fiche lecture


Le Doigt tendu

Claude Raucy



Michel Bonvalet


J’ai trouvé ce roman flamboyant !

Il m’avait été conseillé par un ami mais je n’imaginais pas que je le lirais d’une seule traite, sans reprendre souffle, alors que je suis plutôt du genre lent à la lecture.
Dès la première page, les aventures de Pierre, cet ado, juif, dans le Bruxelles de 1941, m’ont tenu en haleine.

Non pas par l’aspect téméraire, car bien évidement la situation et l’époque se prêtait au danger et aux risques particulièrement dramatiques, mais par sa façon  de vivre ces évènements,  avec les angoisses et les joies de son âge et sa capacité à rebondir et vivre pleinement sa jeunesse.

L’histoire aurait pu faire l’objet d’un roman noir traitant de la persécution des Juifs et des Tziganes par les Nazis et la Gestapo. Il est vrai qu’à la fin du roman, Pierre n’a plus grand-chose à voir avec l’enfant qu’il était trois ans auparavant.  La souffrance et la peur sont des sentiments qui font vieillir, et l’adolescent est devenu mature malgré lui.
En dépit du drame dont sa dénonciation (le doigt tendu)  par celui qu’il considérait comme son meilleur ami, ses souvenirs sont emprunts d’humanité, de juvénilité et d’amour.

Le talent de l’auteur réside par des phrases courtes, sans fioritures, à faire ressentir au lecteur les multiples déchirures qui griffent en profondeur le cœur du jeune homme.
D’abord son amitié trahie, puis la disparition de ses parents, l’affection du vieux tzigane, lui-même hors la loi, qui le cache à Paris et enfin l’amour trouvé auprès de Rebecca, qui n’aura pas l’avenir escompté.

C’est la première fois qu’un roman paru dans la collection Signe de Piste parlait ainsi ouvertement d’amour  entre deux jeunes et d’échange du premier baiser. Pierre et Rebecca nous ramènent par la plume de Claude Raucy à cette joie profonde et intense des amours adolescentes de notre propre jeunesse.

L’art de l’auteur est de traiter d’un sujet grave qui nous touche au plus profond de nous-mêmes sans porter de jugement définitif, nous aidant ainsi à mieux comprendre l’attitude et le comportement du héros. Il expose les faits sans aucun voyeurisme mais aussi sans concession.

Les Juifs arrêtés revenaient rarement des camps et sans le savoir de façon officielle, Pierre mesure sa chance d’avoir rencontré François, ce vieux violoniste qui l’a caché si longtemps au risque de se voir dénoncé à son tour.

A la fin du roman, Pierre sera obligé de choisir entre la réalisation de sa vengeance et le refus de devenir à son tour un délateur. Son choix sera celui du cœur mais l’interrogation demeure sous jacente : Peut-on devenir le tortionnaire de son tortionnaire?
C’est une question que chacun peut se poser quand il est confronté à une situation de ce type.

Il n’y a pas de pardon de la part de Pierre, mais le refus de condamner.

Un beau, un très beau roman qui fait honneur à la collection Signe de Piste.
Il est dommage qu’il soit paru à une époque où la collection commençait à se porter mal et n’a donc pas fait l’objet de réédition, d'autant qu'il a eu une suite.

Par contre il est paru en 2007 aux Editions Mijade en Belgique.
Je ne sais pas si cette édition utilise les très belles illustrations de René Follet, qui sont à souligner tout particulièrement.

Bibliographie :

-Le mur des Sarrasins, La Dryade, Virton, 1976.
-Cocomero, Duculot, Gembloux-Paris, 1983 (Coll. Travelling, n° 65). Rééd. Ed. de la Page, 2004.
- Le temps des cerises, Duculot, Gembloux-Paris, 1984 (Coll. Travelling, n° 70); trad. allemande Die Zeit der Kirschen, Herder, Freiburg, 1987.
- Ecrase, négus!, Duculot, Gembloux-Paris, 1986 (Coll. Travelling, n° 79). En collaboration avec Christian Libens.
- Les coprins chevelus, Duculot, Gembloux-Paris, 1987 (Coll. Travelling, n° 82).
Le doigt tendu, Signe de Piste, Paris, 1989 (Coll. Signe de Piste, n° 144). Rééd. Memor, coll. Couleurs, 2000. Deuxième édition en 2001. Rééd. Ed. Mijade, Namur, 2007; coll. Memor.
- L’auberge de l’Antoinette, La Dérive, Verviers, 1991. Prix Baron de Thysebaert 1990.
- Le concerto pour la main gauche, Casterman, Tournai-Paris, 1994 (coll. Travelling, n° 112).
- Un cocker en or, La Dérive, Verviers, 1996 (coll. Ardenne Junior, n° 1). En collaboration avec Christian Libens (illustrations de Luc Foccroulle). Rééd. Memor, Bruxelles, 2001.
- Fous pas le camp, Nicolas!, Memor, (Coll. Couleurs), Bruxelles, 1997.
Comme une cicatrice, Trécarré, coll. Jeunes du monde, Saint-Laurent (Québec), 1997.
- Plus loin que la lune rousse, coll. Sméraldine, Luce Wilquin, Avin 1998 (premier volume d’une trilogie historique intitulée Lorenzo).
Le château des contes, Trécarré, coll. Jeunes du monde, Saint-Laurent (Québec), 1998.
Tu voles, Grégoire, Trécarré, coll. Jeunes du Monde, Saint-Laurent (Québec), 1998.
- Les mirabelles auront des ailes, Memor, Bruxelles, 1998.
Comme deux gouttes d’eau, Averbode, 1999. Coll. Récits express.
- Sous le ciel de la coupole, Luce Wilquin, Avin, 1999 (deuxième volume de la trilogie Lorenzo).
Morts-sur-Semois, Bernard Gilson Éditeur, Bruxelles, 2002.
Six poils de teckel mauve, Averbode, 2002. Paru en néerlandais sous le titre Zes haren van een paarse teckel.
Un lapin éternel, Averbode, 2002. Paru en néerlandais sous le titre Rozemarij, en Pepijn.
Le garçon de Wannsee, Memor, Bruxelles, 2002.
Un air tzigane, Memor, coll. Couleurs, Bruxelles, 2002. Ce roman est la suite du Doigt tendu.
Le sac de Yasser, en collaboration avec Martin Lagneaux, Memor, coll. Couleurs, Bruxelles, 2003.
Les renards de Perros-Guirec, Averbode, 2004, coll. 7 en poche.
Des cerfs-volants blessés, Ed. Labor, coll. Espace J, Bruxelles, 2005.
Un garçon bien sage, roman autobiographique, Memory Press, Erezée, 2006.
 
Biographie : Le plus simple est de lire la bio de Claude Raucy sur son propre blog
http://clauderaucy.wordpress.com/




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