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Lorsque nous avons envisagé de fêter les 80 ans des Ayacks, après ceux du Prince Eric, nous n’imaginions pas que Christian, en enquêteur passionné, nous proposerait une œuvre de compulsions d’archives aussi dense et importante, nous faisant découvrir au fur et à mesure des chapitres l’influence du scoutisme sur la création de la collection Signe de Piste et sur le théâtre moderne.
Christian Floquet, digne héritier de Georges Ferney, en croisant les informations recueillies nous entraîne dans une aventure exceptionnelle.
Les Ayacks ont 80 ans cette année !
Qui mieux qu’Alain Gout (en dehors du regretté Jean-Louis Foncine à qui nous dédions cet hommage) pouvait assurer la présentation d’un tel travail historique ?
Nous lui cédons la plume en remerciant Christian pour cette oeuvre et les documents rares qui l’accompagnent

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LES AYACKS ONT 80 ANS !


AVANT-PROPOS

Il y a quelque temps, Christian Floquet me faisait part de son projet de célébrer les 80 ans du « Jeu des Ayacks ». Une œuvre collective imaginée par le Clan Péguy en 1935 d’après un thème de jeu de Jean Foncine et Jacques Michel. C’est à partir de cette pièce dite « Jeu des Ayacks », et de l’énorme succès qu’elle rencontra, que Foncine (devenu Jean-Louis) allait, quelques années plus tard, tirer le roman « La Bande des Ayacks ». On sait aujourd’hui quel succès extraordinaire il a remporté, avec des tirages à faire pâlir bien des prix Goncourt.

Christian s’est alors lancé dans un vrai travail de détective, recherchant les sources, étudiant livres et documents inédits et passant des semaines à consulter les archives de l’Association des Scouts de France. En lisant son texte, on a l’impression de suivre une enquête policière tant il ouvre de pistes et découvre de personnages et d’entreprises montées par eux. C’est cette étonnante exploration qu’il nous fait partager dans ce passionnant récit.

Ses recherches l’ont en effet entraîné bien au-delà du projet initial, croisant les routes d’Albert et Maurice de Lansaye (le futur Jacques Michel), de Pierre-Louis Gérin, de Paul Coze, du père Sevin, de Léon Chancerel et de tant d’autres que vous allez découvrir. Ce faisant, on suit aussi les premières années de scoutisme de Pierre Joubert et Pierre Lamoureux/Foncine quand ils n’étaient encore que des adolescents.

Et c’est alors au développement du scoutisme catholique en France qu’on assiste, ou plutôt qu’on vit en direct, en les suivant dans leurs sorties en forêt, leurs camps aventureux, l’apprentissage d’un indianisme exotique, en voyant se développer ces inédites communautés de garçons joyeuses et fraternelles dans la paix retrouvée de l’après Grande Guerre.

Tout cela est connu. Et pourtant, en lisant les pages qui suivent, on va de surprise en surprise car plus on avance dans la lecture, plus ce scoutisme des débuts se révèle étonnant et vivant, à l’opposé du ‘’scoutisme de papa’’ un peu gauche et vieillot que montrent les photos d’époques : grands défilés, uniformes un peu ridicules, avec pèlerines et grands bâtons, chapeaux canadiens et culottes descendant aux mollets dans une ambiance surannée. Alors que c’est le contraire qui s’est développé dans les années 20 et 30 : ce que décrit Christian Floquet, c’est un scoutisme novateur, conquérant et ouvert, animé par des jeunes qui semblent vouloir tout entreprendre et tout découvrir, et à qui le Quartier Général, loin de les freiner, permet de tout entreprendre et tout découvrir, les laissant se lancer dans des projets divers et audacieux, en particulier dans le domaine artistique. Comme s’il s’agissait de rattraper les années meurtries de la guerre pour, enfin, vivre.

Une fois les troupes lancées et la formation technique permettant de vivre en autonomie en pleine nature acquise, tout devenait prétexte à jeux, activités et aventures : Pierre Joubert, Jean-Louis Foncine, Albert et Maurice de Lansaye, Paul Coze, Pierre-Louis Gérin, Georges Ferney et tant d’autres que le lecteur va découvrir créent mille et une activités, toujours renouvelées.

Ce qui surprend le plus, c’est l’extraordinaire faculté de ce mouvement scout – dirigé par des généraux qui sortent des champs de bataille et des ecclésiastiques que leur vocation ne conduisait pas d’office à aller courir les bois – à accepter toutes les formes d’expression et de créativité artistique, à accueillir et exploiter tous les talents : dramaturgiques, scéniques, littéraires, musicaux, décoratifs, picturaux… C’est à des tout jeunes chefs que ce mouvement confie l’animation de la revue « Scout », pas à des professionnels. Et ils la rendent vivante et agréable à lire, y publient contes et nouvelles, l’illustrent de leurs dessins (c’est cette revue qui va permettre à Pierre Joubert d’exprimer son immense talent comme, en Belgique, la revue des scouts lancera Hergé), l’agrémentent des photos de Robert Manson et de beaucoup d’autres. Ce faisant, ces jeunes talent vont créer le ‘’style scout’’, orienter leurs activités, faire leur formation aux techniques, au chant, aux grands jeux et en faire des jeunes avides de grand air et de bonheur, tout à l’opposé des ‘’petit soldats’’ qui, avant-guerre, faisaient de l’hébertisme et des exercices militaires dans les cours de lycées.

Ce sont aussi ces mêmes chefs qui publient les premiers romans scouts avant la naissance du Signe de Piste ; inventent des jeux théâtraux pour les feux de camp ou les fêtes de groupe; se jettent à corps perdu dans le Théâtre de la Jeunesse que Léon Chancerel, disciple de Jacques Copeau et rénovateur du théâtre, crée spécialement pour eux : il avait compris que c’était dans et par le scoutisme qu’il allait pouvoir exprimer ses idées de renouveau théâtral et les diffuser dans le peuple. Et le mouvement avale tout ça parce que ces jeunes comprennent que le théâtre, comme le roman, la musique, le chant choral sont, aussi, le scoutisme. Des musiciens composent spécialement pour les scouts des chants inspirés du folklore et de la chanson populaire française. Des cinéastes, notamment avec Georges Ferney, écrivent des scénarios qui s’intègrent au scoutisme (si la guerre n’était survenue, « La Bande des Ayacks » aurait été tournée, avec Robert Lynen dans le rôle de Gali). Les décorateurs, Pierre-Louis Gérin et Joubert, transforment les locaux scouts en ‘’manoirs’’ d’aventuriers. Les arts du bois s’y intègrent aussi, jusque dans les installations de camp par l’art du froissartage que vulgarise Michel Froissart.

Après la guerre, les fruits de l'arbre seront beaux : les adolescents qui furent initiés à ces arts, et leurs maîtres, vont devenir les acteurs de la vie artistique de l’après-guerre : on connaît la carrière d’illustrateur de Pierre Joubert ; celle, au théâtre, d’Olivier Hussenot et Jean-Pierre Grenier (la Compagnie Grenier-Hussenot qu’Yves Robert avait baptisée la troupe-liberté), ou celle de Jean Dasté (les fameux Tréteaux de France), tous passés par les Comédiens Routiers de Léon Chancerel ; en musique, celle  des Frères Jacques, de César Geoffray (Mouvement A Cœur Joie, Choralies de Vaison-la-Romaine) ou, en musicologie, de Jacques Chailley ; en littérature, les centaines d’auteurs ayant produit des romans scouts, la majeure partie dans le ‘’navire amiral’’ Signe de Piste, certains, comme Bertrand Poirot-Delpech, après y avoir débuté, ayant bifurqué vers le journalisme et le roman, jusqu’à l’Académie.

Il reste à relever, dans cette période d’éducation et de création artistique habilement mêlées, le rôle considérable, eu égard à leur faible importance numérique, des chefs et scouts des troupes 13ème, 14ème, 51ème et 131ème Paris. C’est par ces troupes que sont passés Jean-Louis Foncine, Pierre Joubert, Albert et Maurice de Lansaye, Pierre-Louis Gérin, c’est-à-dire un noyau particulièrement actif dont le travail fécond a irrigué, via les revues et les camps de formation, l’ensemble du mouvement.

Mais revenons, au « Jeu des Ayacks », et découvrez l’étonnant récit auquel nous convie Christian Floquet.

Alain Gout




Les fans de la collection Signe de Piste connaissent tous « La Bande des Ayacks », rédigée avant-guerre par Jean-Louis Foncine et qui fait partie des récits cultes de cette collection d’ouvrages destinés à la jeunesse.

Son thème révolutionnaire a su conserver, malgré les années, toute sa fraîcheur et sa modernité. Et des générations d’adolescents ont rêvé à sa lecture et se sont identifiés aux Ayacks de Jean-Louis Foncine.

Cet ouvrage, paru en 1938, fête donc cette année son 80e anniversaire. Il a donné lieu ensuite à bien des rééditions mais aussi à d’innombrables projets, dont certains, quoique bien avancés, ne virent jamais le jour.

Ce qu’on sait moins, c’est que ces « Ayacks » sont nés d’un jeu scout organisé dans une forêt de la banlieue parisienne, par les troupes 13e et 14e Paris de la Paroisse Sainte Clotilde, un dimanche de novembre 1934. Puis, au printemps suivant, de ce jeu scout fut tiré un spectacle théâtral pour la fête de groupe de ces troupes scoutes du 7e arrondissement.

Le spectacle remporta un vif succès auprès de son auditoire, ce qui fit que certains projets ont instantanément germé, dont on ne sait plus grand-chose aujourd’hui, sinon qu’ils ont existé.

Et pourtant… Jean-Louis Foncine évoqua ces projets dans une interview qu’il accorda à la fin des années soixante lors de la diffusion sur le petit écran de la série en six épisodes de « La Bande des Ayacks » réalisée pour la télévision. Il y expliquait que différentes tentatives en vue de porter ce récit à l’écran s’étaient succédées durant plusieurs décennies, sans aboutir.

Pour vous les conter, retournons à la source, c’est-à-dire tout d’abord à la création des fameuses troupes scoutes 13e et 14e Paris. Car, quelque part, elles sont à l’origine de la naissance des « Ayacks ».

C. Floquet


Avertissement

Les textes et les visuels qui constituent cet article sont soumis à des droits d’auteurs et ne sauraient être reproduits, totalement ou partiellement, sans autorisation préalable.



Du scoutisme à la littérature d'aventure pour la jeunesse...

Des Comédiens-Routiers de Léon Chancerel au roman mythique de

Jean-Louis Foncine...

Dans la longue histoire du scoutisme parisien, la 13e Paris, dite aussi troupe Laperrine, compte parmi les plus anciennes : l’association des Scouts de France n’avait que deux ans lorsqu’elle fut évoquée dans le n° 2 de la revue Le Chef comme ‘’étant en formation’’. Sa fondation fut annoncée le 1er juillet 1922. Elle recrutait en plein cœur de la capitale sur la rive gauche : tout d’abord rattachée à la paroisse de Saint-Germain-des-Prés, le local de cette troupe était situé au n° 7 de la rue Furstemberg ; elle avait pour aumônier un certain abbé Delaroche ; et, pour encadrer les jeunes membres de cette troupe au foulard vert bordé de brun, un scoutmestre nommé Alexis-Paul Bourgeois, demeurant 52, rue de Seine (Le Chef n° 5 – juillet 1922). On le retrouvera plus tard Commissaire du District de Paris-Centre.

La 14e Paris, comme son numéro l’indique, fut fondée dans la foulée mais on possède moins de précisions sur sa création. Elle est mentionnée pour la première fois en septembre 1922, comme 14e Paris, du groupe Charles de Foucauld, dans les colonnes du Chef (n°7 à 9 septembre/novembre). Elle sera, tout comme sa jumelle avec laquelle elle est intimement liée par son parcours, rattachée à la même paroisse, avec le même local et les mêmes dirigeants (n°18 à 20 de la revue Le Chef d’octobre/décembre 1923). Ses membres portent un foulard de couleur vert uni précise l’annuaire des Scouts de France de 1930.

Les enfants de la famille de Lansaye vont en devenir rapidement membres car cette famille aristocratique demeure à proximité, dans un immeuble situé 37, rue de Seine. D’abord Albert, (1903-1976), puis Maurice, (1909-1996). Les deux fils aînés de cette famille vont marquer de leur empreinte ces deux troupes scoutes parisiennes.

Le 13 mai 1924, Alexis Bourgeois est définitivement nommé S.M. (scoutmestre) de la 14e Paris (Le Chef des mois de juillet/août). C’est vraisemblablement durant de cette même année que ces deux troupes scoutes déménagent, passant de la paroisse de Saint-Germain-des-Prés à celle de Sainte-Clotilde : les publications du mouvement Scouts de France mentionnent une ‘’réorganisation’’ à leur sujet.

Cette même année 1924, un tout jeune novice vient grossir les effectifs de la 14e Paris. Il se nomme Pierre Joubert et demeure 26, rue Saint-André des Arts. Ce dernier relatera avec humour, beaucoup plus tard, quand il publiera ses mémoires, Souvenirs en Vrac, son arrivée à la 14e Paris dans le très chic 7e arrondissement de la capitale, où elle partage les mêmes locaux que la 13e au 59 rue de Bourgogne. (Pour information : Un document d’archive conservé au Centre National des Guides et Scouts de France, mentionne que Pierre Joubert prononça sa promesse scoute le Samedi 2 Mai 1925).

Dans le premier numéro de l’année suivante (mois de janvier/février) du périodique Le Chef, on découvre, dans la rubrique « Nomination des chefs en scoutmaîtrise » que Maurice de Lansaye est membre de la 14e Paris. C’est la toute première fois que son nom y apparaît, mais ça ne sera pas la dernière car, dans les années qui vont suivre, il prendra part à sa rédaction. Bien que plus discret que son frère cadet, on suppose qu’Albert de Lansaye gravit lui aussi parallèlement les échelons du scoutisme car il occupera, comme son frère, au sein de ses troupes et du district de Paris-Centre une place importante.

Nous voici en 1926, et c’est un autre novice qui vient grossir les rangs de la 13e Paris. Il a pour nom Pierre Lamoureux et lui aussi est un enfant du 6e arrondissement : il demeure au 13, rue de Tournon. Comme Pierre Joubert, il contera lui aussi, dans ses mémoires « Un si long orage – Chronique d’une jeunesse », son entrée au sein des Scouts de France.

Les aînés qui encadrent ces troupes ont pour mission d’amuser tout ce petit monde, d’organiser des activités éducatives, des sorties, des jeux… et de leur apprendre tout ce qu’un scout doit savoir. Les dessins de jeunesse du talentueux Pierre Joubert en font le récit épique et humoristique. En particulier ceux qui figurent dans l’album « Du temps que j’étais « boiscout » qui content ses propres aventures de jeune scout, puis de chef de troupe de 1925 à 1935. On y découvre notamment que l’art dramatique était, en ces temps lointains, l’une des activités favorites des troupes de Sainte-Clotilde. Et aussi les échelons qu’il fallait gravir au travers d’épreuves variées permettant au ‘’pied tendre’’ de devenir un scout accompli. Ces épreuves, elles étaient enseignées aux futurs chefs au Camp-école des Scouts de France situé dans l’enceinte verdoyante du château de Chamarande, en plein cœur de l’Essonne. Là, étaient présents les grandes figures du scoutisme, entourant le ‘’Mestre de camp’’, le Père Jacques Sevin, l’instructeur principal.

Au printemps 1926, on y trouve, parmi les participants aux épreuves, Maurice de Lansaye, en tant qu’assistant-louvetier de la 14e Paris, et un certain Emmanuel Bonfilhon de Règneiris, plus connu au Signe de Piste sous le pseudonyme de Georges Ferney, avec le grade d’A.S.M. (assistant scoutmestre) de la 1er La Seyne-sur-Mer qui fut un temps sa troupe. C’est sans doute à cette occasion qu’ils firent connaissance et se lièrent d’amitié. Et encore, dans le sillage des proches du Père Sevin, un jeune chef scout lillois nommé André Noël avec lequel Maurice de Lansaye va également se lier d’amitié et avec qui il va collaborer un an plus tard, en octobre 1927, tout d’abord comme secrétaire de rédaction pour le périodique Le Chef dont André Noël est devenu le rédacteur en chef, puis ensuite, quelques années plus tard, comme directeur d’une nouvelle collection de romans scouts : Le feu de camp, créée par les Editions J. de Gigord.

Il est aussi vraisemblable de penser qu’en tant qu’assistant-louvetier de Sainte-Clotilde, Maurice de Lansaye ait mis tout en œuvre pour que les petits loups de son groupe participent cet été-là au 1er Rassemblement National des Louveteaux qui se déroula au mois d’août 1926 à Chamarande. A la même époque, les deux copains Joubert et Lamoureux ont prononcé leur promesse scoute au sein de leurs troupes respectives tandis que Maurice de Lansaye commençait à écrire ses articles dans les revues du mouvement. Cela commence dès l’automne 1926 dans Le Chef, avec un petit conte de Noël signé de son véritable patronyme. Mais ce n’est que deux ans plus tard qu’apparaîtra au printemps 1928, toujours dans Le Chef, un texte signé du nom de Jacques Michel, pseudonyme que Maurice de Lansaye va adopter en littérature.

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Nous sommes en 1927. A Sainte-Clotilde, les camps, sorties, jeux et activités scoutes se succèdent. Les patrouilles s’activent et s’en donnent à cœur joie. L’ennui ne le dispute pas à la mélancolie : c’est le temps du bonheur, de l’aventure et de l’amitié disent en chœur Joubert et Lamoureux dans leurs mémoires.

Au début de l’année précédente était paru dans les colonnes de la revue Le Chef (n° 33 de janvier/février) un entrefilet qui avait attiré l’attention de certains chefs et d’un grand nombre de leurs jeunes scouts : « Les Lévriers. A l’avenir, les scouts désireux d’offrir leurs services au Camp-Ecole, pourront le faire en s’adressant par l’entremise de leur Scoutmestre, au Mestre de Camp, 73 rue des Stations, Lille (il s’agissait de l’adresse personnelle du Père Jacques Sevin). Le S.M. (Scoutmestre) recevra un formulaire à remplir par le candidat. Cette formule, destinée à renseigner le directeur du Camp sur ses aptitudes sera renvoyée au Mestre de Camp par le S.M., avec sa signature et celle de ses parents. Le Chef sera ensuite avisé de la suite donnée à la demande de son scout. Une nouvelle organisation du service des Lévriers, encore à l’étude, permettra désormais, nous l’espérons, de ne les occuper qu’a des travaux de campeurs, à l’exclusion des corvées de cuisine. De sorte, le séjour à Chamarande leur sera profitable et pourra aider à leur projet en scoutisme. On peut se procurer la formule en s’adressant au secrétariat de Lille, 73 rue des Stations. »

Le jeune Pierre Joubert fut séduit et proposa son concours. Il fit partie des membres de cette patrouille dite ‘’de service’’ en septembre de cette année-là à l’occasion du 10ème cours de scoumaîtrise. Ce séjour à Chamarande sera pour Pierre Joubert un tournant décisif pour la suite de sa carrière : il relate dans ses mémoires que c’est lors de ce séjour à « Cham » qu’il fut remarqué et sollicité par Paul Coze pour participer aux illustrations du magazine « Le Scout de France » dont Paul Coze était le rédacteur en chef et l’illustrateur officiel. Dès le numéro d’octobre les premiers dessins de Pierre y sont publiés.

Arrêtons-nous un temps sur Paul Coze qui est à l’époque un personnage-phare du monde artistique scout. Il occupe entre autre le poste d’assistant-instructeur au Camp-école de Chamarande. Il est aussi artiste-peintre et illustrateur, auteur de nombreux d’ouvrages, journaliste et photographe à ses heures. Jeune homme mondain passionné d’ethnologie, il est considéré au sein des Scouts de France comme le chef de file de l’indianisme dans le scoutisme. Par ailleurs, il a aussi rédigé un manuel : « Pour devenir scout de seconde classe », sorti en librairie en 1926. C’est aussi un ‘’touche à tout’’ qui s’intéresse de près au cinéma. Le premier long-métrage scout issu d’une fiction, « Les Cœurs Héroïques », auquel Paul Coze a largement contribué vient tout juste de sortir sur les écrans. Il s’intéresse également au théâtre et, à la fin d’année 1927, il monte un spectacle théâtral dans lequel il recrée, en quatre tableaux, la vie des indiens d’Amérique du Nord. Ce spectacle sera joué sur scène au Palais du Trocadéro à l’occasion du 1er Gala des Scouts de France. Ce soir-là, nombre de personnalités sont dans la salle, militaires de haut rang, tels que le Maréchal Foch, le Maréchal Lyautey, le Général Weygand, le Général Salin, ou encore le Consul de Sa Majesté Britannique, le Directeur de l’Ecole Centrale ainsi que tout un parterre de personnalités de l’association des Scouts de France qui vient être reconnue d’utilité publique depuis fin avril. La salle est comble ! De son côté, le jeune Pierre Joubert semble définitivement avancer dans le sillage de Paul Coze : il participe à l’aventure d’un spectacle, « De Neiges à Neiges – les quatre âges des indiens », conçu en quatre tableaux : « l’enfant, l’adolescent, l’homme, le vieillard ». Pour cette création, Joubert va, avec quelques autres, contribuer à la conception des décors. Mais il en est également l’un des interprètes : sur les planches, mocassins aux pieds, vêtu en peau rouge, coiffe indienne sur la tête, il incarne un chasseur sioux. C’est sans doute la première fois que ce jeune homme de 17 ans se retrouve sur une scène face à un si large public. Le Scout de France relate le large succès remporté par ce spectacle (Le Scout de France – n° 73 du 1er janvier 1928).

C’est l’époque où Paul Coze effectue des ‘’missions’’ outre-Atlantique afin d’étudier la vie des Peaux Rouges nord-américains. Il en rapporte photos, films et nombre d’objets ethniques qui font, en France, l’objet d’expositions. Comme, par exemple, le grand totem dit ‘’de l’Ours’’, exposé à l’époque au Musée Ethnographique du Trocadéro et aujourd’hui conservé parmi les collections du Musée du quai Branly – Jacques Chirac. Il rédige également des ouvrages sur la question : « Mœurs et histoire des Peaux-Rouges », « Cinq scouts chez les Peaux-Rouges », « Wakanda », « L’oiseau Tonnerre », « Quatre feux »… Avec son frère scout et ami Jean Droit, il crée un cercle d’étude des Peaux-Rouges qu’il nomme Wakanda et qui regroupe environ 500 membres. Paul Coze devient très vite un véritable ethnologue spécialiste de la question des indiens d’Amérique du nord. Quelques années plus tard, il s’installera définitivement outre-Atlantique où il finira sa vie.

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Reprenons notre historique et retournons à Chamarande, en septembre 1927, à la période où s’y déroule le 10e Cours de Scoutmaîtrise. Il comprend un peu plus d’une trentaine de candidats. Là, parmi les participants aux épreuves venus des quatre coins de l’hexagone, nous retrouvons le jeune Georges Ferney, connu pour s’intéresser de près à l’image, qu’elle soit fixe ou mouvante. Maurice de Lansaye est lui aussi présent pour participer aux épreuves. Il est accompagné de quelques-uns de ses jeunes scouts de la 14e Paris qui vont faire partie, durant ce séjour d’une douzaine de jours, de la patrouille ‘’de service’’, les fameux Lévriers. Ils se nomment Pernère, Cyssartier et Joubert nous précisent les liasses manuscrites des archives personnelles du Père Sevin. Bien des années plus tard, alors que Pierre Joubert évoque cette période pour la première fois dans une interview réalisée par Alain Gout en 1975 pour « La Fusée 1975/76 » (« Qui êtes-vous Pierre Joubert ? »), il dévoile qu’il fut le chef de patrouille de cette unité à l’occasion de ce 10e cours. (Cette interview se prolongera, plus tard, par une seconde réalisée par Jean-Louis Foncine et Alain Gout, lesquelles seront ensuite transformées en mémoires écrites par Pierre Joubert et parues sous le titre « Souvenirs en vrac »).

L’instructeur principal est le Père Jacques Sevin et son assistant est Paul Coze. Les jeunes Lévriers ont, parmi les tâches qui leurs sont allouées, le montage et démontage du matériel nécessaire aux épreuves des candidats répartis en quatre patrouilles distinctes : les Coucous, les Hiboux, les Ramiers, les Corbeaux. Ferney fit partie de celle des Coucous. Parmi les tâches des Lévriers, il y avait aussi celle dite de ‘’l’estafette’’ qui consistait à porter des messages d’un point à un autre du camp. A l’issue de ce dixième cours de scoutmestre et de ses épreuves, que les candidats réussirent avec brio, Ferney devint S.M. (de nos jours on dit : chef de troupe), tandis que le Louvetier de la 14e Paris, Maurice de Lansaye, reçut le Foulard Gris et les Dents d’Akéla (rubrique nominations, Le Chef – n°47 du 15 novembre 1927). Cette publication nous dévoile aussi que Maurice de Lansaye fut un temps le louvetier de la 9e Lille où il venait tout juste d’être nommé. Cette troupe scoute de la 9e Lille fut durant plusieurs années dirigée par André Noël (elle sera ensuite, semble-t-il, dirigée par le jeune frère cadet d’André Noël, prénommé Pierre, nous informe Le Chef n°97 du 15 novembre 1932). On suppose que Lansaye, qui a tout juste vingt ans à ce moment-là va, parallèlement au scoutisme, effectuer son service militaire dans un casernement de la proximité lilloise. Ce qui expliquerait cette mutation lointaine.

On retrouve tous les participants sur la photo officielle prise par Eugène Rameau, photographe officiel du Camp-école qui réalisera une quantité phénoménale de clichés témoins de cette période. C’est aussi l’époque où la photographie commence à apparaître de façon systématique dans la presse. Les magazines des Scouts de France vont lui accorder une large place sans pour autant évincer le dessin. Comme nous l’avons dit plus avant, Ferney s’intéresse à l’image : précédemment, il a eu l’occasion par l’entremise d’un ami, le commissaire scout marin toulonnais Pierre Grimaud, de faire la connaissance de Paul Coze auquel il va montrer ses clichés scouts. Paul Coze qui, nous l’avons vu, est un découvreur de talents, n’y reste pas insensible. Dès le printemps 1927, les premiers clichés de Georges Ferney sont publiés dans Le Scout de France, tout comme ceux de Jos le Doaré, et un peu plus tard ceux du talentueux Robert Manson. Avec ces jeunes talents, qu’ils soient photographes ou illustrateurs, les grandes heures de l’imagerie du scoutisme commencent.

C’est aussi l’époque où les jeunes scouts sont ‘’totemisés’’, en passant auprès de leurs ainés un certains nombres d’épreuves. Cette pratique, dont Paul Coze est à l’origine, était très en vogue dans les unités scoutes des années 20/30 et même un peu après. C’était la transposition, dans la jeunesse occidentale, des rites d’initiations des indiens d’Amérique – qu’on trouve aussi dans les sociétés qu’on qualifiait alors de ‘’primitives’’ –, et qui en fait permettaient le passage symbolique du monde de l’enfance à l’âge adulte, évitant ainsi la longue et difficile période d’adolescence des sociétés modernes : l’initié qui avait franchi les épreuves était admis directement chez les guerriers et les chasseurs. A issue de la totémisation, un nom était attribué au scout totémisé. Ainsi, le Père Sevin est aussi renard noir, le chanoine Cornette, aumônier général des Scouts de France est vieux loup, Paul Coze est panthère à l’affut, Pierre Grimaud est renard silencieux, Pierre Joubert est épagneul taciturne, et Georges Ferney renard rouge…

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Au début de l’année 1927, chez les aînés de la 14e Paris, s’est formé un clan routier qui adopte le nom de Charles de Foucault (Le Chef – n°42 du 15 avril 1927).

Quelques temps plus tard, les jeunes de Sainte-Clotilde vont connaître des moments inoubliables : ils traversent la manche pour se rendre, durant l’été 1929, au sud de Liverpool où se déroule un grand rassemblement international du scoutisme, le Jamboree de Birkenhead où soixante-sept nations sont représentées par cinquante-six mille boy-scouts. Là encore, les magnifiques dessins de Pierre Joubert en apportent un témoignage naïf et plein de fraicheur.

A la fin des années vingt se crée, à l’initiative du dramaturge Léon Chancerel, le C.E.R.T.S., c’est à dire le Centre d’études et de Représentations Théâtrale Scoutes. Il ouvre ses portes au 64 rue Ampère dans un hôtel particulier situé au cœur du 17e arrondissement de Paris, prémisse de ce qui deviendra la célèbre Compagnie des Comédiens Routiers. Léon Chancerel dira plus tard : « En 1927, j’étais assez désorienté et même tout près de désespérer de ce théâtre à quoi j’avais consacré toutes mes forces. C’est alors que je connus les Scouts de France. Et tout de suite, un accord spirituel se fit entre nous : je compris que ce terrain neuf était éminemment propice à la floraison de ce théâtre nouveau qui nous est si cher. On pouvait tenter là, avec l’expérience de certaines conventions nouvelles, la formation d’une équipe de création dramatique collective au sein d’une communauté bien définie, conformément à une doctrine et à une technique déterminées, inspirées en grande partie de la pensée profonde de Copeau. »

Parmi les premiers scouts à s’y impliquer, Maurice de Lansaye, passionné d’art dramatique. Masqué, il interprète des personnages du théâtre japonais. Ce qui ne l’empêche pas, parallèlement, d’essaimer ses articles et romans dans la presse scoute, soit sous son patronyme, soit sous son nom de plume. Vont paraître ainsi « L’Aventure du roi de Torla » publiée en feuilleton dans Le Scout de France aux premiers jours de 1930 avec des illustrations de l’ami ‘’Joubi’’. Quant à son frère Albert, il est devenu, l’année précédente, A.S.M.D (assistant scoutmestre de district) pour le secteur de Paris-Centre II. Car à l’époque, au sein des Scouts de France, chaque secteur de la capitale est divisé, voir subdivisé. C’est le cas pour le centre de Paris. Néanmoins, Albert est toujours rattaché aux troupes de Sainte-Clotilde qu’il continue de diriger. De son côté, Maurice à lui aussi gravi les échelons du scoutisme et le voilà maintenant Maître Louvetier de la 14e Paris (Le Chef n° 69 du 15 janvier 1930). Un nouveau venu vient grossir les rangs des effectifs de la troupe 14e Paris : Pierre-Louis Gérin dit castor tenace. Il va laisser derrière lui bien des traces : à Sainte-Clotilde, dans le scoutisme, dans le théâtre scout et dans la littérature scoute.

Au milieu de l’année 1930, mon attention a été attirée par une annonce parue dans Le Chef (n° 74 du 15 juin 1930 - rubrique affiliations-scoutisme) : depuis le 1er Mai, sont reconnus A.S.M. : Pierre Joubert, de la 14e Paris et Yves de Verdilhac, de la 4e Nancy (Serge Dalens).On présume que c’est après avoir passé les épreuves qui devaient se dérouler au Camp-école de Chamarande. Or Joubert et Foncine, et même Dalens, ont tous dit dans leurs écrits respectifs que la toute première rencontre entre Pierre Joubert et Serge Dalens avait eu lieu à Strasbourg au milieu des années trente lorsque Pierre Joubert y effectuait son service militaire. Et bien nous disons… oui et non !

Mais, le Père Yves Combeau, historien du scoutisme, nous fera observer que seuls les C.T. étaient formés à Chamarande. Les stages d’A.C.T. étant effectués en districts. Donc, Joubert à Paris et Dalens à Nancy. En conséquence c’est bien à Strasbourg, comme écrit dans « Souvenirs en vrac » par Joubert, qu’ils se sont rencontrés.

Mais n’anticipons pas, nous évoquerons cela plus loin.

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A cette époque en France la littérature dite ‘’de fiction et d’aventures’’, destinée aux jeunes scouts, n’en est encore qu’au stade embryonnaire car il existe finalement assez peu de choses. Bien-sûr les jeunes boy-scouts peuvent lire les fascicules d’aventures scoutes de Jean de la Hire et de son héros Franc-Hardi. Il existe aussi le premier ouvrage de fiction de Pierre Delsuc, « La Rude Nuit de Kervizel » qui sort en librairie à la fin des années vingt aux Editions Spes et qu’illustrera Paul Coze. Et, quelques temps plus tard, chez le même éditeur, le roman d’un nommé Cam, intitulé « La Crise du Chef ». Mais à cette période, aucune collection de romans de jeunesse destinée à un public scout n’existe réellement en France. Néanmoins son public est là.

Pendant ce temps, en ce début des années trente, Maurice de Lansaye est nommé ‘’Commissaire Assistant de District de Paris Centre II Branche Louveteaux’’ tandis que son frère aîné Albert devient ‘’Commissaire Assistant de District de Paris-Centre II Branche Scouts’’, et que Maurice Genet, qui avait rallié Sainte-Clotilde, est titularisé S.M. D., comprenez : ‘’Scoutmestre de District de Paris-Centre II’’ (Le Chef n° 75 – de juillet 1930). Dans ce même numéro, on apprend également qu’André Noël vient de donner sa démission et quitte le nord de la France pour rallier, semble-t-il, une troupe scoute du centre la capitale. A cette époque, un jeune scout rejoint la 14e Paris. Il pour nom Michel Rigal. Celui-ci, comme Pierre Delsuc, que nous avons évoqué plus haut, aura un rôle très important au sein l’association des Scouts de France dont ils deviendront cadres dirigeants.

En 1931, à Sainte-Clotilde, Pierre Lamoureux (Jean-Louis Foncine) est nommé Assistant Scoutmestre de la 13e Paris (Le Chef 87 de novembre 1931).

Yves de Verdilhac, qui au mois août vient de passer à Chamarande les épreuves du ‘’16e Cours de Scoumaîtrise’’, est nommé Scoutmestre de la 2e Nancy. A cette même cession, un certain Paul Février, de la 11e Lille (alias Pierre Fuval pour le Signe de Piste) fait également partie des candidats.

De son côté, Georges Ferney continue lui aussi à gravir les échelons du scoutisme : au début de l’année 1931, il est devenu Scoutmestre de sa troupe toulonnaise. En parallèle de la publication de ses articles et de ses photographies dans Le Scout de France, de la fin des années vingt au début des années trente, il commence à s’intéresser de façon plus professionnelle au cinéma, depuis peu devenu parlant. Ses archives personnelles montrent qu’il rédige alors plusieurs scénarios dont l’intrigue est scoute et qu’il cherche des financements. Il calcule et fait des bilans prévisionnels pour des tournages… Et il est en contact avec le monde du 7e art : scénaristes, acteurs, studios, producteurs…

Paul Coze ne cesse de faire des voyages chez les indiens d’Amérique du nord. Au début de l’automne, un nouveau rédacteur en chef est nommé à la tête du bimensuel Le Scout de France : Maurice de Lansaye. (n° 162 puis 163 du périodique Le Scout de France).

Maurice de Lansaye, alias Jacques Michel, et André Noël travaillent aussi depuis quelques temps dans le secteur de l’édition. Durant l’hiver 1930/1931 ils sont reçus tous les deux au 15 de la rue Garancière, à Saint-Sulpice, dans les locaux des éditions J. de Gigord par Monsieur Charles d’Arneville à qui appartient cette maison d’édition, et par Monsieur Louis Chaigne qui en est le directeur littéraire (plus tard ce dernier donnera d’ailleurs une préface à un roman paru dans la collection Signe de Piste : « Sang et Or », d'Henri Bourgenay). La très catholique maison J. de Gigord souhaite créer une collection de romans d’aventures destinée à un public de jeunes boy-scouts. Les deux commissaires scouts, André Noël et Maurice de Lansaye, sont alors engagés pour la diriger. Elle aura pour nom Le Feu de Camp et les premiers romans d’aventures scoutes vont sortir en librairie au printemps 1931. Charité bien ordonnée, ce sont « Les Aventures du Roi de Torla », de Jacques Michel, qui semblent avoir été mise sous presse en premier, au mois d’avril, car un encart publicitaire, qui tient lieu de faire-part de naissance est publié à l’occasion de la sortie de ce roman en librairie dans Le Scout de France (n°133 du 15 mai 1931).

Mais pour éditer des romans il faut des auteurs et des manuscrits, et pour animer ces parutions il faut aussi des illustrateurs. Ce n’est pas un problème : André Noël et Maurice de Lansaye vont recruter chez les scouts où ils trouvent de quoi alimenter cette nouvelle collection de romans.

Ainsi, tout au long des années trente, paraîtront dans Le Feu de Camp des romans traduit de l’anglais, comme « Le Mystérieux Vagabond », « L’Homme de la Tour », « La Meute de Danny », de Véra Barclay qu’André Noël connait très bien ; Guy de Larigaudie y donnera également plusieurs titres : « Yug », « Yug en terre Inconnue », et « Raa la Buse » ; Jacques Michel y éditera ses propres romans : « Les Trois Pierres de Verez », « Le Foulard de Satin », « Huit Scouts dans un Bateau », « L’Affaire Cachalot ». Et parmi les illustrateurs des premières heures, on retrouve Pierre Joubert et Camille Alby que les deux directeurs ont connus à Chamarande. (Camille Alby illustrera nombre d’articles publiés dans Scout mais aussi un peu plus tard un roman édité dans la collection Signe de Piste). La plupart des titres cités avaient fait l’objet d’une publication sous forme de feuilleton dans les revues du mouvement scout. Cette collection sera active jusqu’au milieu des années cinquante. Car, après-guerre, d’autres auteurs vont y voir leurs manuscrits publiés : Dachs, avec « La Mémorable Patrouille des Lynx » illustré par le talentueux Robert Gaulier, ou Jean-Claude Alain, qui y donnera « La nuit des Saints Innocents »… De Gigord lancera aussi, après la Libération, et en parallèle de la collection Le Feu de Camp, une autre collection destinée également aux scouts nommée Le Fanion, (active également jusqu’au milieu des années cinquante) où seront édités, entre autre, les ouvrages de Louis Simon (qui fut un temps rédacteur en chef du magazine Scout) comme « Les Jeux du Feu de Camp », préfacé par Léon Chancerel ; ou ceux de son confrère Dachs qui y fera paraître « Tactique de Patrouille », « Les Transmissions », « On demande une Cheftaine », « La Patrouille au Camp »... Toujours chez de Gigord, il y eut encore une autre collection de romans : Mowgli (active durant la seconde moitié des années trente), également dirigée par Maurice de Lansaye mais destinée aux jeunes louveteaux. Y furent édités, de Guy de Larigaudie, « L’Îlot du Grand Etang », et de Véra Barclay, « Le Saint Viking ». Ou encore « Le Club des Risque-Tout » de S.L. Prévost (qui en 1945, publiera dans la collection Signe de Piste « Le Club des Culottés » qu’illustrera Igor Arnstam). Et encore la première édition des fameux « Contes du Bourreau » de Serge Dalens, non illustrés par Pierre Joubert. Il y eut également des collections d’ouvrages techniques, comme par exemple la collection Jalons qui proposait des manuels scouts. Pour en terminer avec les parutions d’ouvrages liées au scoutisme des éditions J. de Gigord, n’omettons pas de mentionner l’album de dessins paru en 1934-35 (hors collection) intitulé « Gribouille Scout » illustré par Pierre Joubert et préfacé par Jacques Michel. Cet album rassemble plusieurs planches parues précédemment dans Le Scout de France au début des années trente. Précisons toutefois que cet album s’inscrit dans l’histoire comme le tout premier album entièrement illustré de dessins de Pierre Joubert.

Pour en savoir plus sur les ouvrages scouts publiés par les éditions J. de Gigord

http://www.scoutisme-patrimoine-collections.fr/213+editions-de-gigord.html



Pour la bibliographie des auteurs et des illustrateurs cités ci-dessus nos lecteurs peuvent consulter les pages du site Romans scouts. http://www.romans-scouts.com/

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Mais reprenons le fils de notre historique. Nous voici en 1932, et, nous allons le voir, ce sera une année décisive pour nos amis de Sainte-Clotilde qui ont une boulimie de théâtre et commencent à fréquenter assidûment Léon Chancerel et sa Troupe des Comédiens Routiers.

Le Chef du début de cette année annonce que le chef scout Pierre Joubert s’est vu décerner la ‘’Médaille de Bayard’’ par l’association des Scouts de France pour : « La collaboration aussi dévouée qu’excellente qu’il accorde depuis plusieurs années à la revue Le Scout de France ». Ce même numéro nous informe également que Léon Chancerel devient « Instructeur et Chef du Centre d’études et de Relations Théâtrales d’île de France. » On y découvre aussi qu’Alexis Bourgeois est nommé Commissaire Assistant de la Province d’île de France et qu’il est remplacé par un nouveau Commissaire de District de Paris Centre, Joseph de La Porte du Theil (Le Chef n°89 de janvier/février 1932).

En mars 1932, c’est officiel, la 13e Paris compte un nouvel Assistant-Scoutmestre, Louis Heller (Le Chef n°92 du 15 avril 1932). Il fut, toute sa vie, un ami fidèle de Pierre Lamoureux alias Foncine. Les lecteurs de Signe de Piste le connaissent car on lui doit notamment la préface du « Relais de la Chance au Roy » sorti en librairie durant l’Occupation. Lorsque Foncine rédigera ses mémoires, il ne manquera pas d’évoquer longuement un certain C.P. (Chef de Patrouille) prénommé Louis : Louis Heller.

En novembre, c’est un autre jeune de la 14e Paris qui est nommé Assistant-Scoutmestre : Pierre-Louis Gérin (Le Chef n° 98 du 15 décembre 1932).

De son côté, Georges Ferney a, lui aussi, gravi les échelons du scoutisme et il est maintenant scoutmestre. Sur le plan professionnel, il continue de virevolter dans le milieu du 7e art : à l’automne 1932, il est sollicité par Paul Coze, revenu de l’une de ses missions, pour collaborer à ses côtés à un projet de film dont il a écrit le scénario avec une intrigue scoute sur fond d’indianisme, avec pour titre : « Totem ». Tout un programme… Il est prévu que Paul Coze en soit le réalisateur et que son épouse Marie-Laure, dite Loulette, y incarne un rôle important. Quant à Georges Ferney, il en serait conseiller artistique et coproducteur. Un chef opérateur vient se joindre au projet. Une société de production cinématographique est alors créée dans la capitale et les démarches afin de trouver d’autres partenaires financiers commencent. Afin de mener ce projet à terme, Georges Ferney entre en contact avec son réseau du monde du 7e art : sociétés de productions, producteurs indépendants, acteurs, plateaux et studios de cinéma… Des repérages sont effectués afin de définir les différents lieux du tournage, une souscription de partenariat est lancée, on prend contact avec la célèbre chorale scoute l’Alauda (la chorale avait précédemment participé au spectacle  « De Neiges à Neiges » conçu par Paul Coze en 1927). Des conférences, avec comme intervenant principal Paul Coze, sont programmées. Des budgets prévisionnels sont établis. C’est à cette époque que Paul Coze change d’adresse parisienne : du 50 rue Saint-Georges, il emménage dans un loft à Montparnasse, dans le quartier des artistes, au 31 rue Campagne-Première où il va aussi domicilier son Cercle d’étude Wakanda et, quelques temps après, son Club du Lasso. Les échanges épistolaires Coze/Ferney au sujet de ce film dureront une année. Paul Coze qui, dans son scénario, a prévu des scènes chez les Peaux-Rouges fait en sorte qu’aux derniers jours du mois août 1933 son équipe traverse l’océan, rallie les réserves où vivent ses amis Peaux-Rouges. A cette époque, sans charters ni jets, c’était toute une expédition et une aventure. Il espère aussi trouver outre-Atlantique les financements encore manquants pour mener à bien son projet. A l’issue de la traversée l’équipe débarque à New-York. A la mi-octobre, dans cette mégapole, se déroule un grand rodéo auquel ils assistent.

Ferney, avec son appareil photo, fixe sur la pellicule certains moments forts de cette manifestation. On peut penser, tant parfois la ressemblance est troublante, que certains de ces clichés ont servi de modèle à Paul Coze pour réaliser les aquarelles de son livre : « Rodéos de Cow-boys et Jeux de Lasso » qu’il fera paraître l’année suivante. Mais le projet du film « Totem » s’avèrera trop ambitieux et trop onéreux, et il ne vit jamais le jour. Aux premiers jours de novembre, Georges Ferney regagne l’hexagone. Mais ce beau voyage l’inspirera lors de la rédaction de son premier roman : « Fort Carillon » qui paraîtra à la Libération et remportera un vif succès auprès des jeunes lecteurs de la collection Signe de Piste.

C’est aussi l’époque où les choses bougent au sein des Scouts de France : l’indianisme n’y fait plus guère recette et Paul Coze va peu à peu se détacher du mouvement. Il en sera de même pour le Père Jacques Sevin, qui abandonnera ses fonctions et le Camp-école de Chamarande. A notre connaissance, ni l’un ni l’autre de ces hauts personnages du scoutisme français ne fut présent au Jamboree de l’été 1933, à Gödöllö, en Hongrie.

Même chose pour notre ami Pierre Joubert qui, lui non plus, ne semble pas s’y être rendu, et pour cause : à cette époque, il est incorporé sous les drapeaux dans un casernement strasbourgeois. Cette période, nous l’avons dit plus haut, est celle de l’élaboration de ce qui deviendra l‘un des best-sellers de la collection Signe de Piste, le célèbre « Bracelet de Vermeil » de Serge Dalens, premier opus de son incontournable saga du Prince Eric. Ce casernement était commandé par un colonel Raoul de Verdilhac dont le fils, Yves, est devenu Serge Dalens. A cette époque, Yves est Scoutmestre de Groupe de la 2e Nancy, où il réside (Le Chef n° 105 du 15 juillet 1933). En novembre, il est nommé Scoutmestre de Lorraine (Le Chef n° 107 du 15 novembre 1933). Nancy n’est pas loin de Strasbourg et les deux amis se voient. Les 11 et 12 novembre, à Strasbourg, est organisé un grand rassemblement scout, les Journées Nationales des Scouts de France de 1933 qui regroupent 900 participants. Il est vraisemblable de penser qu’à cette occasion le soldat Joubert ait obtenu une permission délivrée par son Colonel et que son ami Dalens l’accompagne. On sait également que Ferney y fut présent : bien des années plus tard, Dalens le relatera dans l’un de ses textes consacrés à son ami Georges Ferney (voir la dernière édition de « Fort Carillon » tome un et deux). Et, en tant que journaliste et rédacteur pour les revues des Scouts de France, Maurice de Lansaye à en charge de couvrir l’événement. On peut donc aisément penser que c’est lors de ce rassemblement que Dalens fait, par l’entremise de Pierre Joubert, la connaissance de Maurice de Lansaye. Peu de temps après, mi-décembre 1933, dans un magazine du mouvement, A l’Escoute !, que dirige Maurice de Lansaye, un texte signé Serge Dalens paraît, agrémenté d’une illustration de Pierre Joubert. Il s’agit d’une nouvelle intitulée « Qui voit Ouessant voit son sang » qui s’inscrit dans l’histoire comme étant la toute première fois qu’apparaît le nom de Serge Dalens en littérature. D’autres textes paraîtront dans la presse scoute avant qu’il ne publie son premier roman, l’inoubliable « Bracelet de Vermeil ».

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Mais retournons dans la capitale pour voir ce qui ce passe chez nos amis de Sainte-Clotilde. Il semble, selon ce que l’on voit dans la presse Scouts de France, que les troupes scoutes de la 13e et 14e Paris Sainte-Clotilde, font désormais partie du Clan Charles Péguy. Celui-ci, bien que sortant du cadre traditionnel, est reconnu par l’association des Scouts de France. C’est ce que relate la revue L’île de France, décrivant les premiers moments et la motivation de ses jeunes membres désireux de créer un clan à caractère théâtral.

En 1933, le bulletin scout de la troupe des Comédiens Routiers, que fréquentent régulièrement les routiers du Clan Charles Péguy de Sainte-Clotilde, mais aussi les scouts, se réjouit de leur action autour de Léon Chancerel.

Et c’est bientôt leur première création sur les planches. Elle est issue d’un jeu scout organisé par les troupes de Sainte Clotilde, « Le Jeu des Corsaires ». Cette création théâtrale, à laquelle Pierre-Louis Gerin prend une part active, remporte un franc succès auprès du jeune public scout. Elle eut lieu, en 1933, à l’occasion d’une fête de groupe organisée par le Clan Péguy dans une salle paroissiale à La Motte-Picquet. Elle donnera lieu à plusieurs parutions dans la presse scoute, puis, plus tard, à un fascicule de vingt-cinq pages illustré par Pierre Joubert et reproduisant les dialogues et la trame du jeu scénique.

Pierre Lamoureux, au printemps, est nommé A.C.C., comprenez Assistant Chef de Clan des 13e et 14e Paris (Le Chef n°103 du 15 mai 1933) tandis qu’Albert de Lansaye assure désormais, au sein du District de Paris-Centre II, les fonctions de Commissaire Assistant de District (Le Chef n°105 du 15 juillet 1933). Quelques mois plus tard, Albert sera nommé Scoutmestre de Groupe de la 13e et 14e Paris (Le Chef n°106 du 15 octobre 1933).

Maurice de Lansaye, qui s’est fait un nom dans le cénacle de la littérature scoute, devient éditorialiste des périodiques Scouts de France: Louveteau, La Route, le Bulletin des Comédiens Routiers, Le Scout de France

En 1934, sous sa houlette, Le Scout de France va faire peau neuve. Il commence par changer de nom pour devenir simplement « SCOUT », et bénéficie d’une nouvelle couverture.

Pierre Joubert, délivré de ses obligations militaire, regagne la capitale et son poste au sein à la rédaction du nouveau Scout.

Le théâtre scout vit ses grandes heures : Léon Chancerel n’a de cesse de faire jouer sa compagnie à travers la France entière lors des camps, fêtes de groupes, rallyes, rassemblements… Le théâtre de la doctrine et de la pédagogie scoute, tel qu’il l’entendait et qu’il avait lui-même qualifié de ‘’théâtre de la Flamme’’ bat son plein. Les spectacles se succèdent, on monte et démonte les estrades pour les installer d’un point à un autre. C’est ce que Léon Chancerel nommera : Le Théâtre des Quatre Vents. Parmi les membres de la compagnie et de son groupe d’apprentissage bien des noms ont traversé le temps pour parvenir jusqu’à nous.

Pour en savoir plus sur les Comédiens-Routiers :

https://fr.scoutwiki.org/Com%C3%A9diens_routiers



Maryse Romain, universitaire et historienne, a montré la place fondamentale occupée par Léon Chancerel dans l’entre-deux guerres dans sa thèse intitulée : Léon Chancerel : un réformateur du théâtre français (Editions l’âge d’homme, 2005). Elle y décrit longuement l’épopée de Léon Chancerel et de la Compagnie des Comédiens Routiers : « Quand on évoque la rénovation théâtrale du XXe siècle, il est un homme, Léon Chancerel, dont on parle peu et qui fut pourtant un maillon essentiel de l'histoire de la décentralisation dramatique. Après la Première Guerre Mondiale, Chancerel se destine à la littérature, mais sa rencontre avec Jacques Copeau, en 1920, décide de sa vocation. Il fréquente assidument le Théâtre du Vieux-Colombier et participe à l'aventure des ‘’Copiaus’’ en 1924-1925. Le scoutisme, alors en pleine expansion, offre un terrain idéal pour son projet de réforme dramatique. Dès 1930, il fonde un Centre Dramatique destiné aux animateurs de mouvements de jeunesse et une ‘’compagnie modèle’’, les Comédiens Routiers. Déjà se dessinent les deux pôles de son action dramatique : l'essor et le renouveau de la pratique amateur et l'émergence d'un théâtre populaire grâce à des troupes itinérantes qui exercent, dans un esprit de dévouement et de désintéressement, un ‘’service dramatique social’’. Sa réforme, issue en droite ligne de celle de Copeau, est à la fois éthique - fondée sur l'honnêteté, la discipline, l'esprit d'équipe - et artistique : dépouillement de la scène (en réaction aux excès décoratifs) et recentrage sur l'acteur. La formation du comédien, à partir des techniques de la Commedia dell'Arte, est la pierre de touche de sa rénovation. Convaincu d'autre part de la valeur éducative de l'art dramatique, Chancerel a joué un rôle de premier plan dans le développement du jeu dramatique et des activités d'expression chez l'enfant. Créateur du premier théâtre artistique pour la jeunesse, le Théâtre de l'Oncle Sébastien, il est aussi un précurseur du théâtre jeune public. Le portrait de ce réformateur, qui n'a jamais appréhendé l'art dramatique autrement que dans ses rapports avec la culture populaire, l'éducation et les loisirs, constitue un témoignage important pour reconstituer la genèse de notre théâtre service public ».

Maryse Romain donne aussi une liste des personnes qui ont participé au Centre d’Art Dramatique et à sa compagnie théâtrale. Tout comme ceux qui, en décembre 1929, aux premières heures des Comédiens Routiers ont participé à sa première représentation publique, donnée à Valenton, en banlieue parisienne, pour les fêtes de fin d’année. Elle marque la création de la compagnie de Léon Chancerel. Il y avait dans cette représentation « Les trois Rois Mages », dont l’un fut incarné par Maurice de Lansaye (page 157 dans l’ouvrage de Maryse Romain).

Ses représentations sur les tréteaux donnent lieu à de nombreuses parutions dans la presse scoute. Le Centre d’Art Dramatique Scout quitte l’hôtel particulier qu’il occupait dans le 17e arrondissement de Paris pour aller s’installer extra muros dans des locaux situés au n° 24 de la rue Victor-Noir à Neuilly-sur-Seine. Y sont regroupés, l’administration, les studios, les ateliers et la direction.

En 1934, les Scouts de France avaient pris un essor important. Pierre Joubert en parle dans ses mémoires : « Peu de temps après mon service armé, le Q.G., constatant avec satisfaction que le mouvement venait d’atteindre 25 000 garçons, soit 25 000 cotisants… », cela faisait autant d’abonnés au magazine. Ce qui permit son embauche. D’où une grande augmentation de sa participation. Mais aussi, le journal augmentant son illustration, de beaucoup d’autres : Paul Coze, Robert Manson, Jean Droit, Jos le Doaré, Camille Alby… Quant aux textes, leurs auteurs sont Jacques Michel, Georges Cerbelaud-Salagnac, Pierre-Louis Gérin, Guy de Larigaudie, Serge Dalens et tant d’autres… Parfois, les rédacteurs, signent leurs articles de leurs totem scout.

De son côté, Georges Ferney crée, au printemps, une société anonyme de production de films en partenariat avec plusieurs personnes, Actina-Films. Son siège social est à Paris, non loin de son pied à terre, 43 rue Fontaine. Professionnellement, le voici officiellement producteur. Son but est de sortir sur les écrans des films de fiction et d’aventure dont les adolescents seraient les héros. Il est persuadé qu’il y a là un public potentiel. A cette époque, il demeure encore à Toulon, mais comme il possède un avion personnel qu’il pilote lui-même, les déplacements lui sont aisés. Les rencontres, les projets, les scénarios et les castings vont alors se multiplier.

Dans le même temps a lieu la fête annuelle du groupe Sainte-Clotilde, suivie du camp de Pâques dans le sud de la France, près Arles, dans les ruines de l’abbaye fortifiée de Montmajour. Destination qui pourrait, aujourd’hui, à l’époque des autoroutes et du TGV, sembler banale, mais qui, en 1934, pour des petits parisiens, était une aventure lointaine, surtout pour un simple camp de Pâques. Cela est conté et dessiné avec humour et brio par Foncine et Joubert dans leurs mémoires. Au retour dans la capitale le Clan Charles Péguy est en pleine répétition d’une pantomime : pour éviter les textes appris par cœur, dans lesquels les acteurs improvisés sont mal à l’aise, les spectacles font la part belle à l’improvisation et au burlesque. C’est ce qui fera leur succès : les jeunes interprètes s’amusent sur scène, libres et spontanés. Léon Chancerel vient plusieurs fois assister aux répétitions puis aux représentations du Clan : le local n’est qu’à quelques pâtés de maisons de son domicile.

Le spectacle est intitulé « Au Royaume de la Jeunesse ». Il n’en existe malheureusement assez peu de traces. Un chroniqueur du bulletin des Comédiens Routiers en fait l’écho et donne ses impressions, accompagnées du programme : une calligraphie soignée, avec des caractères choisis et un plaisant équilibre des blancs et des noirs : « Le meilleur programme pour une fête scoute n'est-il pas de montrer au public certains aspects de la vie scoute et les idées, les aspirations que le scoutisme engendre ? C’est ce que nous avons réalisé en imaginant le jeu dramatique que nous avons intitulé « Au Royaume de la Jeunesse ». Au jeu scout, nous avons mêlé des personnages burlesques qui relèvent de la fantaisie, certes, mais qui cependant, sous leur aspect comique volontairement chargé, ont bien quelques attaches avec la vie réelle. « Il vaut mieux rire », disait Beaumarchais. C’est ce que nous faisons en y mettant toute notre joie scoute, tout l’optimisme de notre jeunesse. Et sachant que la jeunesse n’est pas le fait de l’âge mais celui du cœur, nous sommes certains que vous vous divertirez avec nous ». (Bulletin des Comédiens Routiers n°15/16 de mars/avril 1934). Cette création ne semble pas, à notre connaissance, avoir fait l’objet d’un fascicule publié dans la collection du Répertoire du Centre Dramatique de Léon Chancerel. L’année suivante, ce spectacle sera repris à la fête annuelle des Troupes Saint-Louis sous la direction de Claude Chailley (Bulletin des Comédiens Routiers n°26/27 d’avril/mai de 1935).



Arrive le moment du camp d’été qui est l’occasion d’aller bivouaquer tous ensemble, de s’échapper de la capitale sans les parents et la famille, vers l’aventure. Cet été là, les scouts partent camper au cœur du Morvan, dans le parc du château de La Roche-en-Brénil, accueillis par la Comtesse de Montalembert. Ses enfants font partie des troupes scoutes de Sainte-Clotilde. Les dessins issus des carnets de croquis de Pierre Joubert témoignent avec poésie et humour de ces instants d’aventure et joie.

Et nous arrivons, après bien des péripéties qui nous y menaient, au « Jeu des Ayacks » : tous ceux qui vont inspirer les personnages de ce qui deviendra, l’année suivante, ce « Jeu », sont là. Ils se nomment Vidal, Homo, Bergeron, d’Eté, Brioux, Rousselle, d’Artois, Loustrel, Guillemset, Glavani, Beuqui… Sans oublier un certain André Galibert, ce chef de patrouille que tous appellent déjà Gali, et fut sans doute l’un des plus débrouillards du groupe.

Dès les premiers jours de l’automne les ainés du groupe songent à la grande sortie des congés de la Toussaint. Il leur faudra de nouveau amuser tout le monde et ils laissent libre court à leur imagination. On se réunit et on invente jeux de piste, veillées et distractions variées. C’est probablement lors d’une de ces réunions que Pierre Lamoureux, Jacques Michel, et Pierre Joubert ont jeté sur le papier les bases du « Jeu des Ayacks ». Au milieu des bois, quelques semaines plus tard, le jeu prend corps. Pierre Lamoureux n’y fut vraisemblablement pas présent : depuis le début d’octobre, il est sous les drapeaux. Mais, sur la trame rédigée et expérimentée sur le terrain, il participera, lors de ses permissions de l’hiver 1934/35 à ce qui va devenir le prochain spectacle du Clan Charles Péguy.

De son côté, un jeune auteur qui a pour pseudonyme Serge Dalens, écrit et fait paraître dans les colonnes de Scout deux petites pièces d’art dramatique scout illustrées par Pierre Joubert : « Prologue pour une fête de troupe » (Scout n° 2 du 5 février) et « Le Génie de la Forêt » (Scout n° 22 du 5 décembre). D’autre part, on apprend en feuilletant les pages de la revue Le Chef que le scoutmestre Yves de Verdilhac est mis en disponibilité ; et, plus loin, que la Cheftaine Marion Cahour (qui livrera plus tard à la collection Signe de Piste un roman illustré par Pierre Joubert : « Les Chevaliers de l’île aux Pies ») a reçu à Chamarande son ‘’badge de bois’’ (Le Chef n° 118 du 15 décembre 1934).

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Toujours en cette année 34, Marc Allégret réalise une adaptation cinématographique du célèbre roman d’Hector Malot, « Sans Famille » avec, pour interpréter le rôle principal de Rémi, un jeune prodige du cinéma, Robert Lynen, révélé deux ans plutôt par Julien Duvivier dans « Poil de Carotte » où il crevait l’écran aux côtés de Harry Baur. Marc Allégret a choisi, pour lui donner la réplique dans le rôle de Mattias, un tout jeune adolescent, Serge Hubert Lefèvre qui fait à cette occasion ses premiers pas au cinéma. Il se fera connaître sous le pseudonyme de Serge Grave, notamment dans « Les Disparus de Saint-Agil », de Christian-Jaque. Avec ce duo de jeunes talents, « Sans Famille » va remporter un certain succès. Georges Ferney, scénariste et producteur avait, au cours des années précédentes, approché de près le cénacle des artistes provençaux, notamment ceux proches de Pagnol. Il avait eu l’occasion de rencontrer, durant le tournage de « Fanny », son assistant réalisateur qui n’était autre que Marc Allégret. Il est vraisemblable qu’il se soit rendu sur le plateau de « Sans Famille » et qu’il y ait fait la connaissance des deux jeunes vedettes car à cette époque il rédige un scénario où il taille deux rôles sur mesure destinés, l’un à Robert Lynen, l’autre à Serge Grave. Ce scénario, à l’intrigue scoute, aura d’abord pour titre « L’Aube Verte », puis « La Flamme Monte ». Ferney va alors entrer en contact avec des partenaires financiers afin de créer une coproduction sous forme de souscription. La chose était assez fréquente à l’époque, et c’est avec la société Fiat Film qu’un accord est conclu. Mais, encore une fois, Georges Ferney jouera de malchance et ce projet de film ne prendra jamais le chemin des salles obscures. Bien des années plus tard, il reprendra son récit initial dont il tirera l’aventure de son second roman, « La Ménagerie », qui paraitra après-guerre, dans la collection Signe de Piste, sous le numéro 26, et récemment réédité.

Pour en savoir plus concernant ce scénario et le roman

http://le-sang-du-foulard.blog4ever.net/la-menagerie-de-georges-ferney

http://www.jeuxdepiste.com/lectures_pour_tous/lamenagerie.html

Ce projet n’ayant pas abouti, Robert Lynen fut la vedette d’un film de Julien Duvivier, « Le petit Roi », d’après l’œuvre d’André Lichtenberger, dans lequel il incarnait Michel VIII, un jeune souverain d’Europe centrale au royaume à la stabilité politique vacillante dont le trône faisait l’objet de bien des convoitises. A cette époque, Serge Dalens n’a pas encore fait la connaissance du jeune Robert Lynen. Mais il va beaucoup s’inspirer de cette histoire et de son personnage central pour camper les intrigues de son immortelle saga du Prince Eric. On remarque aussi, dans la distribution de ce film, parmi l’équipe technique, un certain Gilbert de Kniff. Ce dernier serait-il apparenté à celui qui fut l’ami de Guy de Larigaudie, prénommé André, auquel Guy de Larigaudie dédia son ouvrage « Etoile au Grand Large » ? Ou bien encore à Roland de Kniff, que l’on connaît mieux au Signe de Piste sous le pseudonyme de Roland Denis ? Le mystère demeure.

Dans le même temps, les Comédiens Routiers commencent sérieusement à s’intéresser au cinéma, et, en son sein, émerge une équipe dite des Cinéastes Routiers. Leur bulletin en faisait déjà mention fin 1933 : « Il est créé cette année, au sein même du Centre dramatique Scout, une équipe de Routiers cinéastes, qui se spécialiseront, d’une part dans une production purement scoute et formeront, d’autre part, à nos côtés, un organe de recherches, d’études et d’essais en vue d’une production d’inspiration scoute destinée au grand public. » Il semble que ce département fut créé sous l’influence d’un certain André Sauvage. Ce dernier, qui fréquente la troupe de Chancerel depuis ses débuts, a déjà à son actif plusieurs créations cinématographiques. Ce nouveau département cinéma, auquel on connaîtra plusieurs réalisations, ne freinera pas pour autant le rythme des représentations publiques de la compagnie qui, tous les jeudis, montre au jeune public scout ses travaux théâtraux à la Salle Pleyel sous le nom de Théâtre de l’Oncle Sébastien.

Pour en savoir plus sur les films réalisés par les cinéastes routiers.

https://fr.scoutwiki.org/Scoutisme_dans_les_films

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L’année 1935 va être, pour le Clan Charles Péguy et ses membres, une année pleine de rebondissements. Et d’abord avec la fête annuelle du Clan Charles Péguy et sa nouvelle création théâtrale qui est, cette année, « Le Jeu des Ayacks » que le Clan va présenter au public.

Pour les jeunes, c’est le moment de l’attribution des rôles, de l’apprentissage du texte, des répétitions, des filages. Pour les chefs, celui de la création des décors et des costumes, et de leur réalisation. Et enfin, celui, très important, de la mise en scène où il faut régler et coordonner les entrées et sorties de scène, les déplacements de chacun en s’assurant qu’ils aient un jeu scénique juste, sans oublier le chant. Mais aussi, en régie, régler le son et l’éclairage. Puis ensuite vient le temps où il faut trouver une salle suffisamment grande pour accueillir le public nombreux qui dépasse largement celui des seules familles du groupe.

On sait que lors des représentations du Jeu des Ayacks, André Galibert interpréta le chef de la bande des jeunes ‘’vauriens’’ révoltés, nommé Gali. Ses camarades, Vidal, Homo, Bergeron, d’Eté, Brioux, Rousselle, d’Artois, Loustrel, Guillemset, Glavani, Beuqui… endossent les rôles d’Oeil de Perdrix, Bucéphale, Haricot, La Souris, La Carotte, Champignon, l’Autruche… qui constituent sa bande de copains et qu’ils incarnent plus ou moins en haillons et à visages découverts tandis que les rôles d’adultes, distribués aux routiers, sont joués le visage dissimulé derrière des masques créés par Pierre Joubert pour l’occasion. Ce dernier dessina aussi tous les costumes de la pièce et créa chaque élément de décor. On peut penser que c’est Pierre-Louis Gérin qui les réalisa ensuite. Car celui-ci, fort doué de ses mains, affectionnait tout particulièrement le travail du bois dont il avait fait son métier. Malheureusement les mémoires de Joubert et Foncine ne nous informent guère sur les postes occupés en coulisse par les uns et les autres. On peut supposer, mais seulement supposer, qu’à l’intérieur du Clan Péguy les deux ou trois chefs scouts les plus aguerris en art dramatique et en mise en scène étaient Maurice Genet, Pierre-Louis Gérin et Maurice de Lansaye qui étaient très assidus aux leçons de Léon Chancerel. Toutefois, d’après les mémoires de Jean-Louis Foncine, on peut imaginer qu’un érudit soit venu leurs prêter main forte. Foncine mentionne, en page 166 du premier tome de ses mémoires (Un si long orage – chronique d’une jeunesse – Les enfants trahis), la présence fréquente et amicale d’un membre des Comédiens Routiers, Maurice Jacquemont, qui par la suite aura une carrière d’homme de théâtre des plus honorables. Celui-ci aurait très bien pu guider et conseiller le ou les metteurs en scène occasionnels de cette pantomime. Mais à ce sujet le mystère reste entier. Toujours est-il, qu’au début du mois de mai 1935, un encart publicitaire est publié dans la presse scoute annonçant les futures représentations parisiennes du « Jeu des Ayacks ».





Les représentations du « Jeu des Ayacks » font salle comble.
Pour être du théâtre joué par des amateurs, ce n’est pas du théâtre de patronage : l’encadrement des Comédiens Routiers permet un spectacle professionnel. Les spectateurs sont aussi bien des parents et des amis que des personnalités du scoutisme ou des invités du monde du spectacle. La soirée débute avec, en première partie, une pièce scoute intitulée
« Le Génie de la Forêt », de Serge Dalens. Elle fut vraisemblablement interprétée par les membres du Clan Charles Péguy (Bulletin des Comédiens Routiers n°26/27 d’avril/mai 1935 – page 505 ). Après l’entracte, les trois coups retentissent à nouveau et c’est sur « Le Jeu des Ayacks » que le rideau se lève. C’est un cocktail pétillant de gags et d’improvisations que mènent tambour battant les jeunes, une aventure cocasse, pleine de chants, de danses et fertile en rebondissements, une véritable fête. L’originalité est au rendez-vous, et elle suscite dans les gradins la joie et l’étonnement. Le public est conquis par le burlesque de situation et l’interprétation des routiers, scouts et louveteaux qui sont ovationnés. Après le salut, lorsque le rideau retombe, l’aventure théâtrale s’achève pour les jeunes. La légende des Ayacks commence...

Jean-Louis Foncine la retrace dans ses mémoires avec humour. Au fil des chapitres de son récit, parmi les anecdotes et les souvenirs, il relate les réactions du public dans la salle lors des trois premières représentations. Il raconte également qu’à l’issue de la dernière représentation s’est présenté en coulisses un producteur de cinéma nommé Léon Poirier. Il fut notamment le réalisateur d’un film retraçant la vie de Charles de Foucault : « L’Appel du Silence le bienheureux Charles de Foucault », sorti sur les écrans en 1936. Puis, en 1938, avec le concours de l’association des Scouts de France et des Comédiens Routiers : « L’action par le film ». Il se déclara désireux d’adapter la pantomime des Ayacks à l’écran.

Nous pensons que ce producteur de cinéma n’est pas venu voir ce spectacle par hasard, n’ayant pas, à notre connaissance, eu de liens étroits avec le scoutisme. Il est probable qu’il y fut convié par un tiers, qui pourrait être le cinéaste André Sauvage : ce dernier avait collaboré avec Léon Poirier l’année précédente à occasion de la réalisation d’un film. Il était aussi un familier de Léon Chancerel et de sa troupe de Comédiens Routiers. Ou encore par Germain Sachsé, chef d’une troupe scoute de Neuilly-sur-Seine (la 5e Neuilly) et Cinéaste Routier. C’est lui qui réalisera, dans les années quarante, avec des illustrations de Pierre Joubert, un film fixe du « Prince Eric » de Serge Dalens. Jean-Louis Foncine lui dédiera l’album « La Bande des Ayacks » paru chez Signe de Piste Editions en 1989. Quoi qu’il en soit, le jeune sous-lieutenant Foncine, qui à l’occasion des représentations des Ayacks avait certainement pu bénéficier d’une permission, dû ensuite rapidement regagner sa garnison alsacienne de Sélestat. Il ne put donc pas suivre physiquement les étapes qui découlent de cette rencontre, entre Léon Poirier et le Clan Charles Péguy. C’est donc Maurice de Lansaye, alias Jacques Michel qui devint l’interlocuteur de Léon Poirier concernant ce futur projet de film. Il était en rapport avec la société de production Fiat Film. Afin de réunir le financement nécessaire à la réalisation de ce nouveau projet cinématographique, il fut créé, une fois de plus, une souscription. Pour le rôle de Gali, on pensa à nouveau au jeune Robert Lynen dont le physique collait parfaitement. De plus, Robert Lynen était scout, membre des Eclaireurs de France, et, dans le privé, il était souvent vêtu tel un trappeur aux cheveux longs (ces derniers détails au sujet de Robert Lynen, sont évoqués par son biographe, François Charles, dans son ouvrage paru en 2002 aux Editions La Nuée Bleu, intitulé : « Vie et mort de Poil de Carotte – Robert Lynen acteur et résistant 1920-1944 »). Pour diriger le film, plusieurs réalisateurs semblent avoir été tour à tour pressentis. En premier lieu, il fut question que se soit Marc Allégret. Puis on pensa à son ami et ancien professeur de cinéma, André Sauvage. Il semble également que le budget nécessitait un gros investissement. Malgré qu’il fût bien engagé, le projet traîna en longueur et on mit du temps à réunir les fonds. Mais le coût exorbitant finit par le rendre impossible et le film « Les Ayacks », avec Robert Lynen dans le rôle Gali, ne vit jamais le jour.

Pour en savoir plus sur Léon Poirier :

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Poirier

Pour en savoir plus sur André Sauvage :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Sauvage

Mais la société Fiat Film avait demandé à l’auteur principal de la trame du « Jeu des Ayacks », Pierre Lamoureux (qui n’était pas encore Foncine), de développer un scénario de film à partir du spectacle théâtral initial. Puis de rédiger aussi un ‘’ciné roman’’ destiné à être vendu dans les salles obscures. C’est avec son complice et ami Pierre Joubert que le futur Jean-Louis Foncine élabora ce ciné roman qui s’inscrit dans l’histoire comme la première mouture de ce qui deviendra, un peu plus tard, l’inoxydable roman de Jean-Louis Foncine, « La Bande des Ayacks ».

C’est d’ailleurs probablement à l’occasion de cette première rédaction qu’il va choisir son pseudonyme. Au moins pour partie car, à l’époque, le prénom de son futur pseudonyme est amputé du prénom Louis : deux ans après les représentations théâtrales du « Jeu des Ayacks » un fascicule de la pièce fut publié aux Presses d’Ile de France dans lequel le texte est présenté comme ayant été écrit par  ‘’Jean Foncine et Jacques Michel’’, avec des illustrations de Pierre Joubert (Collection du Répertoire du Centre Dramatique, dirigée par Léon Chancerel). On en connaîtra plusieurs éditions à différentes époques avec le même prénom. Il faudra attendre la dernière, réalisée en 2001 par les Editions Alain Gout pour que ce texte soit attribué à Jean-Louis Foncine. Jacques Dutrey, dans son « Essai de Bibliographie Pierre Joubert », paru également aux éditions Alain Gout, en 2000, indique que les dix-huit illustrations qui figuraient à l’origine dans ce fascicule ont a chaque fois été conservées dans les éditions suivantes. Lorsque le projet de film des Ayacks sera définitivement abandonné Jean-Louis Foncine reprendra le manuscrit du son ciné roman qui fera l’objet d’une nouvelle rédaction, donnant naissance à son roman de « La Bande des Ayacks » tel que les lecteurs de la collection Signe de Piste le connaissent. Les connaisseurs de l’œuvre de Jean-Louis Foncine savent déjà que c’est lors de son passage à Sélestat, durant son service militaire, que celui-ci, depuis la fenêtre de sa chambrée, s’est inspiré des jeunes gens de cette bourgade pour rédiger les péripéties du roman et faire de son récit d’aventures un livre anticonformiste. C’est la vision des jeunes adolescents en culottes courtes de ce bourg alsacien qui lui a donné l’idée des jeunes révolutionnaires de son roman bouleversant les règles sociales et se libérant de la tyrannie des préjugés bourgeois.

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L’année 1935 fut encore riche d’autres événements : Pierre-Louis Gérin fait paraître dans Scout des articles qu’il illustre de son trait afin d’inciter les lecteurs à réaliser des travaux de menuiserie et d’ébénisterie afin de décorer leurs locaux scouts (rédactionnels dits « Chronique du Manoir » qui seront rassemblés, quelques années plus tard, dans un livre qu’il publiera en collaboration avec Pierre Joubert, Beau Manoir).

Au début du printemps, la rédaction de Scout invite ses jeunes lecteurs à rédiger à tour de rôles un chapitre du roman « Le Manteau Rouge » qui sera publié en feuilleton dans le magazine avec des illustrations de Pierre Joubert (Scout n°28 du 5 mars 1935). Dans les deux numéros suivants on trouve un avant-propos, puis un premier chapitre issus de la plume d’un certain Loup Blanc. Dans le numéro 30 du 5 avril 1935, une petite nouvelle, illustrée par Pierre Joubert, « Le Moulin du Diable », signée par un des membres du clan Péguy, Hugues Homo, alias Furet Bavard. Puis, dans le numéro 31 du 20 avril 1935, Pierre Joubert évoque dans un article qu’il signe, intitulé « Une Affaire d’Honneur », à nouveau le jeune ‘’Furet Bavard, chef de patrouille des Hirondelles’’, qui plus loin, dans ce même numéro, cosigne avec plusieurs boy-scouts dont un autre C.P. du Clan Charles Péguy, Ours Noir, le deuxième chapitre du feuilleton « Le Manteau Rouge ». D’autres membres du Clan Péguy participeront aussi, cette année-là, au magazine Scout. Ainsi, les C.P. Briou et Comi y feront paraître des photographies dont ils sont les auteurs (numéro 27 du 20 février 1935). Dans ce même numéro, Serge Dalens publie un conte, « L’Enfance de Roland », illustré par Pierre Joubert. D’autre part, un certain Yves de Verdilhac donne sa démission en tant que S. M. de la 2e Nancy et Scoutmestre de la province de Lorraine (Le Chef n°125 du 15 juillet 1935). Dalens quitte Nancy pour Dieppe où il commence sa carrière de magistrat. Trois créations cinématographiques réalisées avec le concours de Fiat Film par les Cinéastes Routiers sortent sur les écrans : « Ingaro », « Routiers » et « Centre Scout ». Jacques Michel (Maurice de Lansaye) quitte son poste de rédacteur en chef du magazine Scout : « Le Commissaire Maurice de Lansaye, pris par ses occupations trop absorbantes, ne peut plus assurer la rédaction de « Scout ». Depuis longtemps déjà, il s’était occupé de la revue et sous sa nouvelle forme «  Scout » est son œuvre. Il l’a créée et a su lui donner cette allure si attachante qui en fait aujourd’hui la plus passionnante des revues pour les garçons. Nous ressentons tous le vide que son départ va laisser ici. Après lui, et dans le même sens que lui, nous nous efforcerons de diriger cette revue comme il le faisait lui-même et dans le style qu’il avait conçu pour elle. Qu’il reçoive ici le grand merci de tous pour tout ce qu’il a donné et donnera encore au Scoutisme et qu’il soit assuré de notre très fidèle affection. Scout » (Scout n° 32 du 5 mai 1935). Dès lors, les textes signés sous nom de totem, de son pseudonyme ou encore de son patronyme vont doucement s’espacer, puis disparaître pour un temps des publications de l’Association des Scouts de France. Il reste gérant du magazine Scout jusqu’en décembre 1935 puis abandonne définitivement ses fonctions au sein du mouvement comme le mentionne la revue destinée aux ainés (Le Chef n° 127 du 15 novembre 1935 – rubrique : cessations de fonctions. Puis l’année suivante dans le n° 129 du 15 janvier 1936 – rubrique : Errata : « Le Commissaire Maurice de Lansaye a été porté sous la rubrique « Cessations de fonctions » dans Le Chef de novembre 1935 ; c’est démission qu’il faut lire »). C’est aussi la période où il quitte Saint Germain des Près pour emménager près de ce qui fut jadis Luna Park (porte Maillot, où aujourd’hui s’élève le Palais des Congrès). Il habite désormais 11, villa Méquillet à Neuilly-sur-Seine, à quelques pâtés de maisons du Centre d’Art Dramatique Scout de la rue Victor-Noir.

Quant à son frère Albert, il crée au milieu du printemps 1935, à la demande de Monseigneur Chevrot, prêtre de la paroisse Saint-François-Xavier, une troupe scoute. Ce sera la 131e Paris, au foulard gris perle bordé d’un liseré vert émeraude et dont le local est situé avenue Duquesne (Le Chef n° 124 du 15 juin – rubrique : affiliations & transferts). Une meute de Louveteaux y sera également créée (Le Chef n° 125 du 15 juillet 1935 – rubrique : affiliations – unités). On a souvent dit que Pierre Lamoureux-Jean-Louis Foncine aurait créé cette unité scoute, la 131e Paris. Cela parait assez improbable, ce dernier étant, à cette période, toujours incorporé sous les drapeaux, à des centaines de kilomètres, en Alsace. Bien-sûr, dès son retour à la vie civile, début novembre 1935, il en sera, aux côtés d’Albert de Lansaye, le chef de troupe.

En 1936, Pierre Lamoureux, délivré de ses obligations militaires, travaille avec Pierre Joubert à la rédaction du ciné roman
demandé par la société
Fiat Film, la future « Bande des Ayacks ». C’est aussi l’époque où les boy-scouts du 7e arrondissement créent une revue mensuelle, Pages Scoutes, concernant leurs troupes respectives (il en existe plusieurs numéros).

Dans le courant de l’année, Maurice de Lansaye, interlocuteur auprès de Fiat Film pour le projet cinéma Ayacks, prend contact avec Georges Ferney afin que celui-ci vienne lui prêter main-forte et lui apporte quelques conseils. Mais les mois passeront et le projet n’aboutira pas.

L’année 1936 fut pour le scoutisme une année de deuil avec la disparition de personnages emblématiques : Rudyard Kipling, le commandant Charcot, le chanoine Cornette, le Général Guyot de Salin. Mais elle fut aussi marquée par un événement heureux avec la venue à Paris du fondateur du scoutisme, Robert Baden-Powell. A cette occasion, il fut reçu au Palais de l’Elysée et décoré de l’insigne de Grand Officier de la Légion d’Honneur.

Serge Dalens se met en quête d’une maison d’édition susceptible de publier son manuscrit du « Bracelet de Vermeil ». Il le soumet à plusieurs éditeurs, au moins trois fois, sans succès. Dans le même temps, il écrit au jeune Robert Lynen, qui vient de perdre son père dans des circonstances tragique, pour lui présenter ses condoléances. Très touché par la missive de Serge Dalens qui lui témoignait sa tristesse, le jeune comédien l’invite à lui rendre visite chez lui, 2 rue Poirier-de-Narçay, dans le 14e arrondissement, lors d’un de ses prochains passages dans la capitale. Ce sera chose faite dans le courant de l’année 1936. Serge Dalens restera un ami fidèle de Robert Lynen (cette rencontre et les liens d’amitié entre Serge Dalens et Robert Lynen sont relatés par François Charles dans l’ouvrage qu’il a consacré à Robert Lynen).

C’est aussi à cette époque que Pierre Lamoureux fait, par l’intermédiaire de Pierre Joubert, la connaissance de Serge Dalens qui, à plusieurs reprises, recevra les scouts à Dieppe. Ceux-ci vont aussi créer, pour leur fête de groupe, deux nouveaux jeux scéniques qui remporteront à nouveau un fier succès comme le relate le périodique des Comédiens Routiers : « Le groupe de Sainte-Clotilde, qui nous a déjà donné « Au Royaume de la Jeunesse » et « Les Ayacks » dont nous avons dit ici tout le bien que nous en pensions, annonce pour le 7 mars en soirée, et le 8 mars en matinée (Salle Saint-Léon), deux jeux nouveaux : « Le Scout de Buridan » et « Le Secret d’Escarmador ». Comme précédemment, tous les scouts et routiers du groupe ont collaboré à cet ouvrage. Pierre-Louis Gérin s’est particulièrement chargé des danses, Pierre Joubert des costumes et de la décoration » (Bulletin des Comédiens Routiers n°4 & 5 de février/mars 1936 – page 107). Ou encore : « Le district Paris-Centre II s'était transporté dans le royaume d'Escarmador. Le très puissant roi Amra (Commissaire du district) groupait sous sa haute autorité quatre principautés (secteurs) réunissant de nombreuses familles (patrouilles). Une monnaie spéciale, dont l'unité était ‘’le Pécédeu’’, avait été spécialement imprimée. Les grands travaux d'intérêt commun étaient payés de cette monnaie. Entouré de ses gardes (Routiers), le roi rendait la justice sur la place du Palais Royal en liaison avec l'archevêque du royaume (l’aumônier du camp). Enfin, les arènes royales furent inaugurées. Dans un effondrement naturel du terrain, les Routiers avaient pu tailler, dans un sol sablonneux mais très compact, des gradins en demi-cercle. Cette disposition permit un très beau cérémonial d’ouverture du feu de camp et une exécution fort réussie de chants d'ensemble. » (Bulletin des Comédiens Routiers n°9 & 10 d’octobre 1936 – page 208).

Le succès de ce nouveau spectacle, notamment le jeu scénique du « Secret d’Escarmador » dont l’histoire est celle d’un royaume imaginaire rabelaisien où les enfants s’emparent du pouvoir en chassant à coups de balais une clique de fantoches orgueilleux et cupides sera tel que Léon Chancerel demandera au groupe de Sainte-Clotilde de l’interpréter à nouveau sur la scène. Plusieurs représentations auront alors lieu à La Maison de la Chimie (relaté par Pierre Joubert et Jean-Louis Foncine dans leurs mémoires).

Le Centre d’Art Dramatique Scout fait paraître dans le Répertoire du Centre Dramatique (notamment aux Editions La Flamme) les fascicules des pièces déjà interprétées par les Comédiens Routiers ou les Clans comme celui de Charles Péguy. Seront publiés : « Le Jeu des Corsaires », « Le Jeu des Ayacks ». « Le Secret de l’Escarmador » le sera dans la collection Tambourin aux Editions Scouts de France. (Détails in : Jacques Dutrey, Bibliographie Pierre Joubert).

Ces jeux scéniques ne cessent de captiver : l’année suivante, Pierre Joubert relate dans Scout les grands moments et la naissance du jeu d’Escarmador : il vit le jour lors d’un camp de Pentecôte de la 14e Paris dans le parc du château de Gillevoisin, situé en Hurepoix, dans la vallée de la Juine, proche de Chamarande.

Les camps sont les temps fort de l’année scoute. Joubert en rapporte des carnets de croquis étonnants de fraîcheur et de joie de vivre. Leur édition dans l’album « Du Temps que j’étais boiscout » qui regroupe, année après année, ses camps fait découvrir une succession de moments de bonheur et de beauté picturale à Montmajour, au Cap-Ferret, dans l’Hérault à Saint-Bauzille-de-Putois... Parfois, le photographe Robert Manson les accompagne, fixant sur la pellicule les moments forts des camps des 13e et 14e Paris qui campent ensemble. Nombre de ces clichés font les couvertures des revues quant ils ne servent pas, ensuite, de modèles à Pierre Joubert pour ses dessins d’activités scoutes.

Pour les scouts, les camps sont l’occasion de faire des grands jeux. Lors du camp dans l’Hérault, un jeu se termina par une prise de foulard où la lutte dans chaque camp fut héroïque. A la fin, Pierre Joubert, voyant un foulard taché de sang, prit au hasard quatre garçons, deux de la 13e et deux de la 14e, lacéra le foulard en petits morceaux et proclama solennellement : « Tiens, Claude, tu t’es battu comme un lion, je te fais chevalier du foulard de sang ». Et de même pour les trois autres. C’était venu spontanément, sans arrière-pensée, et il ne savait pas encore qu’il venait de lancer l’idée d’un ordre chevaleresque (« Souvenir en vrac », chap. « Le Foulard de sang »). Plus tard, Jean-Louis Foncine s’en inspira, dans « Le Foulard de Sang », publié juste après-guerre dans la collection Signe de Piste, où il relate l’évènement. Et de là, peu à peu, le geste plu, fit rêver, et de ce simple jeu de prise de foulard et des actes de courage et de loyauté qu’il avait engendrés, de nombreuses troupes créèrent en leur sein leur ordre du Foulard de sang directement inspiré du roman. Parce que bravoure physique et courage font rêver les adolescents de tous les temps et en tous lieux. D’autres ordres de chevalerie scoute virent le jour. Pierre Labat, de son côté, fut à l’origine d’une société secrète d’adolescents assez semblable, évoquée dans « Le Manteau Blanc » paru lui aussi dans la collection Signe de Piste.

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A la fin de l’année 1936, Serge Dalens, jeune auteur inconnu, présente son manuscrit du « Bracelet de Vermeil » au comité de lecture des Editions de Gigord pour la collection Le Feu de Camp. Maurice de Lansaye, qui codirige cette collection, donne un avis favorable, mais la décision finale ne lui appartient pas et Serge Dalens essuie un refus de la direction. Nous sommes rue Garancière, dans le 6ème, et à deux pas, sur le même trottoir, se trouve la librairie d’une autre maison d’édition catholique, Alsatia, fondée à la fin du 19e siècle, dont le siège social est à Colmar, 10 rue Bartholdi. Son antenne parisienne est dirigée par deux personnes : la directrice des éditions parisiennes, Mademoiselle Madeleine Gilleron (que les auteurs appellent familièrement ‘’Tante Mad’’), et le directeur commercial, Jean Haren. Cette librairie vend les livres publiés par les Editions Alsatia, mais elle propose également ceux qui sont édités par des éditeurs confrères, notamment ceux des éditions de Gigord. Il faut se replonger dans le contexte de l’époque où le monde de l’édition est bien différent de ce qu’il est devenu aujourd’hui. Pas de grandes enseignes multimédias, pas de grandes surfaces vendant des livres, pas d’internet ni de grandes librairies de centre ville. Les choses étaient encore très artisanales, il n’y avait pas de grosses équipes de représentants sillonnant la France de librairie en librairie pour proposer best-sellers et nouveautés présentées à la télé. Le nombre de livres était beaucoup moins nombreux, les achats rares et les informations parvenaient au lecteur par le bouche à oreille plus que par la publicité et les médias.

Mais le scoutisme est devenu un phénomène de masse et il va germer dans la tête de Madeleine Gilleron l’idée de créer au sein de la maison Alsatia une collection de romans d’aventure destinés aux jeunes boy-scouts. Car elle voit les scouts se presser dans sa librairie pour acquérir les romans publiés par son confrère et voisin. Elle se dit que l’affaire pourrait s’avérer juteuse. Mais pour mener à bien une pareille entreprise il faut s’entourer de gens compétents, qui connaissent à la fois le secteur de l’édition et celui du scoutisme. On peut donc imaginer qu’elle s’arrange pour entrer en relation avec celui qu’elle voit quotidiennement passer devant sa librairie et qui, quelquefois, s’arrête, Maurice de Lansaye, et qu’elle lui proposera de créer une collection de romans scouts chez Alsatia. Restera, pour Madeleine Gilleron, de persuader Pierre Schmidt-Le-Roi, Directeur Général des Editions Alsatia de Colmar, du bien-fondé de ce projet. Ce dernier occupant au sein de l’association des Scouts de France, le poste de Commissaire de la Région Alsace, on imagine l’intérêt qu’il pouvait porter à un tel projet éditorial. (Pierre Schmidt-Le-Roi avait, en décembre 1933, prononcé une allocution à l’occasion des « Journées Scoutes de France » qui s’étaient déroulées à Strasbourg sous la présidence du Maréchal Lyautey (Le Chef n° spécial (107 bis) de décembre 1933).

Fin 1936-début 1937, les choses prennent forme : Maurice de Lansaye quitte la collection Feu de Camp des Editions de Gigord pour devenir directeur de la future collection de jeunesse des Editions Alsatia. On se réunit au siège d’Alsatia et on commence à réfléchir au futur nom de cette nouvelle collection qui doit ‘’sonner scout’’. Mais sur la paternité de ce nom, les versions diffèrent, car Maurice de Lansaye comme Pierre Joubert pensent en être les inventeurs : Lansaye donne sa version en ouverture de l’album Les Chemins de l’Aventure édité en 1987 à l’occasion du 50e anniversaire de la collection Signe de Piste : « Serai-je tenté de dire : cinquante ans déjà ? Il ne me paraît pas si lointain le jour où j’ai trouvé que Signe de Piste serait un bon titre (et plein d’heureux présages) pour la collection à naître. Tel que je viens de l’écrire, il me semblait satisfaisant. Pourtant, avant d’en décider définitivement, je me souviens d’avoir posé sur le papier le problème du singulier ou du pluriel… Serait-ce plutôt « Signes de Piste » ou « Signe de Pistes » ? Je suis tout de suite allé au plus simple, plus facile d’ailleurs à traduire par le dessin, ce « logo » (comme on dit maintenant) qui devait atteindre assez vite une certaine notoriété. Mais, on en conviendra, signe d’une même piste ou signe qui mène à de nombreuses pistes, les deux évocations conviennent à cette longue série commencée il y a 50 ans et qui n’a pas fini de se dérouler. »

De son côté, dans ses mémoires, Pierre Joubert évoque lui aussi cette réunion préliminaire chez Alsatia : « Nous eûmes, Jacques Michel et moi, une entrevue avec les directeurs parisiens et alsaciens de la firme. Là, je planchais pour trouver un sigle, m’inspirant d’un tas de motifs : scouts, héraldiques, idéographiques… Tout à coup vint tout naturellement sous mon crayon le tipi indien stylisé surmontant la flèche.

C’est beau ! Qu’est-ce que c’est ? demanda la directrice de Paris : Mademoiselle Gilleron.

Euh… c’est un signe utilisé par les éclaireurs. Cela veut dire : camp dans cette direction.

C’est trop long ! On ne peut pas l’appeler autrement ?

– …ma foi c’est un signe comme un autre. Chez nous, on dit que c’est un signe de piste.

Eh bien voilà ! Signe de Piste… c’est merveilleux ça, Signe de Piste ! Et puis la tente et la flèche, superbe ! Adopté ! »

Quelle mémoire était la plus fidèle, on ne le saura pas ! Mais ainsi naquit une collection qui a dû publier dans les six millions de volumes. (Pierre Joubert, in « Souvenirs en Vrac »).

Le succès de la collection Signe de Piste sera énorme, à tel point que, juste après-guerre, on débaptisera la Librairie Alsatia, pour la rebaptiser : Au Signe de Piste. La devanture extérieure fera l’objet de travaux d’embellissement, recouverte d’un ensemble mural de claies de bois évoquant une hutte, ou un ‘’manoir’’ scout tel celui édifié jadis au camp-école de Chamarande. Cela évoquait aussi, pour les scouts, leurs réalisations dites de ‘’froissartage’’. Au début des années cinquante, Foncine fut un temps le directeur de cette fameuse librairie.

Revenons à la naissance de la collection Signe de Piste. Jacques Michel va recruter ses auteurs et illustrateurs au sein de la communauté Scouts de France. Il conservera ce poste jusqu’à la fin de l’année 1953. Toutefois, et en parallèle, il restera également codirecteur de la collection Le Feu de Camp des éditions J. de Gigord). Deux auteurs, avec deux récits d’aventures très dissemblables, et deux illustrateurs aux traits différents vont ouvrir le bal des publications. L’un se nomme Georges Cerbelaud-Salagnac, avec « Sous le signe de la Tortue » qui portera le n° 1 de la collection car, à l’époque, Cerbelaud-Salagnac était plus connu que Serge Dalens, et qu’illustrera André-Paul (venu de la rédaction des Scouts de France). L’autre est donc Serge Dalens, avec « Le Bracelet de Vermeil », n° 2 de la collection, auquel Jacques Michel donne une préface et qui sera illustré par Pierre Joubert. Avec ces deux premiers romans d’aventures, on lance la collection. Fin juin, les deux livres sont en librairie. Un encart publicitaire annonçant aux scouts la naissance de cette nouvelle collection est publié dans Scout (Scout n° 84 du 5 juillet 1937). Puis, quelques mois plus tard, un nouvel encart concernant toujours ces deux romans (Scout n° 91 du 20 octobre 1937). Instantanément le succès est au rendez-vous et, pour « Le Bracelet de Vermeil », c’est même un triomphe qui ne sera, jusqu’à nos jours, jamais démenti, faisant de ce récit l’un des best-sellers de la collection.

Avant d’aller plus loin, ouvrons une petite parenthèse à propos de la préface du « Bracelet de Vermeil » dans laquelle il apparaît, d’après ce que dit Jacques Michel dans son texte, que celui-ci fut quelques peu envieux du talent littéraire de son ami Serge Dalens. On veut bien le croire, et c’est peut-être ce qui va le pousser à mettre un terme à sa carrière d’écrivain. En effet, à partir de la publication du premier roman de Serge Dalens, en 1937, Jacques Michel ne fit pratiquement plus paraître d’ouvrages pour la jeunesse, à part un, en 1940.

D’autre part, une rumeur a souvent circulé, laissant croire aux non-initiés que Serge Dalens et Jean-Louis Foncine auraient créé la collection Signe de Piste. Il s’agit là bien entendu d’une pure légende : à l’époque, Serge Dalens est un auteur inconnu, et le « Bracelet » est son tout premier roman. Il évoquera d’ailleurs cette époque lorsqu’il retracera, avec son confrère Foncine, l’historique de la collection à l’occasion de son 40e anniversaire (La Fusée n° 4 – 40e anniversaire « Toute l’histoire du Signe de Piste » 1977). Quant à Jean-Louis Foncine, il n’a encore rien fait paraître dans la collection Signe de Piste à cette période. Donc, c’est bien Jacques Michel qui est choisi pour être le premier directeur de collection, et il est choisi par Mlle Gilleron à qui revient l’idée de proposer au président d’Alsatia de lancer une collection. Par contre, il faut reconnaître à Jacques Michel d’avoir dirigé, avant, Le Feu de camp qui est bien la première collection de romans scouts, et l’inventeur du genre en France…

Pour en savoir plus concernant l’histoire de la collection Signe de Piste

http://www.jeuxdepiste.com/lectures_lignes/laventuresdp.htm

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Du côté des scouts, le décorateur d’intérieur Pierre-Louis Gérin est transféré de la 14e Paris à la 131e Paris rattachée à la paroisse de Saint François-Xavier comme Assistant Chef de Troupe. Michel Rodde, Scoutmestre de la 13e Paris, fait paraître dans la revue Le Chef un long article relatant le camp de Pâques aux Baux de Provence (Le Chef n° 140 du 15 mars 1937). Au mois de mai, Pierre Lamoureux est nommé Chef de Troupe de la 131e Paris. Dans le même temps, le District de Paris Centre II se voit doté de deux nouvelles unités scoutes, une troupe et une meute, au sein de la 151e Paris. Elles porteront toutes deux un foulard aux mêmes couleurs que la 131e. Pierre-Louis Gérin est nommé Chef de Troupe de la 151e Paris et l’A.C.M., comprenez Assistante Cheftaine de Meute, Henriette Dumay, passe de la 131e à la 151e Paris ( Le Chef n° 142 du 15 mai 1937). En juillet, Pierre Joubert est nommé Chef de Troupe de la 14e Paris. Certains autres jeunes du groupe gravissent à leur tour les échelons du scoutisme : André Galibert, alias Gali, devient Assistant Chef de Troupe de la 14e Paris ; Hugues Homo, alias furet bavard, également, mais lui à la 151e Paris. De son côté, le chef du Clan Guy de Larigaudie est mis à la disposition du Commissaire de la Province d’île de France. (Le Chef n° 144 du 15 juillet 1937).

Du 29 juillet au 13 août, a lieu un événement exceptionnel pour les scouts : le Jamboree de Vogelenzang, dit du ‘’Chant des oiseaux’’, aux Pays-Bas, où vont se regrouper 28 750 scouts venus de 54 pays. C’est l’occasion, pour le fondateur du mouvement, Lord Robert Baden-Powell, qui vient d’avoir 80 printemps, de prononcer une allocution dans laquelle il fait ses adieux au Scoutisme : « Maintenant le temps est venu pour moi de vous dire au revoir. Je veux que vous meniez des vies heureuses. Vous savez que beaucoup d'entre nous ne se reverront plus jamais dans ce monde ». Les Cinéastes Routiers ramèneront un court-métrage, produit par Fiat Film, intitulé : Des Quatre Coins du Monde. C’est aussi lors de cette manifestation, que, le 7 août, Guy de Larigaudie et le routier Roger Drapier prendront au volant d’une vieille Ford cabriolet, ‘’Jeannette’’, le départ d’un très long voyage qui durera toute une année, le raid Paris-Saigon. Guy de Larigaudie, à chacune de ses escales, en contera un épisode dans Scout. Il en fera ensuite un livre : « La Route aux Aventures – Paris-Saigon en Automobile », qui paraîtra en 1948 (Plon).

En 1937, c’est aussi l'Exposition universelle de 1937, appelée également « Exposition internationale des Arts et des Techniques appliqués à la Vie moderne », à Paris, du 25 mai au 25 novembre. Léon Chancerel et son équipe vont créer à cette occasion, boulevard Kellermann, entre la porte d’Italie et la Cité Universitaire, un centre d’art dramatique disposant de plusieurs salles, le Centre Dramatique pour la Jeunesse auquel certains de nos amis boy-scouts collaboreront. « Le Centre Dramatique pour la Jeunesse, qui sera inauguré au sein de la classe ‘’Œuvre de Jeunesse’’, à l’occasion de l’Exposition, commence enfin à sortir de terre à l’annexe Kellermann. Nous en publierons le plan dans un prochain numéro. Le Centre sera naturellement ouvert à tous les groupements de jeunesse, mais en dehors des cours et travaux pratiques d’ordre général, chaque groupe adhérent au Centre conservera son autonomie, dans l’utilisation régulière des divers locaux et ateliers et l’organisation de son travail. L’art dramatique scout y aura large place. Je compte demander à Pierre Goutet et à Michel Richard, assistés de Pierre Joubert, Pierre-Louis Gérin, Paul Froger, André Cruiziat, Pecnard et quelques autres, d’assumer la direction et l’administration de ce ‘’service’’, lequel on le sait, nous est pour toutes sortes de raisons qu’il n’est pas besoin de rappeler, particulièrement cher » (Bulletin des Comédiens Routiers n° 4 & 5 de mars/avril 1937).

Cette année-là, pour nos amis scouts du District de Paris Centre II, le camp d’été à lieu à Jugeals-Nazareth, en Corrèze. En septembre, la couverture de Scout sera ornée d’une photographie de Pierre Lamoureux. A l’automne 1937, Pierre-Louis Gérin, Pierre Lamoureux, Pierre Joubert et Louis Heller font ensemble l’acquisition d’un grand chalet en Savoie, à 1650 mètres d’altitude, au pied de la station sport d’hiver de Moriond qui deviendra, après-guerre, Courchevel. Ils le baptisent « Montjoie ». Il sera, jusqu’au second conflit mondial, un lieu d’accueil pour les scouts en villégiature (Souvenirs en Vrac Editions Delahaye, 2009 page 122).

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En 1938, un adolescent, Paul Pergola, entre à la 131e Paris. On le retrouvera des années plus tard à Tarbes, dans la troupe de scouts raiders de Pierre Labat dont il était l’oncle et le parrain. Paul Pergola réalisa quelques unes des photographies qui illustrent l’ouvrage de son neveu, « Le Merveilleux Royaume », paru en 1954 dans la collection Signe de Piste (n°60) avec une préface du Commandant Jacques-Yves Cousteau.

C’est en février de cette année que Jean-Louis Foncine fait paraître son tout premier article dans Scout. Il s’intitule : « Ceux du S.R. » (Scout n° 98 du 5 février 1938). Pierre Delsuc est nommé Commissaire International intérimaire et Pierre-Louis Gérin Commissaire Assistant du District de Paris Centre II pour la branche scoutisme (Le Chef n° 150 du 5 février 1938).

En avril, Serge Dalens écrit une nouvelle pour Scout, juste signée de ses initiales et illustrée par Pierre Joubert : « Freddie, Piouk et la Forêt » (Scout n° 103 du 20 avril 1938). Ce texte est issu des « Contes du Bourreau » qui viennent d’être publiés aux Editions J. de Gigord dans la collection Mowgli. Louis Heller est nommé Assistant Chef de Troupe de la 13e et 14e Paris (Le Chef n° 152 du 5 avril 1938). En avril, pour les scouts de Saint-François-Xavier et de Sainte-Clotilde, camp de Pâques au milieu des pins de Hyères. Puis retour dans la capitale : le chef de troupe, Pierre Joubert, passe de la 14e à la 51e Paris, située au cœur du quartier populaire des Halles et rattachée à la paroisse Saint-Eustache (Le Chef n° 153 du 5 mai 1938). Ce changement ne sera pas un obstacle pour Joubert qui continuera à fréquenter ses scouts de la rive gauche. Et toutes ces troupes vont camper ensemble et les grands jeux vont continuer de plus belle, donnant naissance à des photographies prises sur le vif, à des illustrations couchées sur le papier, des pages et chapitres de récits ainsi que des chroniques et articles publiés dans les revues… Ce sera notamment le cas, après-guerre, lorsque Jean-Louis Foncine s’inspirera d’un de ces jeux pour la rédaction de son célèbre roman « Le Foulard de Sang ». Ou encore lorsqu’il fera paraître après-guerre, dans Scout, les exploits du fameux : « Grenouille de la 1er Les Halles ». Signalons d’ailleurs, pour les non-initiés, que cette dénomination de « 1ère Les Halles » est purement imaginaire : il s’agit d’une transposition, car c’est des membres de la 51ème Paris que Foncine s’est inspiré. Certains d’entre eux ont réellement existé. Le talentueux Robert Manson fixera sur la pellicule les moments forts de leurs grands jeux.

Début juin, paraît en librairie le premier roman de Jean-Louis Foncine auquel Romain Roussel, qui vient de se voir décerner le « Prix Interallié » donne une préface (celle-ci ne sera pas reprise ensuite dans les éditions suivantes). Ce premier opus, « La Bande des Ayacks », imposera d’emblée Jean-Louis Foncine comme l’un des prodiges du Signe de Piste. Cet ouvrage est, bien entendu, illustré par son complice et ami Pierre Joubert qui, par son trait inégalable, donne vie aux personnages et laisse libre cours à l’imaginaire des jeunes lecteurs. L’auteur n’oubliera pas ses amis : les tirages numérotés sur papier luxueux, dits ‘’de tête’’, seront offerts à son préfacier et à ceux qui lui ont inspiré ses personnages. Il dédiera son œuvre à la compagnie des Cinéaste-Routiers ainsi qu’à Louis Heller qui fut, toute sa vie, son ami, et qui était avant le chef de patrouille des Alouettes à la 13e Paris. (Il en est de même d’André Galibert qui resta ami avec Foncine toute sa vie).

Le talent de Jean-Louis Foncine lui avait permis de tirer d’un simple jeu scénique un roman pétillant de malice et d’humour, qui hypnotisa ses lecteurs en les faisant rire sur un sujet pourtant décapant, la révolte des jeunes dans une petite bourgade de province contre les règles sociales établies par des adultes embourgeoisés. Sujet moderne et audacieux pour l’époque. Le contexte social des années 30 n’était peut-être pas très éloigné de ce qui amena, 30 ans plus tard, la révolte de mai 68 (révolte qui fut d’ailleurs planétaire), avec un manque total de liberté pour les jeunes (« Nous n’avions qu’un droit : nous taire, aimait à dire Serge Dalens, et encore, il était question de nous le retirer ! »). L’explosion ‘’Yé-Yé’’ des années 60 était, elle aussi, une prise de pouvoir de la jeunesse. Jean-Louis Foncine évoquait souvent le parallèle. C’est ce qu’il dit dans l’interview (publiée ci-dessous) réalisée à l’occasion de la diffusion du film réalisé par l’ORTF : « …les adultes d’aujourd’hui, dans une large mesure, n’ont pas tenu plus compte des jeunes que ne le faisaient ceux d’autrefois. Et qu’ils ne leur laissent pas plus de place au soleil actuellement ». L’ouvrage, dès sa sortie, va s’arracher, et c’est un succès d’ampleur qui jusqu’à nos jours ne sera jamais démenti. Vendu à un million exemplaire et, à l’heure actuelle, toujours réédité pour la plus grande joie de ses jeunes lecteurs.

Le manuscrit avait été lu en une nuit par le directeur de collection de Signe de Piste, Maurice de Lansaye, qui avait su, une fois plus, déceler sans se tromper le talent de son auteur et la qualité littéraire que recelait l’ouvrage. La sortie en librairie a lieu au milieu de l’année 1938 et le livre s’inscrit dans la collection Signe de Piste sous le numéro 4. Car, dans le même temps, est publié, sous le n° 3, le roman de Guy de Larigaudie : « Le Tigre et sa Panthère », avec des illustrations elles aussi de Pierre Joubert. (Cet ouvrage était paru précédemment en feuilleton dans Scout). A l’occasion de la sortie de « La Bande des Ayacks », Scout publie un extrait qui a pour titre : « Le Trésor de Malaïac », illustré par Pierre Joubert. Alsatia prend un encart publicitaire annonçant la sortie du livre dans le commerce (Scout n° 106 du 5 juin 1938). Puis un second annonçant les deux nouveautés (Scout n° 108 du 5 juillet 1938). C’est aussi l’époque où un nouvel auteur publie ses premiers écrits en feuilleton dans les magazines du mouvement. Il se nomme Michel Bouts. Quelques mois plus tard, il donnera à la collection Signe de Piste son premier roman : « La Chasse de Saint Agapit » (n° 7) illustré par le talentueux Cyril Arnstam qui fait lui aussi, à cette occasion, son entrée dans l’équipe Signe de Piste. Quelques temps après, son frère ainé Igor, au trait radicalement différent, vient lui aussi intégrer l’équipe. Ces deux graphistes vont tour à tour marquer de leur empreinte la collection Signe de Piste.

Cet été là, les scouts vont camper en Touraine, dans le parc du château de La Fougeraie, dans la Sarthe.

Au mois d’octobre, Jean-Louis Foncine livre à Scout un second texte qu’illustre Pierre Joubert et qui s’intitule : « Une Visite au C.E.T.R.P.R.S.M.S. » (Scout n° 114 du 5 octobre 1938). Puis, le mois suivant : « L’Age des Cavernes ». Dans le même numéro, nouvel encart publicitaire Signe de Piste annonçant « La Bande des Ayacks » et un nouveau roman : « Le Mystère du Lac de Laffrey » (SDP n° 5), de Pierre Fuval, illustré par Camille Alby (Scout n° 116 du 5 novembre 1938). Récit que Pierre Fuval dédie à Maurice de Lansaye.

A l’automne, un certain Jean Léopold est nommé C.M., comprenez Chef de Meute, de la 1er Berck-Plage (Le Chef n° 157 du 5 novembre 1938). Il se fera connaître dans la littérature scoute sous le pseudonyme de Jean-Claude Alain. Il livrera, quelques années après, plusieurs volumes à la collection Signe de Piste, puis sera l’un des fondateurs, aux éditions Spes, de la collection Jamboree (active de 1952 à 1963) et sera également à l’origine du mouvement des Scouts Europe.

En décembre, dans Scout, nouveaux placards publicitaires Signe de Piste : l’un informe les lecteurs des cinq titres déjà existants ; l’autre vante la qualité littéraire du roman de Georges Cerbelaud-Salagnac : « Sous le Signe de la Tortue ». Dans le même numéro, on annonce la parution de l’ouvrage de Pierre-Louis Gerin et Pierre Joubert : « Beau Manoir » (Scout n° 118 du 5 décembre 1938).

« La Bande des Ayacks », qui bouleverse les règles sociales, crée la polémique auprès de certains éducateurs et chefs scouts, qui n’apprécient guère le roman. En décembre 1938, un rédactionnel ‘’presque anonyme’’, assez virulent, est publié dans les colonnes du Chef.



Cette attaque ne resta pas sans réponse comme on va le voir rapidement.

Les scouts vont passer les fêtes de fin année dans leur chalet de Moriond près de Courchevel et profiter des pistes enneigées désertes et de la joie de ce qu’on n’appelle pas encore les ‘’sports d’hiver’’.

De retour dans la capitale, Jean-Louis Foncine offre aux lecteurs de Scout, une nouvelle rédigée à Moriond et qu’illustre Pierre Joubert : « Petit Polot de la Vraie Montagne » (Scout n° 121 du 20 janvier 1939). C’est à cette période qu’apparait dans la revue Louis Simon, passionné d’art dramatique et de théâtre scout: il va être rédacteur en chef de Scout à partir de novembre 1940 (information portée en 4ème de couv. Du n° 156, nov. 40). Ceci jusqu’en avril 1945. Entretemps, le magazine change de nom et devient ‘’L’Escoute’’ où il figurera jusqu’au n° 200 de L’Escoute d’avril 1945. Après la Libération, c’est Jean-Louis Foncine qui sera nommé à ce poste (son nom mentionné en janvier 1946 dans le n° 205 de la revue dans lequel apparaît le désopilant poulbot « Grenouille »). A l’occasion, elle reprend son nom de ‘’Scout’’. Le duo Foncine-Joubert va révolutionner la présentation de la revue dans laquelle l’humour et un style très dynamique la rendent très attrayante. Mais cet humour n’est pas apprécié de tous : Foncine quitte la rédaction en mai 1947 (n° 221) et son ami Louis Simon revient.

En mars 1939, Le Chef ouvre à nouveau ses colonnes au sujet de la polémique de « La Bande des Ayacks ». Plusieurs chefs scouts prennent leurs plumes et répondent à l’attaque faite au récit.

 


Dès la publication de cette réponse, la polémique autour du contenu de « La Bande des Ayacks » pris fin.

Le 20 avril 1939, le numéro 127 de Scout publie le premier chapitre d’un nouveau roman de Jean-Louis Foncine : « Le Relais de la Chance au Roy », avec des illustrations de Pierre Joubert. Mieux : la couverture du journal reproduit une scène du roman. C’est dire l’importance que la rédaction donnait à l’œuvre dont elle avait compris qu’elle allait être un événement. Et chaque numéro suivant, jusqu’au mois de février 1940, verra paraître un nouvel épisode. On imagine l’attente des lecteurs, tenus en haleine chaque mois … A un certain moment (n° 138 du 5 octobre 1939), les illustrations qui accompagnent la parution de ces épisodes ne sont plus réalisées par Pierre Joubert : il a été rappelé sous les drapeaux, dans les Vosges, puis fait prisonnier, avant de s’évader du train qui l’emmenait en Allemagne via… la région de Meaux (cf « Souvenirs en vrac »).

A la mi-mai, encart publicitaire Signe de Piste, dans Scout, annonçant la sortie de « Quatre de la Gazelle », de Roland Denis, avec des illustrations du talentueux Sven (Scout n° 129 du 20 mai 1939). Dans le même temps, deux romans scouts : « La Maison Sous Les Eaux » et « Le Mystère du Tour de France » sont publiés aux Editions La Hutte. L’auteur, Henri Suquet, chef scout lui aussi, est connu des amateurs de fantastique et de science-fiction ou encore des anciens lecteurs de Cœurs-Vaillants, Lisette ou Pierrot. Il publiera aussi dans la collection Jean-François, le désopilant « On a volé le 2 de la rue ». Quelques années plus tard, il donnera au Signe de Piste, un roman très avant-gardiste : « Ciel-de-Cuivre », publié sous le numéro 35 et illustré par Cyril (Scout n° 134 du 5 août 1939).

Pendant que les scouts sont en camp d’été au cœur de la forêt Vosgienne, à Colmar, à l’imprimerie Alsatia, on met sous presse deux romans qui doivent sortir prochainement : l’un sera disponible dès la rentrée littéraire, l’autre au début de l’année suivante. Le premier est « Le Prince Eric ». Il paraît à l’automne 1939 avec des illustrations de Pierre Joubert. Il fera, on le sait, un succès colossal en étant vendu depuis sa parution, à plus d’un million d’exemplaires, ce qui l’a fait figurer dans le Quid parmi les 200 best-sellers mondiaux des 50 dernières années. Quant à l’autre ouvrage, il s’agit d’un conte de Jacques Michel intitulé « Trois Petits Enfants », illustré lui aussi par Pierre Joubert et qui sera disponible au début de l’année 1940. Publié sous forme d’album pour très jeunes lecteurs, il ne fait pas partie de la collection Signe de Piste.

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Le 3 septembre 1939, la France rentre en guerre. Certains auteurs seront prisonniers, d’autres n’en reviendront pas. Joubert, on l’a vu, s’évade, tandis que Foncine est fait prisonnier. Il réussit néanmoins à faire paraître, au printemps 40 dans Scout : « La Neuvième Semaine de Guerre de Poucet la Lune » dans lequel on trouve un dessin de Pierre Joubert représentant un fantassin assis sous une tente, unique réalisation graphique de ce dernier durant sa captivité (Scout n° 148 du 5 mars 1940 reproduit récemment in : « Pierre Joubert – Une vie d’illustration » – page 16 album-catalogue publié à l’occasion de l’Exposition du Centenaire de la naissance de Pierre de Joubert qui s’est tenue à Versailles – Editions Delahaye 2010 ).

On notera également qu’en septembre 1940, Pierre-Louis Gérin devient Commissaire National de la branche Scoutisme (Le Chef n° 173 de septembre 1940). Le numéro d’octobre du Chef ouvrira ses pages avec un texte de lui, rappelant à tous les valeurs du scoutisme.

Au printemps de l’année suivante, « Le Relais de la Chance au Roy » paraît dans la collection Signe de Piste. Louis Heller, l’ami de J-L Foncine, en est le préfacier et les illustrations, Joubert étant soldat dans les Vosges, sont réalisées par Cyril Arnstam dans un style très proche du meilleur Joubert (et parfois confondu par certains !). Le succès du roman sera lui aussi colossal, avec plus d’un million d’exemplaires vendus, et les rééditions vont se succéder jusqu’à nos jours sans discontinuer, faisant le bonheur de plusieurs générations de jeunes lecteurs.

Quant à la collection Signe de Piste, elle va, dans les années qui vont suivre, de par son succès grandissant, s’inscrire dans l’histoire de la littérature de jeunesse comme un véritable phénomène d’édition, poursuivant tranquillement sa route tandis que les collections concurrentes disparaissaient l’une après l’autre, pour fêter aujourd’hui ses 80 ans et étant ainsi la plus ancienne collection française de romans pour adolescents.

Conter son histoire serait trop long dans le cadre de ce petit texte écrit autour du « Jeu des Ayacks » et des années de démarrage du scoutisme.



Il reste justement à céder la parole à Jean-Louis, beaucoup plus tard, quand les Ayacks s’offrent un passage à la télévision. Faisons maintenant un large bond en avant dans le temps pour nous retrouver à la fin des années soixante. Le premier opus de Jean-Louis Foncine « La Bande des Ayacks » a, durant toutes ces années, remporté un vif succès auprès des jeunes lecteurs et les rééditions de ce best-seller de la collection Signe de Piste se sont succédées. Il a été adapté par deux fois en bande dessinée, traduit en allemand, publié outre-Atlantique, adapté en version dialoguée en disque microsillon dans les années cinquante. Quelques années plus tard, il sera traduit en différentes langues étrangères pour finir dans une très belle version album enrichie de pleines pages couleur avec un tirage de tête relié cuir sous emboîtage et enrichie de documents d’époque. Les Editions du Lombard en tireront également une bande dessinée illustrée par Benoît Roels. Elle connaîtra une consécration populaire hors du milieu scout, en 1986, en étant éditée par France-Loisirs avec un chiffre record de vente, pour la tétralogie, de 180 000 exemplaires, ce qui, pour des romans datant de la guerre constituait un résultat qui a surpris les dirigeants de France-Loisirs pourtant habitués aux très gros tirages. Et ce d’autant plus que cette tétralogie n’a de tétralogie que le nom, n’étant ni un roman en quatre volumes ni une série, les quatre récits n’ayant qu’une unité de lieu, le « Pays Perdu » dont le titre lui a été ajouté une fois le succès venu pour faire pendant à la tétralogie, bien réelle, celle-là, du « Prince Eric ». Bref, cet ouvrage publié pour la première fois en 1938, est un succès éditorial rare.



Pour couronner le tout, c’est la télévision qui s’est intéressée à cette impérissable « Bande des Ayacks ». De nombreux projets cinématographiques avaient été engagés mais, hélas, sans jamais voir le jour. Celui de l’ORTF fut le bon.








Jean-Louis Foncine nous a quittés voilà bien des années. Mais le romancier a laissé en héritage une œuvre littéraire riche d’aventures palpitantes qui ont enchanté des générations d’adolescents et qui sont devenus des classiques de la littérature de jeunesse.

Christian Floquet

BIBLIOGRAPHIE





ÉDITIONS ALSATIA (dans la collection Signe de Piste)

Les Chroniques du Pays Perdu

I. Le relais de la Chance au Roy, roman

II. La Bande des Ayacks, roman

III. La Forêt qui n'en finit pas, roman (première édition : collection Joyeuse, Alsatia, 1949).

IV. Le Foulard de sang, roman



Les Forts et les Purs, roman

Le Glaive de Cologne, roman

La Caverne aux épaves, roman (Signe de Piste Junior)

Les Canards sauvages, roman

Entracte, récit autobiographique

La Bande des Ayacks (album luxe avec dessins couleurs et archives-photo).



Sous le pseudonyme de Charles Vaudémont :

Le Trésor de la Sonora, roman.



En collaboration avec Serge Dalens,

Le Jeu sans frontières, roman

Les Fils de Christian, récits



En collaboration avec Jean-François Pays

Hier la liberté, roman



En collaboration avec Antoine de Briclau

Le Lys éclaboussé (ou la survie de Louis XVII), roman



Les enquêtes du Chat Tigre

En collaboration avec Serge Dalens et Bruno Saint-Hill, sous le pseudonyme de Mik Fondal.

L'Auberge des trois guépards, roman policier

Les Galapiats de la rue haute, roman policier

L'Assassinat du Duc de Guise, roman policier

Pas de chewing gum pour Pataugas, roman policier

Le Piano des princes Darnakine, roman policier

La Bible de Chambertin, roman policier (en collaboration avec J.F. Bazin)

La D.S. de Creil, roman policier

Télémik ou le crime de Mitou, roman policier

La Guêpe et les Frelons, roman policier

Panique sur la butte, roman policier

Versailles Vougeot ou l'affaire de Larches, roman policier

Mik et la pierre du soleil, roman policier

L’Affaire Marmouset, roman policier



ÉDITIONS DU LOMBARD

Le Relais de la Chance au Roy, bande dessinée

La Bande des Ayacks, bande dessinée

Les Galapiats de la rue haute, bande dessinée

La Forêt qui n'en finit pas, bande dessinée.



HÉRON ÉDITIONS

Un si long Orage, chronique d'une jeunesse

I. Les Enfants Trahis

II. Les eaux vertes de la Flöha



ÉDITIONS BIAS

Scouts du monde entier, histoire anecdotique du scoutisme mondial



ÉDITIONS ALSATIA

En collaboration avec Jean-François Bazin et Bruno Kornprobst

Petit lexique de la subversion



ÉDITIONS ELOR

Contes des Pays Perdus, reprise de contes parus dans Scout ou dans les Fusées.

Yan (La Caverne aux épaves).



Le FAMILISTERE (publications réalisées par Miranbeau & Cie).

Le Trésor de la Sonora, Roman, 64 vignettes de Pierre Joubert, 1960.

Le petit roi des Gitans, Roman, 64 vignettes de Pierre Joubert, 1961.

Sabotage au Grand Prix, Roman, 72 vignettes de Pierre Joubert, 1962.

Cadet et Cadette à Tokyo, Roman, 72 vignettes de Pierre Joubert, 1963.





Remerciements

Christian Floquet témoigne sa gratitude à tous ceux qui se sont mobilisés pour lui permettre de rendre hommage à Jean-Louis Foncine et de réaliser cet article commémorant le 80e anniversaire de la parution de « La Bande des Ayacks » : Merci à Madame Corinne Desmettre, responsable des Archives des Guides et Scouts de France, ainsi qu’à Madame Maryse Romain, à Messieurs Christian Lamoureux, Alain Gout, Pierre Vaultier, Yves Combeau, Jean-Jacques Gauthé, Eric Bargibant, Joseph-Henri Cardona, Jean-Marie Vonau, Janik Pikula, Michel Bonvalet, Ainsi qu’au « Réseau Baden-Powell », aux Editions Delahaye, sans oublier les équipes de l’I.N.A., les associations et sites internet : « Scoutisme, Patrimoine et Collections », « Honneur au Scoutisme », ainsi qu’aux animateurs et aux sites : « Romans Scouts », « Scoutopedia », « 27paris.net », « Signe de Piste », « Carnet2bord », Et, bien entendu, au site : « Jeux de Piste » et à son webmaster qui accueillent cet hommage.



©2018 Christian Floquet


Pour mémoire : Dernier entretien avec Jean-Louis Foncine et hommages :

http://www.jeuxdepiste.com/interview/interviewfoncine.html

http://www.jeuxdepiste.com/lectures_lignes/foncine.html


http://www.jeuxdepiste.com/lectures_lignes/souvenirfoncine.html