fiche
lecture
CIEL DES SABLES
LA CAVERNE DU TEMPS
Daniel Valiant : Daniel Rousseau
Michel Bonvalet
Voici deux romans qui se suivent et forment à eux deux la
saga de Cédric Asgard le Viking, de Daneris son compagnon, son frère et
d’Ingwild la sœur de ce dernier, tous trois enfants de Blaakilde au pays de
Nordfjord…ainsi que de leurs compagnons d’aventures.
Ils sont parus en 1976 dans la collection « Le Nouveau
Signe de Piste ». Le premier a reçu le « Prix des moins de 25
ans » qui ouvrait la voie de l’écriture à de jeunes et talentueux auteurs.
Daniel Valiant (Daniel Rousseau pour l’état civil) a tenu à
rééditer ces œuvres à son propre compte sous le label Editions Jeanne de Rozereuil pour raisons personnelles.
La qualité du travail de l’auteur, son enthousiasme et le
succès rencontré par les premières éditions nous ont incités à réaliser cette
fiche lecture en souhaitant qu’elle donne envie de découvrir ou de redécouvrir
une littérature qui sortait de l’ordinaire des Signe de Piste habituels.
Pour acquérir ces romans il suffit de s'adresser
directement à l’auteur ou sur le Net à :
http://www.thebookedition.com/advanced_search_result.php?keywords=Ciel+des+Sable
et
http://www.thebookedition.com/la-caverne-du-temps-daniel-rousseau---daniel-valiant-p-95538.html
Les illustrations
et la couverture réalisées par Pierre
Joubert ont été reprises avec l’autorisation de ses héritiers. On peut
regretter que l’impression électronique gâche un peu la qualité des lavis en
laissant apparaître la trame. Toutefois les ouvrages sont de qualité et
trouveront aisément leur place dans une bibliothèque.
Il est à noter
que ces romans peuvent être également chargés en Pdf à prix minime et que d’autres
romans du même auteur sont présentés sous la même forme.
L’auteur, qui
tient beaucoup à transmettre ces deux romans à une nouvelle génération de
lecteurs a cherché le moyen le moins onéreux de le faire sans dépendre d’un
éditeur. C’est un acte courageux et
personnel qui l’oblige à assurer lui-même sa promotion et ses ventes.
Daniel
Valiant nous conte une histoire ou l'aventure se mêle aux légendes qui ont toujours entourées les migrations et les
invasions des peuples nordiques.
Ciel des Sables
raconte l’exode de Cédric, fils du jarl Blaakhilde (le chef élu) entouré de ses
compagnons chefs de clans, contraints de fuir leur pays après l’assaut mené par
le roi Olaf de Norvège désireux d’imposer le christianisme aux tribus, par la force, en s’assurant en même
temps un régne sans partage. Il mène une guerre de religion pour
dominer et les chrétiens n’y ont pas le beau rôle, mais ainsi va l’histoire.
Trahi par son
propre frère, le jarl perd la vie et les Vikings sont contraints de se rendre
pour éviter un massacre. Les principaux chefs dont Cédric fils de Warmoroy et
ses amis les plus chers s’embarquent sur le « Ski des brisants »
à la recherche d’une nouvelle terre qui pourra les accueillir dans la paix
au-delà du Ciel des sables (ainsi nommait-ils la mer du Nord).
Le premier roman
nous fait participer avec force aux différentes péripéties de ce voyage et aux
découvertes engendrées. Ces combattants perdus sont bien décidés à revenir un
jour reconquérir leur royaume volé et offrir une nouvelle terre promise à ceux
du peuple viking qui n’ont pu les suivre dans leurs aventures
.
La Caverne du
Temps, deuxième partie de la saga, nous relate le retour, la victoire puis le
départ, de nouveau, accompagné cette fois de nombreux drakkars chargés
d’émigrants. Le roi Olaf a perdu la bataille mais il dispose d’une telle force armée que
les dissidents sont contraints de fuir vers la terre découverte par Cédric et
ses compagnons.
Le récit devient,
au fil des pages, de plus en plus
onirique, mêlant légendes et croyances au récit proprement dit. Dans la caverne
du temps se croisent passé, présent et avenir sans ordre logique.
Cédric, le héros,
montre ses faiblesses et ses ambitions. Ce n’est plus qu’un homme qui se laisse
prendre au jeu de l’amour, mais aussi à celui du pouvoir et de la cruauté
jusqu’à cette fin surprenante qui mélange le temps en essayant de nous égarer.
L’ensemble est
passionnant, bien dans la ligne du Signe de Piste historique. Aucune mièvrerie
ni grands sentiments exacerbés. Le
lecteur se laisse prendre au jeu essayant de deviner si Cédric pourra échapper
au destin qui l’attend dans la caverne du temps.
Un vrai thriller
au temps des Vikings.
ADDITIF:
Analyse de Philippe Maurel sur Ciel des sables (2016)
La
commune renommée a fait un sort rédhibitoire aux Vikings: peuplade
sanguinaire, qui ne connaît pas la peur (Astérix est passé par là),
barbare et belliqueux. Le saisissant contraste avec les paisibles
habitants actuels de leurs contrées d'origine ne doit pas fair oublier
qu'ils furent aussi, avant les navigateurs portuguais, les premiers
explorateurs européens. Nos paysages gardent encore la mémoire de leurs
ambitions invasives. Tout le val de Seine, du Havre jusqu'au plateau de
Langres a été façonné par la résistance aux avancées de ces hommes du
Nod dont les menées agressives ont fini par s'estomper par un jeu
d'alliances qui a achevé de les soumettre à l'autorité du roi de
France. Une manière comme une autre de concevoir une politique
d'intégration.
Le
SDP a des liens très anciens avec les peuples scandinaves. Outre les
quelques romans consacrés aux Vickings (La fille du roi Sigurd), la
Norvège est le pays natal du Prince Eric. A l'instar du jeune
souverain, ses compatriotes ont une longue tradition de voyage, d'exode
ou de migration. "Le voyage de Niels Olgersson au dessus de la Suede",
mais aussi les romans de Hamsun ou de Moberg, racontent ce tropisme
consistant à chercher un ailleurs, d'autres horizons qui les révèlent à
eux-mêmes plus qu'ils ne les protègent ou les enrichissent. Souvent, le
bannissement est à la source de cette fuite. L'esprit d'aventure
est tout autant inspiré par une volonté de rédemption que d'épopée. Ce
thème est au coeur du roman de Daniel Valiant.
Cédric
est un adolescent de 14 ans, fils d'un Jarl, le chef de clan qui décède
peu après son retour d'expédition, à la suite d'une traitrise d'un
potentat voisin. Le jeune garçon doit, à la fois, réaliser son
idéal de liberté pour lui et les siens et honnorer la mémoire de son
père en se montrant à la hauteur de sa lignée. La menace vient de ce
roi de Norvège, Olav, qui s'est laissé séduire par les sirènes d'une
religion monothéïste venue des bords de la Médieterrannée, et dont les
vélléités hégémoniques sur les autres communautés, invite à la révolte.
Battu au cours d'un combat titanesque, Cédric est condamné à
s'expatrier avec 7 autres comparses. Partis d'Islande avec pour
destination un pays de cocagne, le petit groupe traverse un océan et
sans le savoir sera le premier contingent d'européens à mettre le pied,
quelques siècles avant les passagers du Mayflower, sur un rivage
paradisiaque...ou presque.
Les
Vikings ont-ils été les premiers à découvrir l'Amérique? Les historiens
ne paraissent pas avoir définitivement tranché la controverse. Mythe ou
réalité ? Finalement qu'importe puisque ce qui prévaut c'est la
représentation d'une "terra incognita", inviolée et vierge de toute
corruption civilisatrice, apte à laisser s'épanouir les aspirations des
hommes à la liberté et à l'utopie d'une prospérité partagée. Le rêve
américain n'est pas une invention de notre modernité, elle habite le
coeur des hommes en quête d'émancipation depuis toujours.
Sur
cette trame, l'auteur entremêle intrigue romanesque et étude
historique (anthropoligique serait d'ailleurs l'adjectif adéquat).
Sont, en effet, décrits les rites claniques, les rouages qui
composent l'architecture du pouvoir, les références mythologiques qui
servent de mortier à l'ensemble mais aussi les rivalités ou les
frustrations que le sysrème a laissé affleurer. Nous sommes quelques
années avant l'an mil, à l'époque en Europe prennent corps des
organisations politiques, ancêtres de l'Etat-Nation. L'auteur rend
ainsi palpable ce processus de cristallisation verticalle du pouvoir,
avec son corrollaire, la tyrannie sanguinaire et en fait le fond
d'écran de son intrigue romanesque. Les deux vont aller de
pair et mutuellement se féconder, délestant le récit d'un poids
d'érudition ankylosante en y instillant le souffle épique des sagas
scandinaves.
L'aventure
commence ici par le bannissement. C'est une sorte de péché originel qui
inaugure le voyage, à la fois initiatique et rédempteur. Les
personnages s'élèvent au dessus de leur condition après avoir été
punis de leur tentative de sédition. Il est des pénitences qui
valent ainsi des onctions. L'exil a, au bout du compte, valeur de
baptème: il ouvre à l'essentiel et confine à l'expérience spirituelle.
Le monde s'unifie alors autour de valeurs encore inédites quand
s'éloignent les figures de la cosmogonie païenne, reléguées désormais
au rang de belles histoires, celles d'avant la maturité. On retrouve là
un sujet plusieurs fois abordé dans les ouvrages de la collection. En
laissant de coté "Le manteau blanc", on peut citer le trop déalissé
"Joel sous les étoiles" ou l'injustement oublié "Baldur de la forêt" et
qui nous renvoie à une idée qui fait toujours polémique, à savoir que
le christianisme a partie liée avec la naissance de l'idée Européenne.
Cédric,
Daneris, Inwild et quelques autres, agés de moins de 15 ans, illustrent
cet adage qui a donné son nom à une émission télévisée: il faut donner
à tout enfant des racines et des ailes. L'enracinement est ici localisé
dans les montagnes cotières et escarpées du royaume du Nord et les
ailes symbolisent leurs aspirations à un loitain qui peut aussi prendre
le chemin d'une ascèse intérieure.
Le
livre appartient aussi à la veine des romans maritimes du SDP. Une
solide tradition l'inspire et auquel le récit apporte sa pierre
(ou plutôt sa voile ou son cabestan) Tous ont en commun de laisser
l'étonnement submerger ceux qui en sont partie prenante et qui leur
permettront de jeter par dessus bord les supersitions séculaires.
Un
attrait supplémentaire non négligeable du roman: le style, aspect
toujours un peu occulté dans les commentaires des ouvrages de la
collection. Il épouse parfaitement son sujet, riche, flamboyant qui
pioche allègrement dans le vocabulaire des langues germaniques
anciennes , sans qu'on éprouve jamais le besoin de se reporter à un
lexique ou une note en bas de page qui mettent des freins à la lecture.
Contextualisé à bon escient, le sens du mot est immédiatement
appréhendé sans recherches fastidieuses.
Le
livre m'avait échappé à sa sortie. C'était en 1976, j'étais en seconde.
Mes années lycée ont mis (provisoirement) un terme à mon compagnonage
avec le SDP. Nul doute qu'avec la superbe couverture de P.Joubert je me
serais quand même laissé tenter par ce "Ciel des sables" titre qui
évoque à la fois une sensation tactile et une impression d'apesanteur
aérienne que n'aurait pas renié Rimbaud, l'homme aux semelles de vent.
Le roman a reçu le prix des jeunes de moins de 25 ans en 1976. L'auteur
n'est plus agé aujourd'hui de moins de 25 ans et son humble lecteur non
plus. Sauf lorsqu'il se plonge dans l'histoire de ce jeune viking il y
a un peu plus de 1000 ans, comme quoi ce ciel des sables ne garde
pas les empreintes de l'âge.
©2013 Michel Bonvalet
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