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fiche lecture
Le Bachi
Pierre-André Bernard
Jean-Marie Vonau
Merveilleux
roman de la collection « Signe de Piste », sur fond
d’esprit scout – l’esprit de service -, dont l’action se
situe au milieu des années 50, tout aussi bouleversant pour moi, en
le relisant aujourd’hui, que lorsqu’on me l’avait fait
découvrir en son temps, vers mes 16-17 ans !
Tout
commence par la rencontre mouvementée, sur la Seine, près de Vernon
(dans l’Eure) des embarcations de deux adolescents passionnés de
navigation : Jacques, scout-marin (et raider-scout), Chef
d’Equipage, et François, scout « terrien » mais
qui s’ennuie dans sa Troupe qu’il ne trouve pas assez exigeante
pour lui. Ce sera le début d’une amitié qui traversera tout le
roman, avec des hauts et des tensions.
Autour
de ces deux-là, se joindront d’autres scouts : Gaby, Loïc,
Pierre, Didier,… mais aussi des gamins non-scouts qui aimeraient le
devenir. Le roman raconte la genèse classique des Patrouilles
Libres, marines, en l’espèce : celles des « Mouettes »
et des « Goélands » sont un bel exemple de la vie scoute
de l’époque qui reflète certainement l’expérience de l’auteur
(qui fut lui-même un scout de la Troupe du célèbre Pierre Labat,
décédé lors d’une plongée au large de Toulon, en 1955).
D’ailleurs, après quelques péripéties qui sentent le scoutisme
vécu à plein nez, nous apprendrons au fil de l’intrigue que ces
patrouilles ‘Scouts de France’ feront partie d’une Troupe
Marine qui vient de se créer sous la responsabilité du frère de
Jacques , la Troupe Marine 1ère Labat, dont nous suivront
l’évolution sur plus d’une année et qui va vivre des aventures
passionnantes au camp de Pâques puis au cours de son premier camp
d’été (bonjour, « le grand-jeu » marin !)…
Entre
parenthèse, voilà un bel exemple, certes romancé, d’implantation
du scoutisme en s’appuyant sur le dynamisme des jeunes et les
ressources adultes locales ! Ceux qui pratiquent aujourd’hui la
pédagogie scoute dite « unitaire », qui ressemble
beaucoup à ce qui se pratiquait dans les années 50 chez les Scouts
de France et qui ont entendu parler de l’offre « raiders
scouts » de Michel Menu, ne devraient pas être dépaysés par
le repère pédagogique qui traverse ce roman-là. Les autres, comme
les actuels Scouts et Guides de France mais pas qu’eux, ne seront
pas étonnés par les multiples allusions au jeu des équipes et au
soin que la Maîtrise de la Troupe et son Aumônier accordent à la
progression individuelle de chaque scout, à celle de chaque
patrouille ainsi qu’à celle de la Troupe entière. C’est à
l’évidence un éducateur scout expérimenté qui a écrit ce
bouquin …
C’est
aussi un fin connaisseur de la mer, de ses dangers, et des techniques
marines : un point d’appui qui enrichira l’intrigue
narrative : le lecteur peu averti y apprendra au passage le b a
ba du vocabulaire du marin de plaisance, tendance scouts marins !
Mais
la technique – scoute, marine – au sein de la petite société
scoute est vaine sans l’esprit scout ! (qu’on se
rappelle, dans un autre registre, le mot définitif de Rabelais :
« Science sans conscience n’est que fausse science »…).
C’est justement ce qui va créer des tensions entre François, son
ami Jacques et quelques autres scouts de la Troupe. L’un s’appuie
sur des savoir-faire techniques (des faire-valoir aussi).
Aujourd’hui, on dirait qu’il y en a qui « se la pètent ») !
François envie le prestige de son CE (Chef d’Equipe) lorsqu’il
porte l’insigne raider : « ça fait bien ! »,
s’attirant une réplique cinglante de l’un de ses frères
scouts : « Si tu considères seulement l’insigne raider
comme une décoration destinée à ‘faire bien’ sur un uniforme,
tu n’es pas près de le mériter… ». Idéaliste, Jacques
comprend que son ami, focalisé sur les seules techniques de
navigation, n’a pas compris le sens et la valeur profonde de
l’idéal scout : « Vois-tu, dans les bonnes troupes, le
fanion d’honneur ne se donne jamais pour de simples raisons
techniques. Les Chefs voient avant tout l’esprit de la patrouille,
l’union de ses membres, la discipline en mer et sur terre, la
fidélité à la Loi scoute, l’esprit de service … ».
Bien-sûr,
on est dans du romanesque quoique reflétant bien ici, me
semble-t-il, l’état d’esprit de ce qui pouvait se vivre à
l’époque dans les troupes qui essayaient de vivre un haut idéal
de vie, inspiré tant par les Raiders-Scouts Scouts de France que
par les nombreux exemples de militaires de l’époque, pouvant aller
jusqu’au « sacrifice héroïque de leur vie ».
La
troisième et dernière partie du roman est alors à la fois dure
pour le lecteur, pris par la beauté de l’intrigue et qui s’est
probablement pris d’amitié pour le héros (hélas Jacques de
Kervern donnera sa propre vie pour sauver une autre vie), mais
rédemptrice pour François (qui sauvera le petit Michel qu’il
avait méprisé comme indigne d’être scout) qui prendra la
responsabilité des Goélands, en souvenir et en fidélité de son
ami et avec l’approbation de la Cour d’Honneur de la Troupe).
Oui, il y a du pathos, là : alors préparez vos mouchoirs…
mais c’est tellement bien écrit que l’on s’y laisse prendre.
Aujourd’hui,
on ne verrait peut-être plus les choses au travers de ce prisme
exigeant et idéaliste : quoique, qui sait !… Je pense
toutefois qu’il faudrait mettre au jour, ici ou là, dans les
unités scoutes, ce qui se vit d’idéal, d’élevé, avec l’air
de ne pas y toucher et qui mériterait quand même d’être mis en
valeur.
Vous
dire enfin combien j’aime beaucoup la postface exaltante de cette
captivante traversée littéraire, même si, pour un lecteur
d’aujourd’hui, cette finale pourrait s’entendre comme
désuète :
«… La suite de ce livre, petit frère, tu l’écriras toi-même
en coiffant le beau Bachi blanc et en venant mener l’aventure avec
nous… » !
Une
dernière remarque : les illustrations de Pierre Joubert
ainsi que la page de couverture sont magnifiques, de mon point de
vue. Elles soulignent judicieusement les moments-clés du récit.
Pour ma part, c’est tellement vrai que chaque illustration me
rappelle les impressions précises que m’avait inspiré le texte
correspondant !
Bonne
lecture, les amis !
Témoignage de l'auteur Pierre-André Bernard :
extrait d’un texte in l’album « Les chemins de
l’aventure – 1987 »
J'avais quinze
ans. Dévoreur de livres et en particulier de Signe de Piste, j'avais
découvert par eux le scoutisme, et en particulier le scoutisme
raider correspondant à la soif d'absolu des adolescents de ces
premières années cinquante. Rêvant d'être marin, je m'étais bien
sûr tourné vers la forme marine du scoutisme.
Mon idole
s'appelait Pierre Labat. Il avait écrit chez Signe de Piste, un
appel à reconstituer l'ordre du Temple, « Le manteau blanc »,
et deux livres qui m'avaient particulièrement touché :
« Deux rubans
noirs » qui présentait le scoutisme raider, et «
Le merveilleux royaume » qui présentait une forme particulière d'activité
scoute-marine, la plongée. Et cet été-là, j'avais la joie de
participer avec Pierre à un stage de formation plongée, à Saint
Mandrier.
Découverte du
monde sous-marin et de ses techniques, mais aussi longues veillées
chaudes, où l'on discute.
Ce soir-là,
j'avais attaqué Pierre sur un point précis : « Le merveilleux
royaume, la plongée, c'est bien ; mais pourquoi n'avoir pas vraiment
écrit un livre présentant le scoutisme marin dans son ensemble, la
mer, la voile ? » Et de la fougue imaginative de mes quinze ans
jaillissaient des idées, tout un scénario...
Et chez Pierre un
sourire et une suggestion : « Essaye donc d'écrire tout cela, nous
le reverrons et le publierons ensemble ».
Le lendemain,
Pierre Labat se tuait en plongée, avec nous.
Ce livre, j'ai
alors voulu l'écrire seul.
Louant une
vieille machine à écrire, apprenant à taper, comptant dans mon «
Deux rubans noirs » préféré le nombre de mots d'une page, le
nombre de pages d'un chapitre, découvrant le vieil adage : « un
livre, c'est 10 % d'inspiration et 90 % de transpiration...»
Il me fallut deux
ans pour en venir à bout, en arriver à l'envoi du manuscrit du
Bachi rue Cassette, chez Alsatia. Un long, très long silence. Un
beau jour, je retrouvai d'anciens participants du stage fatal
souhaitant voir ce qu'avait donné cette idée co-paternée avec
Pierre Labat. J'écrivis donc rue Cassette pour demander qu'on me
renvoie le manuscrit (unique!) qui visiblement ne les intéressait
pas... et cette fois, par retour, je reçus une lettre de Jean-Louis
Foncine m'informant que ce livre allait bel et bien être publié
sous peu, illustré par Pierre Joubert, et qu'on avait simplement
oublié de m'envoyer le contrat avec chèque joint, je retournai le
contrat signé... sans avoir le moindre droit de le faire puisque
j'avais 17 ans et demi alors (la majorité était à 21 ans, en ces
temps reculés...).
Le chèque
m'obligea à avouer à mon père que j'avais distrait une partie du
temps voué aux sérieuses études d'ingénieur entreprises
entre-temps pour me livrer aux démons de l'écriture, ce qui ne fut
pas le plus facile de la réalisation de ce premier livre, «
LeBachi ». (…)
Pierre André
BERNARD
©2016 Jean-Marie Vonau
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