour
emménager près de ce qui fut jadis Luna
Park (porte
Maillot, où aujourd’hui s’élève le Palais des Congrès). Il
habite désormais 11, villa Méquillet à Neuilly-sur-Seine, à
quelques pâtés de maisons du Centre
d’Art Dramatique Scout
de la rue Victor-Noir.
Quant à son frère Albert, il
crée au milieu du printemps 1935, à la demande de Monseigneur
Chevrot, prêtre de la paroisse Saint-François-Xavier, une troupe
scoute. Ce sera la 131e
Paris, au foulard gris perle bordé d’un liseré vert émeraude et
dont le local est situé avenue Duquesne (Le
Chef n° 124 du 15
juin – rubrique : affiliations & transferts).
Une meute de Louveteaux y sera également créée (Le
Chef n° 125 du 15
juillet 1935 – rubrique : affiliations – unités).
On a souvent dit que Pierre Lamoureux-Jean-Louis Foncine aurait créé
cette unité scoute, la 131e
Paris. Cela parait assez improbable, ce dernier étant, à cette
période, toujours incorporé sous les drapeaux, à des centaines de
kilomètres, en Alsace. Bien-sûr, dès son retour à la vie civile,
début novembre 1935, il en sera, aux côtés d’Albert de Lansaye,
le chef de troupe.
En 1936, Pierre Lamoureux,
délivré de ses obligations militaires, travaille avec Pierre
Joubert à la rédaction du ciné roman
demandé par la société
Fiat Film, la
future « Bande
des Ayacks ».
C’est aussi l’époque où les boy-scouts du 7e
arrondissement créent une revue mensuelle, Pages
Scoutes, concernant
leurs troupes respectives (il en existe plusieurs numéros).
Dans le courant de l’année,
Maurice de Lansaye, interlocuteur auprès de Fiat
Film pour le projet
cinéma Ayacks, prend contact avec Georges Ferney afin que celui-ci
vienne lui prêter main-forte et lui apporte quelques conseils. Mais
les mois passeront et le projet n’aboutira pas.
L’année 1936 fut pour le
scoutisme une année de deuil avec la disparition de personnages
emblématiques : Rudyard Kipling, le commandant Charcot, le
chanoine Cornette, le Général Guyot de Salin. Mais elle fut aussi
marquée par un événement heureux avec la venue à Paris du
fondateur du scoutisme, Robert Baden-Powell. A cette occasion, il fut
reçu au Palais de l’Elysée et décoré de l’insigne de Grand
Officier de la Légion d’Honneur.
Serge Dalens se met en quête
d’une maison d’édition susceptible de publier son manuscrit du
« Bracelet de
Vermeil ». Il
le soumet à plusieurs éditeurs, au moins trois fois, sans succès.
Dans le même temps, il écrit au jeune Robert Lynen, qui vient de
perdre son père dans des circonstances tragique, pour lui présenter
ses condoléances. Très touché par la missive de Serge Dalens qui
lui témoignait sa tristesse, le jeune comédien l’invite à lui
rendre visite chez lui, 2 rue Poirier-de-Narçay, dans le 14e
arrondissement, lors d’un de ses prochains passages dans la
capitale. Ce sera chose faite dans le courant de l’année 1936.
Serge Dalens restera un ami fidèle de Robert Lynen (cette rencontre
et les liens d’amitié entre Serge Dalens et Robert Lynen sont
relatés par François Charles dans l’ouvrage qu’il a consacré à
Robert Lynen).
C’est aussi à cette époque
que Pierre Lamoureux fait, par l’intermédiaire de Pierre Joubert,
la connaissance de Serge Dalens qui, à plusieurs reprises, recevra
les scouts à Dieppe. Ceux-ci vont aussi créer, pour leur fête de
groupe, deux nouveaux jeux scéniques qui remporteront à nouveau un
fier succès comme le relate le périodique des Comédiens Routiers :
« Le groupe de
Sainte-Clotilde, qui nous a déjà donné « Au Royaume de la
Jeunesse » et « Les Ayacks » dont nous avons dit
ici tout le bien que nous en pensions, annonce pour le 7 mars en
soirée, et le 8 mars en matinée (Salle Saint-Léon), deux jeux
nouveaux : « Le Scout de Buridan » et « Le
Secret d’Escarmador ». Comme précédemment, tous les scouts
et routiers du groupe ont collaboré à cet ouvrage. Pierre-Louis
Gérin s’est particulièrement chargé des danses, Pierre Joubert
des costumes et de la décoration » (Bulletin
des Comédiens Routiers n°4 & 5 de février/mars 1936 – page
107). Ou encore :
« Le district Paris-Centre II s'était transporté dans le
royaume d'Escarmador. Le très puissant roi Amra (Commissaire du
district) groupait sous sa haute autorité quatre principautés
(secteurs) réunissant de nombreuses familles (patrouilles). Une
monnaie spéciale, dont l'unité était ‘’le Pécédeu’’,
avait été spécialement imprimée. Les grands travaux d'intérêt
commun étaient payés de cette monnaie. Entouré de ses gardes
(Routiers), le roi rendait la justice sur la place du Palais Royal en
liaison avec l'archevêque du royaume (l’aumônier du camp). Enfin,
les arènes royales furent inaugurées. Dans un effondrement naturel
du terrain, les Routiers avaient pu tailler, dans un sol sablonneux
mais très compact, des gradins en demi-cercle. Cette disposition
permit un très beau cérémonial d’ouverture du feu de camp et une
exécution fort réussie de chants d'ensemble. »
(Bulletin
des Comédiens Routiers
n°9 & 10 d’octobre 1936 – page 208).
Le succès de ce nouveau
spectacle, notamment le jeu scénique du « Secret
d’Escarmador »
dont l’histoire est celle d’un royaume imaginaire rabelaisien où
les enfants s’emparent du pouvoir en chassant à coups de balais
une clique de fantoches orgueilleux et cupides sera tel que Léon
Chancerel demandera au groupe de Sainte-Clotilde de l’interpréter
à nouveau sur la scène. Plusieurs représentations auront alors
lieu à La Maison de la Chimie (relaté par Pierre Joubert et
Jean-Louis Foncine dans leurs mémoires).
Le Centre d’Art
Dramatique Scout
fait paraître dans le Répertoire
du Centre Dramatique
(notamment aux Editions
La Flamme)
les fascicules des pièces déjà interprétées par les Comédiens
Routiers ou les Clans comme celui de Charles Péguy. Seront publiés :
« Le Jeu des
Corsaires », « Le Jeu des Ayacks ».
« Le Secret de
l’Escarmador »
le sera dans la collection Tambourin
aux Editions Scouts de France. (Détails
in :
Jacques Dutrey, Bibliographie
Pierre Joubert).
Ces jeux scéniques ne cessent
de captiver : l’année suivante, Pierre Joubert relate dans
Scout
les grands moments et la naissance du jeu d’Escarmador :
il vit le jour lors
d’un camp de Pentecôte de la 14e
Paris dans le parc du château de Gillevoisin, situé en Hurepoix,
dans la vallée de la Juine, proche de Chamarande.
Les camps sont les temps fort
de l’année scoute. Joubert en rapporte des carnets de croquis
étonnants de fraîcheur et de joie de vivre. Leur édition dans
l’album « Du
Temps que j’étais boiscout »
qui regroupe, année après année, ses camps fait découvrir une
succession de moments de bonheur et de beauté picturale à
Montmajour, au Cap-Ferret, dans l’Hérault à
Saint-Bauzille-de-Putois...
Parfois, le photographe Robert Manson les accompagne, fixant sur la
pellicule les moments forts des camps des 13e
et 14e
Paris qui campent ensemble. Nombre de ces clichés font les
couvertures des revues quant ils ne servent pas, ensuite, de modèles
à Pierre Joubert pour ses dessins d’activités scoutes.
Pour les scouts, les camps
sont l’occasion de faire des grands jeux. Lors du camp dans
l’Hérault, un jeu se termina par une prise de foulard où la lutte
dans chaque camp fut héroïque. A la fin, Pierre Joubert, voyant un
foulard taché de sang, prit au hasard quatre garçons, deux de la
13e
et deux de la 14e,
lacéra le foulard en petits morceaux et proclama solennellement :
« Tiens,
Claude, tu t’es battu comme un lion, je te fais chevalier du
foulard de sang ».
Et de même pour les trois autres. C’était venu spontanément,
sans arrière-pensée, et il ne savait pas encore qu’il venait de
lancer l’idée d’un ordre chevaleresque (« Souvenir
en vrac », chap. « Le Foulard de sang »).
Plus tard, Jean-Louis Foncine s’en inspira, dans « Le
Foulard de Sang »,
publié juste après-guerre dans la collection Signe de Piste, où il
relate l’évènement. Et de là, peu à peu, le geste plu, fit
rêver, et de ce simple jeu de prise de foulard et des actes de
courage et de loyauté qu’il avait engendrés, de nombreuses
troupes créèrent en leur sein leur ordre du Foulard de sang
directement inspiré du roman. Parce que bravoure physique et courage
font rêver les adolescents de tous les temps et en tous lieux.
D’autres ordres de chevalerie scoute virent le jour. Pierre Labat,
de son côté, fut à l’origine d’une société secrète
d’adolescents assez semblable, évoquée dans « Le
Manteau Blanc »
paru lui aussi dans la collection Signe de Piste.
*
*
*
A la fin de l’année 1936,
Serge Dalens, jeune auteur inconnu, présente son manuscrit du
« Bracelet de
Vermeil » au
comité de lecture des Editions de Gigord pour la collection Le
Feu de Camp.
Maurice de Lansaye, qui codirige cette collection, donne un avis
favorable, mais la décision finale ne lui appartient pas et Serge
Dalens essuie un refus de la direction. Nous sommes rue Garancière,
dans le 6ème,
et à deux pas, sur le même trottoir, se trouve la librairie d’une
autre maison d’édition catholique, Alsatia, fondée à la fin du
19e
siècle, dont le siège social est à Colmar, 10 rue Bartholdi. Son
antenne parisienne est dirigée par deux personnes : la
directrice des éditions parisiennes, Mademoiselle Madeleine Gilleron
(que les auteurs appellent familièrement ‘’Tante Mad’’), et
le directeur commercial, Jean Haren. Cette librairie vend les livres
publiés par les Editions Alsatia, mais elle propose également ceux
qui
sont édités par des éditeurs confrères, notamment ceux des
éditions de Gigord. Il faut se replonger dans le contexte de
l’époque où le monde de l’édition est bien différent de ce
qu’il est devenu aujourd’hui. Pas de grandes enseignes
multimédias, pas de grandes surfaces vendant des livres, pas
d’internet ni de grandes librairies de centre ville. Les choses
étaient encore très artisanales, il n’y avait pas de grosses
équipes de représentants sillonnant la France de librairie en
librairie pour proposer best-sellers et nouveautés présentées à
la télé. Le nombre de livres était beaucoup moins nombreux, les
achats rares et les informations parvenaient au lecteur par le bouche
à oreille plus que par la publicité et les médias.
Mais le scoutisme est devenu
un phénomène de masse et il va germer dans la tête de Madeleine
Gilleron l’idée de créer au sein de la maison Alsatia une
collection de romans d’aventure destinés aux jeunes boy-scouts.
Car elle voit les scouts se presser dans sa librairie pour acquérir
les romans publiés par son confrère et voisin. Elle se dit que
l’affaire pourrait s’avérer juteuse. Mais pour mener à bien une
pareille entreprise il faut s’entourer de gens compétents, qui
connaissent à la fois le secteur de l’édition et celui du
scoutisme. On peut donc imaginer qu’elle s’arrange pour entrer en
relation avec celui qu’elle voit quotidiennement passer devant sa
librairie et qui, quelquefois, s’arrête, Maurice de Lansaye, et
qu’elle lui proposera de créer une collection de romans scouts
chez Alsatia. Restera, pour Madeleine Gilleron, de persuader Pierre
Schmidt-Le-Roi, Directeur Général des Editions Alsatia de Colmar,
du bien-fondé de ce projet. Ce dernier occupant au sein de
l’association des Scouts de France, le poste de Commissaire de la
Région Alsace, on imagine l’intérêt qu’il pouvait porter à un
tel projet éditorial. (Pierre Schmidt-Le-Roi avait, en décembre
1933, prononcé une allocution à l’occasion des « Journées
Scoutes de France » qui s’étaient déroulées à Strasbourg
sous la présidence du Maréchal Lyautey (Le
Chef n° spécial
(107 bis) de décembre 1933).
Fin 1936-début 1937, les
choses prennent forme : Maurice de Lansaye quitte la collection
Feu de Camp des
Editions de Gigord pour devenir directeur de la future collection de
jeunesse des Editions Alsatia. On se réunit au siège d’Alsatia et
on commence à réfléchir au futur nom de cette nouvelle collection
qui doit ‘’sonner scout’’. Mais sur la paternité de ce nom,
les versions diffèrent, car Maurice de Lansaye comme Pierre Joubert
pensent en être les inventeurs : Lansaye donne sa version en
ouverture de l’album Les
Chemins de l’Aventure
édité en 1987 à l’occasion du 50e
anniversaire de la collection Signe de Piste : « Serai-je
tenté de dire : cinquante ans déjà ? Il ne me paraît
pas si lointain le jour où j’ai trouvé que Signe de Piste serait
un bon titre (et plein d’heureux présages) pour la collection à
naître. Tel que je viens de l’écrire, il me semblait
satisfaisant. Pourtant, avant d’en décider définitivement, je me
souviens d’avoir posé sur le papier le problème du singulier ou
du pluriel… Serait-ce plutôt « Signes de Piste » ou
« Signe de Pistes » ? Je suis tout de suite allé au
plus simple, plus facile d’ailleurs à traduire par le dessin, ce
« logo » (comme on dit maintenant) qui devait atteindre
assez vite une certaine notoriété. Mais, on en conviendra, signe
d’une même piste ou signe qui mène à de nombreuses pistes, les
deux évocations conviennent à cette longue série commencée il y a
50 ans et qui n’a pas fini de se dérouler. »
De son côté, dans ses
mémoires,
Pierre Joubert évoque lui aussi cette réunion préliminaire chez
Alsatia : « Nous eûmes, Jacques Michel et moi, une
entrevue avec les directeurs parisiens et alsaciens de la firme. Là,
je planchais pour trouver un sigle, m’inspirant d’un tas de
motifs : scouts, héraldiques, idéographiques… Tout à coup
vint tout naturellement sous mon crayon le tipi indien stylisé
surmontant la flèche.
–
C’est beau !
Qu’est-ce que c’est ? demanda
la directrice de Paris : Mademoiselle Gilleron.
–
Euh… c’est un signe
utilisé par les éclaireurs. Cela veut dire : camp dans cette
direction.
–
C’est trop long ! On
ne peut pas l’appeler autrement ?
–
…ma foi c’est un signe
comme un autre. Chez nous, on dit que c’est un signe de piste.
–
Eh bien voilà ! Signe
de Piste… c’est merveilleux ça, Signe de Piste ! Et
puis la tente et la flèche, superbe ! Adopté ! »
Quelle mémoire était la plus
fidèle, on ne le saura pas ! Mais ainsi naquit une collection
qui a dû publier dans les six millions de volumes. (Pierre
Joubert, in
« Souvenirs en Vrac »).
Le succès de la collection
Signe de Piste sera énorme, à tel point que, juste après-guerre,
on débaptisera la Librairie Alsatia,
pour la rebaptiser : Au
Signe de Piste. La
devanture extérieure fera l’objet de travaux d’embellissement,
recouverte d’un ensemble mural de claies de bois évoquant une
hutte, ou un ‘’manoir’’ scout tel celui édifié jadis au
camp-école de Chamarande. Cela évoquait aussi, pour les scouts,
leurs réalisations dites de ‘’froissartage’’. Au début des
années cinquante, Foncine fut un temps le directeur de cette fameuse librairie.
Revenons à la naissance de la
collection Signe de Piste. Jacques Michel va recruter ses auteurs et
illustrateurs au sein de la communauté Scouts de France. Il
conservera ce poste jusqu’à la fin de l’année 1953. Toutefois,
et en parallèle, il restera également codirecteur de la collection
Le Feu de Camp
des éditions J. de Gigord). Deux auteurs, avec deux récits
d’aventures très dissemblables, et deux illustrateurs aux traits
différents vont ouvrir le bal des publications. L’un se nomme
Georges Cerbelaud-Salagnac, avec « Sous
le signe de la Tortue »
qui portera le n° 1 de la collection car, à l’époque,
Cerbelaud-Salagnac était plus connu que Serge Dalens, et
qu’illustrera André-Paul (venu de la rédaction des Scouts de
France). L’autre est donc Serge Dalens, avec « Le
Bracelet de Vermeil »,
n° 2 de la collection, auquel Jacques Michel donne une préface et
qui sera illustré par Pierre Joubert. Avec ces deux premiers romans
d’aventures, on lance la collection. Fin juin, les deux livres sont
en librairie. Un encart publicitaire annonçant aux scouts la
naissance de cette nouvelle collection est publié dans Scout
(Scout
n° 84 du 5 juillet 1937).
Puis, quelques mois plus tard, un nouvel encart concernant toujours
ces deux romans (Scout
n° 91 du 20 octobre 1937).
Instantanément le succès est au rendez-vous et, pour « Le
Bracelet de Vermeil »,
c’est même un triomphe qui ne sera, jusqu’à nos jours, jamais
démenti, faisant de ce récit l’un des best-sellers de la
collection.
Avant d’aller plus loin,
ouvrons une petite parenthèse à propos de la préface du « Bracelet
de Vermeil »
dans laquelle il apparaît, d’après ce que dit Jacques Michel dans
son texte, que celui-ci fut quelques peu envieux du talent littéraire
de son ami Serge Dalens. On veut bien le croire, et c’est peut-être
ce qui va le pousser à mettre un terme à sa carrière d’écrivain.
En effet, à partir de la publication du premier roman de Serge
Dalens, en 1937, Jacques Michel ne fit pratiquement plus paraître
d’ouvrages pour la jeunesse, à part un, en 1940.
D’autre part, une rumeur a
souvent circulé, laissant croire aux non-initiés que Serge Dalens
et Jean-Louis Foncine auraient créé la collection Signe de Piste.
Il s’agit là bien entendu d’une pure légende : à
l’époque, Serge Dalens est un auteur inconnu, et le « Bracelet »
est son tout premier roman. Il évoquera d’ailleurs cette époque
lorsqu’il retracera, avec son confrère Foncine, l’historique de
la collection à l’occasion de son 40e
anniversaire (La
Fusée n° 4 –
40e
anniversaire –
« Toute
l’histoire du Signe de Piste » –
1977). Quant à
Jean-Louis Foncine, il n’a encore rien fait paraître dans la
collection Signe de Piste à cette période. Donc, c’est bien
Jacques Michel qui est choisi pour être le premier directeur de
collection, et il est choisi par Mlle Gilleron à qui revient l’idée
de proposer au président d’Alsatia de lancer une collection. Par
contre, il faut reconnaître à Jacques Michel d’avoir dirigé,
avant, Le Feu de
camp qui est bien
la première collection de romans scouts, et l’inventeur du genre
en France…
Pour en savoir plus concernant
l’histoire de la collection Signe de Piste
http://www.jeuxdepiste.com/lectures_lignes/laventuresdp.htm
*
*
*
Du côté des scouts, le
décorateur d’intérieur Pierre-Louis Gérin est transféré de la
14e
Paris à la 131e
Paris rattachée à la paroisse de Saint François-Xavier comme
Assistant Chef de Troupe. Michel Rodde, Scoutmestre de la 13e
Paris, fait paraître dans la revue Le
Chef un long
article relatant le camp de Pâques aux Baux de Provence (Le
Chef n° 140 du 15
mars 1937).
Au mois de mai,
Pierre Lamoureux est nommé Chef de Troupe de la 131e
Paris. Dans le même temps, le District de Paris Centre II se voit
doté de deux nouvelles unités scoutes, une troupe et une meute, au
sein de la 151e
Paris. Elles porteront toutes deux un foulard aux mêmes couleurs que
la 131e.
Pierre-Louis Gérin est nommé Chef de Troupe de la 151e
Paris et l’A.C.M., comprenez Assistante Cheftaine de Meute,
Henriette Dumay, passe de la 131e
à la 151e
Paris (
Le Chef
n° 142 du 15 mai 1937).
En juillet, Pierre Joubert est nommé Chef de Troupe de la 14e
Paris. Certains autres jeunes du groupe gravissent à leur tour les
échelons du scoutisme : André Galibert, alias Gali,
devient Assistant Chef de Troupe de la 14e
Paris ; Hugues Homo, alias furet
bavard, également,
mais lui à la 151e
Paris. De
son côté, le chef du Clan Guy de Larigaudie est mis à la
disposition du Commissaire de la Province d’île de France. (Le
Chef n° 144 du 15
juillet 1937).
Du 29 juillet au 13 août, a
lieu un événement exceptionnel pour les scouts : le Jamboree
de Vogelenzang, dit
du ‘’Chant des oiseaux’’, aux
Pays-Bas, où
vont se regrouper 28 750 scouts venus de 54 pays. C’est
l’occasion, pour le fondateur du mouvement, Lord Robert
Baden-Powell, qui vient d’avoir 80 printemps, de prononcer une
allocution dans laquelle il fait ses adieux au Scoutisme :
« Maintenant
le temps est venu pour moi de vous dire au revoir. Je veux que vous
meniez des vies heureuses. Vous savez que beaucoup d'entre nous ne se
reverront plus jamais dans ce monde ».
Les
Cinéastes Routiers ramèneront un court-métrage, produit par Fiat
Film,
intitulé : Des
Quatre Coins du Monde. C’est
aussi lors de cette manifestation, que, le 7 août, Guy de Larigaudie
et le routier Roger Drapier prendront au volant d’une vieille Ford
cabriolet, ‘’Jeannette’’, le départ d’un très long voyage
qui durera toute une année, le raid Paris-Saigon. Guy de Larigaudie,
à chacune de ses escales, en contera un épisode dans Scout.
Il en fera ensuite un livre : « La
Route aux Aventures –
Paris-Saigon en Automobile »,
qui paraîtra en 1948 (Plon).
En
1937, c’est aussi l'Exposition
universelle de 1937, appelée
également « Exposition
internationale des Arts et des Techniques appliqués à la Vie
moderne »,
à Paris, du 25 mai au 25 novembre.
Léon
Chancerel et son équipe vont créer à cette occasion, boulevard
Kellermann, entre la porte d’Italie et la Cité Universitaire, un
centre d’art dramatique disposant de plusieurs salles, le Centre
Dramatique pour la Jeunesse
auquel certains de nos amis boy-scouts collaboreront. « Le
Centre Dramatique pour la Jeunesse, qui sera inauguré au sein de la
classe ‘’Œuvre de Jeunesse’’, à l’occasion de
l’Exposition, commence enfin à sortir de terre à l’annexe
Kellermann. Nous en publierons le plan dans un prochain numéro. Le
Centre sera naturellement ouvert à tous les groupements de jeunesse,
mais en dehors des cours et travaux pratiques d’ordre général,
chaque groupe adhérent au Centre conservera son autonomie, dans
l’utilisation régulière des divers locaux et ateliers et
l’organisation de son travail. L’art dramatique scout y aura
large place. Je compte demander à Pierre Goutet et à Michel
Richard, assistés de Pierre Joubert, Pierre-Louis Gérin, Paul
Froger, André Cruiziat, Pecnard et quelques autres, d’assumer la
direction et l’administration de ce ‘’service’’, lequel on
le sait, nous est pour toutes sortes de raisons qu’il n’est pas
besoin de rappeler, particulièrement cher » (Bulletin
des Comédiens Routiers n°
4 & 5 de mars/avril 1937).
Cette
année-là, pour nos amis scouts du District de Paris Centre II, le
camp d’été à lieu à Jugeals-Nazareth,
en Corrèze. En septembre, la couverture de Scout
sera ornée d’une photographie de Pierre Lamoureux. A l’automne
1937, Pierre-Louis Gérin, Pierre Lamoureux, Pierre Joubert et Louis
Heller font ensemble l’acquisition d’un grand chalet en Savoie, à
1650 mètres d’altitude, au pied de la station sport d’hiver de
Moriond qui deviendra, après-guerre, Courchevel. Ils le baptisent
« Montjoie ». Il sera, jusqu’au second conflit mondial,
un lieu d’accueil pour les scouts en villégiature (Souvenirs
en Vrac
–
Editions Delahaye,
2009 –
page 122).
*
*
*
En
1938, un adolescent, Paul Pergola, entre à la 131e
Paris. On le retrouvera des années plus tard à Tarbes, dans la
troupe de scouts raiders de Pierre Labat dont il était l’oncle et
le parrain. Paul Pergola réalisa quelques unes des photographies qui
illustrent l’ouvrage de son neveu, « Le
Merveilleux Royaume »,
paru en 1954 dans la collection Signe de Piste (n°60) avec une
préface du Commandant Jacques-Yves Cousteau.
C’est
en février de cette année que Jean-Louis Foncine fait paraître son
tout premier article dans Scout.
Il s’intitule : « Ceux
du S.R. »
(Scout
n° 98 du 5 février 1938).
Pierre Delsuc est nommé Commissaire International intérimaire et
Pierre-Louis Gérin Commissaire Assistant du District de Paris Centre
II pour la branche scoutisme (Le
Chef
n° 150 du 5 février 1938).
En
avril, Serge Dalens écrit une nouvelle pour Scout,
juste signée de ses initiales et illustrée par Pierre Joubert :
« Freddie,
Piouk et la Forêt » (Scout
n°
103 du 20 avril 1938).
Ce
texte est issu des « Contes
du Bourreau »
qui viennent d’être publiés aux Editions J. de Gigord dans la
collection Mowgli.
Louis Heller est
nommé Assistant Chef de Troupe de la 13e
et 14e
Paris (Le
Chef n° 152 du 5
avril 1938). En avril,
pour les scouts de Saint-François-Xavier et de Sainte-Clotilde, camp
de Pâques au milieu des pins de Hyères. Puis retour dans la
capitale : le chef de troupe, Pierre Joubert, passe de la 14e
à la 51e
Paris, située au cœur du quartier populaire des Halles et rattachée
à la paroisse Saint-Eustache (Le
Chef n° 153 du 5
mai 1938). Ce
changement ne sera pas un obstacle pour Joubert qui continuera à
fréquenter ses scouts de la rive gauche. Et toutes ces troupes vont
camper ensemble et les grands jeux vont continuer de plus belle,
donnant naissance à des photographies prises sur le vif, à des
illustrations couchées sur le papier, des pages et chapitres de
récits ainsi que des chroniques et articles publiés dans les
revues… Ce sera notamment le cas, après-guerre, lorsque Jean-Louis
Foncine s’inspirera d’un de ces jeux pour la rédaction de son
célèbre roman « Le
Foulard de Sang ».
Ou encore lorsqu’il fera paraître après-guerre, dans Scout,
les exploits du fameux : « Grenouille
de la 1er
Les Halles ».
Signalons d’ailleurs, pour les non-initiés, que cette dénomination
de « 1ère
Les Halles » est purement imaginaire : il s’agit d’une
transposition, car c’est des membres de la 51ème
Paris que Foncine s’est inspiré. Certains d’entre eux ont
réellement existé. Le talentueux Robert Manson fixera sur la
pellicule les moments forts de leurs grands jeux.
Début juin, paraît en
librairie le premier roman de Jean-Louis Foncine auquel Romain
Roussel, qui vient de se voir décerner le « Prix Interallié »
donne une préface (celle-ci ne sera pas reprise ensuite dans les
éditions suivantes). Ce premier opus, « La
Bande des Ayacks »,
imposera d’emblée Jean-Louis Foncine comme l’un des prodiges du
Signe de Piste. Cet ouvrage est, bien entendu, illustré par son
complice et ami Pierre Joubert qui, par son trait inégalable, donne
vie aux personnages et laisse libre cours à l’imaginaire des
jeunes lecteurs. L’auteur n’oubliera pas ses amis : les
tirages numérotés sur papier luxueux, dits ‘’de
tête’’, seront
offerts à son préfacier et à ceux qui lui ont inspiré ses
personnages. Il
dédiera son œuvre à la compagnie des Cinéaste-Routiers ainsi qu’à
Louis Heller qui fut, toute sa vie, son ami, et qui était avant le
chef de patrouille des Alouettes à la 13e
Paris. (Il en est de même d’André Galibert qui resta ami avec
Foncine toute sa vie).
Le talent de Jean-Louis
Foncine lui avait permis de tirer d’un simple jeu scénique un
roman pétillant de malice et d’humour, qui hypnotisa ses lecteurs
en les faisant rire sur un sujet pourtant décapant, la révolte des
jeunes dans une petite bourgade de province contre les règles
sociales établies par des adultes embourgeoisés. Sujet moderne et
audacieux pour l’époque.
Le contexte social des années 30 n’était peut-être pas très
éloigné de ce qui amena, 30 ans plus tard, la révolte de mai 68
(révolte qui fut d’ailleurs planétaire), avec un manque total de
liberté pour les jeunes (« Nous
n’avions qu’un droit : nous taire, aimait
à dire Serge Dalens,
et encore, il était question de nous le retirer ! »).
L’explosion ‘’Yé-Yé’’ des années 60 était, elle aussi,
une prise de pouvoir de la jeunesse. Jean-Louis Foncine évoquait
souvent le parallèle. C’est ce qu’il dit dans l’interview
(publiée ci-dessous) réalisée à l’occasion de la diffusion du
film réalisé par l’ORTF : « …les
adultes d’aujourd’hui, dans une large mesure, n’ont pas tenu
plus compte des jeunes que ne le faisaient ceux d’autrefois. Et
qu’ils ne leur laissent pas plus de place au soleil actuellement ».
L’ouvrage, dès sa sortie,
va s’arracher, et c’est un succès d’ampleur qui jusqu’à nos
jours ne sera jamais démenti. Vendu à un million exemplaire et, à
l’heure actuelle, toujours réédité pour la plus grande joie de
ses jeunes lecteurs.
Le manuscrit avait été lu en
une nuit par le directeur de collection de Signe de Piste, Maurice de
Lansaye, qui avait su, une fois plus, déceler sans se tromper le
talent de son auteur et la qualité littéraire que recelait
l’ouvrage. La sortie en librairie a lieu au milieu de l’année
1938 et le livre s’inscrit dans la collection Signe de Piste sous
le numéro 4. Car, dans le même temps, est publié, sous le n° 3,
le roman de Guy de Larigaudie : « Le
Tigre et sa Panthère », avec
des illustrations elles aussi de Pierre Joubert. (Cet ouvrage était
paru précédemment en feuilleton dans Scout).
A l’occasion de la sortie de « La
Bande des Ayacks »,
Scout publie
un extrait qui a pour titre : « Le
Trésor de Malaïac »,
illustré par Pierre Joubert. Alsatia prend un encart publicitaire
annonçant la
sortie du livre dans le commerce (Scout
n° 106 du 5 juin 1938).
Puis un second annonçant les deux nouveautés
(Scout
n° 108 du 5 juillet 1938).
C’est aussi l’époque où un nouvel auteur publie ses premiers
écrits en feuilleton dans les magazines du mouvement. Il se nomme
Michel Bouts. Quelques mois plus tard, il donnera à la collection
Signe de Piste son premier roman : « La
Chasse de Saint Agapit » (n°
7) illustré
par le talentueux Cyril Arnstam qui fait lui aussi, à cette
occasion, son entrée dans l’équipe Signe de Piste.
Quelques temps
après, son frère ainé Igor, au trait radicalement différent,
vient lui aussi intégrer l’équipe. Ces deux graphistes vont tour
à tour marquer de leur empreinte la collection Signe de Piste.
Cet été là, les scouts vont
camper en Touraine, dans le parc du château de La
Fougeraie, dans la
Sarthe.
Au mois d’octobre,
Jean-Louis Foncine livre à Scout un second texte qu’illustre
Pierre Joubert et qui s’intitule : « Une
Visite au C.E.T.R.P.R.S.M.S. » (Scout
n° 114 du 5 octobre 1938).
Puis, le mois suivant : « L’Age
des Cavernes ».
Dans le même numéro, nouvel encart publicitaire
Signe de Piste
annonçant « La
Bande des Ayacks »
et un nouveau roman : « Le
Mystère du Lac de Laffrey » (SDP
n° 5), de
Pierre Fuval, illustré par Camille Alby (Scout
n° 116 du 5 novembre 1938).
Récit que Pierre Fuval dédie à Maurice de Lansaye.
A l’automne, un certain Jean
Léopold est nommé C.M., comprenez Chef de Meute, de la 1er
Berck-Plage (Le
Chef n° 157 du 5
novembre 1938). Il se
fera connaître dans la littérature scoute sous le pseudonyme de
Jean-Claude Alain. Il livrera, quelques années après, plusieurs
volumes à la collection Signe de Piste, puis sera l’un des
fondateurs, aux éditions Spes, de la collection Jamboree
(active de 1952 à 1963) et sera également à l’origine du
mouvement des Scouts Europe.
En décembre, dans Scout,
nouveaux placards publicitaires Signe de Piste : l’un informe
les lecteurs des cinq titres déjà existants ; l’autre vante
la qualité littéraire du roman de Georges Cerbelaud-Salagnac :
« Sous le
Signe de la Tortue ».
Dans le même
numéro, on annonce la parution de l’ouvrage de Pierre-Louis Gerin
et Pierre Joubert : « Beau
Manoir »
(Scout n° 118 du 5
décembre 1938).
« La Bande des
Ayacks », qui
bouleverse les règles sociales, crée la polémique auprès de
certains éducateurs et chefs scouts, qui n’apprécient guère le
roman. En décembre 1938, un rédactionnel ‘’presque
anonyme’’,
assez virulent, est publié dans les colonnes du Chef.
Cette attaque ne resta pas
sans réponse comme on va le voir rapidement.
Les scouts vont passer les
fêtes de fin année dans leur chalet de Moriond près de Courchevel
et profiter des pistes enneigées désertes et de la joie de ce qu’on
n’appelle pas encore les ‘’sports d’hiver’’.
De retour dans la capitale,
Jean-Louis Foncine offre aux lecteurs de Scout, une nouvelle rédigée
à Moriond et qu’illustre Pierre Joubert : « Petit
Polot de la Vraie Montagne » (Scout
n° 121 du 20 janvier 1939).
C’est à cette période qu’apparait dans la revue Louis Simon,
passionné d’art dramatique et de théâtre scout:
il va être rédacteur en chef de Scout
à partir de novembre 1940 (information portée en 4ème
de couv. Du n° 156, nov. 40). Ceci jusqu’en avril 1945.
Entretemps, le magazine change de nom et devient ‘’L’Escoute’’
où il figurera jusqu’au n° 200 de L’Escoute d’avril 1945.
Après la Libération, c’est Jean-Louis Foncine qui sera nommé à
ce poste (son nom mentionné en janvier 1946 dans le n° 205 de la
revue dans lequel apparaît le désopilant poulbot « Grenouille »).
A l’occasion, elle reprend son nom de ‘’Scout’’. Le duo
Foncine-Joubert va révolutionner la présentation de la revue dans
laquelle l’humour et un style très dynamique la rendent très
attrayante. Mais cet humour n’est pas apprécié de tous :
Foncine quitte la rédaction en mai 1947 (n° 221) et son ami Louis
Simon revient.
En mars 1939, Le
Chef ouvre à
nouveau ses colonnes au sujet de la polémique de « La
Bande des Ayacks ».
Plusieurs chefs scouts prennent leurs plumes et répondent à
l’attaque faite au récit.
Dès la publication de cette
réponse, la polémique autour du contenu de « La
Bande des Ayacks »
pris fin.
Le 20 avril 1939, le numéro
127 de Scout publie
le premier chapitre d’un nouveau roman de Jean-Louis Foncine :
« Le Relais de
la Chance au Roy », avec
des illustrations
de Pierre Joubert. Mieux : la couverture du journal reproduit
une scène du roman. C’est dire l’importance que la rédaction
donnait à l’œuvre dont elle avait compris qu’elle allait être
un événement. Et chaque numéro suivant, jusqu’au mois de février
1940, verra paraître un nouvel épisode. On imagine l’attente des
lecteurs, tenus en haleine chaque mois … A un certain moment (n°
138 du 5 octobre 1939),
les illustrations qui accompagnent la parution de ces épisodes ne
sont plus réalisées par Pierre Joubert : il a été rappelé
sous les drapeaux, dans les Vosges, puis fait prisonnier, avant de
s’évader du train qui l’emmenait en Allemagne via… la région
de Meaux (cf
« Souvenirs en vrac »).
A la mi-mai, encart
publicitaire Signe de Piste, dans Scout, annonçant la sortie de
« Quatre de la
Gazelle », de
Roland Denis, avec des illustrations du talentueux Sven (Scout
n° 129 du 20 mai 1939).
Dans le même temps, deux romans scouts : « La
Maison Sous Les Eaux »
et « Le
Mystère du Tour de France »
sont publiés aux Editions La
Hutte. L’auteur,
Henri Suquet, chef scout lui aussi, est connu des amateurs de
fantastique et de science-fiction ou encore des anciens lecteurs de
Cœurs-Vaillants,
Lisette
ou Pierrot.
Il publiera aussi dans la collection Jean-François, le désopilant
« On a volé
le 2 de la rue ».
Quelques années plus tard, il donnera au Signe de Piste, un roman
très avant-gardiste : « Ciel-de-Cuivre »,
publié sous le
numéro 35 et illustré par Cyril (Scout
n° 134 du 5 août 1939).
Pendant que les scouts sont en
camp d’été au cœur de la forêt Vosgienne, à Colmar, à
l’imprimerie Alsatia, on met sous presse deux romans qui doivent
sortir prochainement : l’un sera disponible dès la rentrée
littéraire, l’autre au début de l’année suivante. Le premier
est « Le
Prince Eric ».
Il paraît à l’automne 1939 avec des illustrations de Pierre
Joubert. Il fera, on le sait, un succès colossal
en étant vendu
depuis sa parution, à plus d’un million d’exemplaires, ce qui
l’a fait figurer dans le Quid parmi les 200 best-sellers mondiaux
des 50 dernières années. Quant à l’autre ouvrage, il s’agit
d’un conte de Jacques Michel intitulé « Trois
Petits Enfants »,
illustré lui aussi par Pierre Joubert et qui sera disponible au
début de l’année 1940. Publié sous forme d’album pour très
jeunes lecteurs, il ne fait pas partie de la collection Signe de
Piste.
*
*
*
Le 3 septembre 1939, la France
rentre en guerre. Certains auteurs seront prisonniers, d’autres
n’en reviendront pas. Joubert, on l’a vu, s’évade, tandis que
Foncine est fait prisonnier. Il réussit néanmoins à faire
paraître, au printemps 40 dans Scout :
« La Neuvième
Semaine de Guerre de Poucet la Lune » dans
lequel on trouve un dessin de Pierre Joubert représentant un
fantassin assis sous une tente, unique réalisation graphique de ce
dernier durant sa captivité (Scout
n° 148 du 5 mars
1940 – reproduit
récemment in :
« Pierre Joubert – Une vie d’illustration » –
page 16 –
album-catalogue
publié à l’occasion de l’Exposition du Centenaire de la
naissance de Pierre de Joubert qui s’est tenue à Versailles –
Editions Delahaye 2010 ).
On notera également qu’en
septembre 1940, Pierre-Louis Gérin devient Commissaire National de
la branche Scoutisme (Le
Chef n° 173 de septembre 1940).
Le numéro d’octobre du Chef
ouvrira ses pages avec un texte de lui, rappelant à tous les valeurs
du scoutisme.
Au printemps de l’année
suivante, « Le
Relais de la Chance au Roy » paraît
dans la collection Signe de Piste. Louis Heller, l’ami de J-L
Foncine, en est le préfacier et les illustrations, Joubert étant
soldat dans les Vosges, sont réalisées par Cyril Arnstam dans un
style très proche du meilleur Joubert (et parfois confondu par
certains !). Le succès du roman sera lui aussi colossal, avec
plus d’un million d’exemplaires vendus, et les rééditions vont
se succéder jusqu’à nos jours sans discontinuer, faisant le
bonheur de plusieurs générations de jeunes lecteurs.
Quant à la collection Signe
de Piste, elle va, dans les années qui vont suivre, de par son
succès grandissant, s’inscrire dans l’histoire de la littérature
de jeunesse comme un véritable phénomène d’édition, poursuivant
tranquillement sa route tandis que les collections concurrentes
disparaissaient l’une après l’autre, pour fêter aujourd’hui
ses 80 ans et étant ainsi la plus ancienne collection française de
romans pour adolescents.
Conter son histoire serait
trop long dans le cadre de ce petit texte écrit autour du « Jeu
des Ayacks » et des années de démarrage du scoutisme.
Il reste justement à céder
la parole à Jean-Louis, beaucoup plus tard, quand les Ayacks
s’offrent un passage à la télévision. Faisons maintenant un
large bond en avant dans le temps pour nous retrouver à la fin des
années soixante. Le premier opus de Jean-Louis Foncine « La
Bande des Ayacks »
a, durant toutes ces années, remporté un vif succès auprès des
jeunes lecteurs et les rééditions de ce best-seller de la
collection Signe de Piste se sont succédées. Il a été adapté par
deux fois en bande dessinée, traduit en allemand, publié
outre-Atlantique, adapté en version dialoguée en disque microsillon
dans les années cinquante. Quelques années plus tard, il sera
traduit en différentes langues étrangères pour finir dans une très
belle version album enrichie de pleines pages couleur avec un tirage
de tête relié cuir sous emboîtage et enrichie de documents
d’époque. Les Editions du Lombard en tireront également une bande
dessinée illustrée par Benoît Roels. Elle connaîtra une
consécration populaire hors du milieu scout, en 1986, en étant
éditée par France-Loisirs avec un chiffre record de vente, pour la
tétralogie, de 180 000 exemplaires, ce qui, pour des romans
datant de la guerre constituait un résultat qui a surpris les
dirigeants de France-Loisirs pourtant habitués aux très gros
tirages. Et ce d’autant plus que cette tétralogie n’a de
tétralogie que le nom, n’étant ni un roman en quatre volumes ni
une série, les quatre récits n’ayant qu’une unité de lieu, le
« Pays Perdu » dont le titre lui a été ajouté une fois
le succès venu pour faire pendant à la tétralogie, bien réelle,
celle-là, du « Prince Eric ». Bref, cet ouvrage publié
pour la première fois en 1938, est un succès éditorial rare.
Pour couronner le tout, c’est
la télévision qui s’est intéressée à cette impérissable
« Bande des
Ayacks ». De
nombreux projets cinématographiques avaient été engagés mais,
hélas, sans jamais voir le jour. Celui de l’ORTF fut le bon.
Jean-Louis Foncine nous a
quittés voilà bien des années. Mais le romancier a laissé en
héritage une œuvre littéraire riche d’aventures palpitantes qui
ont enchanté des générations d’adolescents et qui sont devenus
des classiques de la littérature de jeunesse.
Christian Floquet
BIBLIOGRAPHIE
ÉDITIONS
ALSATIA (dans la collection Signe de Piste)
Les
Chroniques du Pays Perdu
I.
Le relais de la
Chance au Roy,
roman
II.
La Bande des Ayacks,
roman
III.
La Forêt qui n'en
finit pas, roman
(première
édition : collection Joyeuse,
Alsatia, 1949).
IV.
Le Foulard de sang,
roman
Les
Forts et les Purs,
roman
Le
Glaive de Cologne,
roman
La
Caverne aux épaves,
roman (Signe de Piste Junior)
Les
Canards sauvages, roman
Entracte,
récit autobiographique
La
Bande des Ayacks
(album luxe avec dessins couleurs et archives-photo).
Sous
le pseudonyme de Charles Vaudémont :
Le
Trésor de la Sonora,
roman.
En
collaboration avec Serge Dalens,
Le
Jeu sans frontières, roman
Les
Fils de Christian, récits
En
collaboration avec Jean-François Pays
Hier
la liberté, roman
En
collaboration avec Antoine de Briclau
Le
Lys éclaboussé (ou la survie de Louis XVII),
roman
Les
enquêtes du Chat Tigre
En
collaboration avec Serge Dalens et Bruno Saint-Hill, sous le
pseudonyme de Mik Fondal.
L'Auberge
des trois guépards, roman
policier
Les
Galapiats de la rue haute, roman
policier
L'Assassinat
du Duc de Guise,
roman policier
Pas
de chewing gum pour Pataugas,
roman policier
Le
Piano des princes Darnakine,
roman policier
La
Bible de Chambertin,
roman policier (en collaboration avec J.F. Bazin)
La
D.S. de Creil,
roman policier
Télémik
ou le crime de Mitou,
roman policier
La
Guêpe et les Frelons,
roman policier
Panique
sur la butte, roman
policier
Versailles
Vougeot ou l'affaire de Larches,
roman policier
Mik
et la pierre du soleil,
roman policier
L’Affaire
Marmouset, roman
policier
ÉDITIONS
DU LOMBARD
Le
Relais de la Chance au Roy,
bande dessinée
La
Bande des Ayacks,
bande dessinée
Les
Galapiats de la rue haute,
bande dessinée
La
Forêt qui n'en finit pas,
bande dessinée.
HÉRON
ÉDITIONS
Un
si long Orage, chronique d'une jeunesse
I.
Les Enfants Trahis
II.
Les eaux vertes de
la Flöha
ÉDITIONS
BIAS
Scouts
du monde entier,
histoire anecdotique du scoutisme mondial
ÉDITIONS
ALSATIA
En
collaboration avec Jean-François Bazin et Bruno Kornprobst
Petit
lexique de la subversion
ÉDITIONS
ELOR
Contes
des Pays Perdus,
reprise de contes parus dans Scout
ou dans les Fusées.
Yan
(La Caverne aux épaves).
Le
FAMILISTERE (publications réalisées par Miranbeau & Cie).
Le
Trésor de la Sonora,
Roman, 64 vignettes de Pierre Joubert, 1960.
Le
petit roi des Gitans,
Roman, 64 vignettes de Pierre Joubert, 1961.
Sabotage
au Grand Prix,
Roman, 72 vignettes de Pierre Joubert, 1962.
Cadet
et Cadette à Tokyo,
Roman, 72 vignettes de Pierre Joubert, 1963.
Remerciements
Christian Floquet témoigne sa
gratitude à tous ceux qui se sont mobilisés pour lui permettre de
rendre hommage à Jean-Louis Foncine et de réaliser cet article
commémorant le 80e
anniversaire de la parution de « La Bande des Ayacks » :
Merci à Madame Corinne Desmettre, responsable des Archives des
Guides et Scouts de France, ainsi qu’à Madame Maryse Romain, à
Messieurs Christian Lamoureux, Alain Gout, Pierre Vaultier, Yves
Combeau, Jean-Jacques Gauthé, Eric Bargibant, Joseph-Henri Cardona,
Jean-Marie Vonau, Janik Pikula, Michel Bonvalet, Ainsi qu’au
« Réseau
Baden-Powell », aux Editions Delahaye, sans oublier les équipes
de l’I.N.A., les associations et sites internet :
« Scoutisme,
Patrimoine et Collections », « Honneur au Scoutisme »,
ainsi qu’aux animateurs et aux sites : « Romans
Scouts », « Scoutopedia », « 27paris.net »,
« Signe de Piste », « Carnet2bord », Et, bien
entendu, au site : « Jeux de Piste » et à son
webmaster qui accueillent cet hommage.
©2018 Christian Floquet
Pour mémoire : Dernier entretien avec Jean-Louis Foncine et hommages :
http://www.jeuxdepiste.com/interview/interviewfoncine.html
http://www.jeuxdepiste.com/lectures_lignes/foncine.html
http://www.jeuxdepiste.com/lectures_lignes/souvenirfoncine.html
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