fiche lecture
LE MANTEAU BLANC
Pierre LABAT
par Michel Bonvalet
Le Manteau Blanc que vient de rééditer les éditions Delahaye
fut le 2ème roman de Pierre Labat après Conrad, sorti en 1950, il
rencontra un beau succès auprès des lecteurs de la collection Signe de Piste.
L’auteur tira son récit d’un jeu qu’il organisait par
épisode avec ses scouts de la Troupe 3ème Tarbes qu’il dirigeait.
Fidèle à une habitude qu’il utilisa dans chacune de ses œuvres, le Chef Pierre
s’inspira d’un de ses compagnons Raider-Scout marin pour tracer le portrait
physique du héros de son roman.
C’est donc celui qui lui a servi de modèle dont vous pourrez
retrouver des extraits de l’interview qu'il a accordé dans le cadre de l'article Hommage à Pierre Labat (en cours de préparation).
C’est une histoire qu’il faut impérativement replacer dans
le contexte de l’époque (1948/1950) et de guerre qui opposait les Israéliens
aux Palestiniens et aux Anglais qui se disputaient Jerusalem et les lieux
Saints (chrétiens comme Israelites). Le hasard étant par nature imprévisible,
la situation actuelle de l’état d’Israel et de la Palestine, en guerre avouée,
peut provoquer des réactions à la lecture d’un roman qui prend pour thème la
protection des lieux Saints au moment où ceux-ci étaient vraiment menacés.
Profondément croyant et prêt à offrir sa vie pour sa foi,
Pierre Labat, encore militaire
en Allemagne est allé jusqu’à proposer ses
services, en son nom et en celui de jeunes Chrétiens (Scouts ou non) au
général Chargé de Mission des Chevaliers de Malte, pour protéger les
lieux Saints en formant
une sorte de croisade moderne (type ONG) destinée à sauvegarder les
églises
chrétiennes installées en Palestine.
Ci-dessous, le courrier en question :
De nos jours cette proposition apparaîtrait dangereuse, dans
le cadre du conflit que nous connaissons, d’autant que certains extrémistes
fanatiques pourraient utiliser l’argument du roman en falsifiant les intentions
de l’auteur.
D’où, la nécessité de se reporter 60 ans en arrière pour
découvrir ce texte, proche du récit historique, qui inspira un grand nombre de
jeunes en exaltant leur christianisme et leur goût des sociétés secrètes.
Le livre de Pierre Labat est remarquablement bien écrit et même si le
propos est parfois un peu exagéré, il s’appuie sur des faits historiques hélas
dramatiques : L’arrestation, la torture puis la disparition sur ordre de
Philippe Le Bel des Chevaliers du Temple sous prétexte que leur influence et
leur soit disant richesse dépassait celle du Roi de France.
Jean-Marie est scout marin dans la patrouille de Baudoin qui
devient son ami. Ce dernier appartient à un ordre de chevalerie moderne (Pierre
Labat avait lui-même créé un ordre de chevalerie au sein de sa propre troupe).
Un Routier de retour de terre sainte, sénéchal de l’Ordre, transmet au chef de
patrouille copie d’un parchemin qui relate, par épisodes, la vie d’Amaury,
jeune orphelin devenu Chevalier du Temple qui vécut l’extermination de l’Ordre.
L’histoire est si envoutante que lorsque la proposition lui est faite,
Jean-Marie accepte de devenir Chevalier à son tour.
Le Grand Maître de l’Ordre envisage d’organiser une croisade
pour protéger les Lieux Saints et affrète à cet effet deux bateaux pour
transporter les volontaires. (On ne peut s’empêcher de penser à la croisade des
enfants relatée par Marie Morreau-Bellecroix dans Les Trois Pastoureaux -Signe de Piste n°20
-1947).
De sombres menaces pèsent sur l’organisation de cet
évènement qui gêne certains milieux politiques douteux qui souhaitent l’abandon
définitif du projet.
L’histoire prend un tour romantique et dramatique à la fois
d’autant que l’innocent Jean-Marie deviendra victime et martyr de sa foi.
Les parents contemporains, avec la prudence quasi maladive, et
justifiée, qui nous gouverne, hurleront en lisant le texte magnifique qui tente
de justifier ce sacrifice, on peut les comprendre. En ce temps-là, les scouts
avaient montré leur maturité durant la guerre et rien ne semblait interdit aux
jeunes chefs du mouvement.
Sans doute le propos de Pierre Labat est-il dicté par sa
vision idéalisée de la chrétienté moderne et de ses jeunes serviteurs mais sa
vie est à l’exemple de ses jeunes héros, mystique, exaltée, s’étant donné pour
mission de tenir sa promesse scoute : Servir Dieu, l’Eglise et sa Patrie jusqu’à la
limite de ses forces. Ci-dessous la préface originale du roman sous son premier titre: Le Jeu des Templiers
Un livre prenant, une aventure hors du commun !
Il nous éclaire peut-être mieux sur les réactions de
certains jeunes (de tous bords) devant les évènements dramatiques qui
sillonnent quotidiennement les médias.
NB : jeuxdepiste.com rendra un hommage à Pierre Labat
en
présentant sa vie, son œuvre et les témoignages de ses compagnons,
lesquels diront combien il a suscité de vocations qui ont rejaillies sur
leurs carrières.
Un être attachant, un meneur d’homme, un Chef Scout
exemplaire, un auteur qui compte beaucoup dans la collection Signe de Piste. Le Manteau Blanc Pierre Labat Illustrations de Pierre Joubert Collection Signe de Piste Editions Alsatia 1950 Editions Delahaye 2014
En Vente : Carnet de Bord
Annexe:
Extrait de l’interview
d'un des compagnons Scout Marin de Pierre Labat :
-Pierre Labat était un
chef un peu sévère mais c’était très exaltant car il nous proposait toujours
des aventures à la limite de nos possibilités. Il nous faisait entièrement
confiance et savait que nous saurions nous débrouiller et trouver les solutions
aux problèmes que nous pourrions rencontrer. Il nous avait formés pour
cela. C’était très motivant.
J’ai quitté la troupe
à la fin de 1949 pour aller vivre au Mans (Sarthe) où j’ai rejoint la 7ème
qui était une troupe marine, mais en 1951, je suis revenu à Tarbes participer
au camp d’été avec Pierre et Jean-Noël comme assistant, c’était toujours
sympathique de retrouver tous les copains.
-Parlait-il de ses romans ?
-Pierre était un
conteur né, c’était un plaisir de l’écouter.
Lors des veillées il nous lisait les dernières pages qu’il avait écrites
comme celles du « Manteau Blanc » dont l’histoire prenait corps au
fur et à mesure que nous vivions l’aventure en direct durant nos grands jeux.
C’était un type tout à
fait hors du commun. Non seulement nous sentions les histoires qui ont servi de
bases à ses romans mais bien souvent nous les avions vécues. C’est vrai pour
« Conrad » comme pour « Le Manteau Blanc » ainsi que pour
mes camarades qui, par la suite ont participé aux camps de plongée sous-marine
au large de Toulon et dont Pierre s’est inspiré pour rédiger « Le
Merveilleux Royaume »
-L’avez-vous connu adolescent ? Quel genre de garçon
était-il ?
-Hélas, je ne connais
personne qui l’ait connu dans son adolescence, mais son caractère était plutôt
rêveur et romantique, entraîneur sans nul doute. Il avait une grande part de
romantisme puisqu’il rêvait que la jeunesse puisse délivrer les Lieux Saints.
En ce qui concerne la
période « allemande » de Pierre, c’est-à-dire celle des années 45 à
48, lorsqu’il vivait Outre-Rhin et qu’il faisait partie des troupes
d’occupation, il est à peu près certain que plusieurs jeunes scouts de sa
troupe l’ont inspiré pour créer les personnages de son roman « Conrad ». Lorsque Pierre évoque « Michou »,
il est fort probable que celui-ci soit calqué sur mon ami Michel, lui aussi
fils d’officier de l’armée d’occupation, qui fit partie de la troupe que Pierre
dirigeait à Baden-Baden. Bien entendu Michel, alias « Michou », serait
certainement l’un des rares à pouvoir parler de Pierre à cette époque.
-Parlez-nous de son aventure avec Cousteau ?
- Pierre a plongé
plusieurs fois avec l’équipe du Commandant Cousteau, notamment en 1953, lors
des fouilles sous-marines d’une épave datant de la Grèce antique, échouée au
large de Marseille.
Je suis allé sur l’île
du grand Congloué en compagnie de Pierre et de quelques-uns de mes camarades de
la troupe durant les congés scolaires de Pâques 1953. Nous y sommes restés une
quinzaine de jours pour effectuer avec l’équipe du Commandant Cousteau des
fouilles sous-marines par 40 mètres de profondeur. Evidemment de nos jours, il existe des clubs
de plongée un peu partout, mais à l’époque il n’était pas possible de se
procurer des bouteilles dans le commerce, seule la marine nationale et Cousteau
en possédaient. Ce qui est certain c’est que, grâce à Pierre et à cette
expérience, j’ai eu la passion de la mer
et de ses profondeurs, que je n’ai
jamais cessé d’explorer ensuite.
Dans la troupe de Pierre,
Jean-Noël et moi étions chefs de
patrouille, lui CP des Ecureuils et moi celui des Chamois. Bien que
concurrents, nous nous entendions très bien. Yves T*, qui était mon second
de patrouille, est devenu officier de marine et a fini sa carrière, je crois,
au grade de capitaine de vaisseau. (*La mémoire joue parfois des tours, rectification d'Yves T. après avoir lu cet entretien : ... ma carrière s'est déroulée essentiellement dans l'Armée de terre
(dans l'Artillerie de Montagne) et non dans la Marine, et terminée avec le grade
de Colonel et non de Capitaine de vaisseaux, avant de quitter l'Armée et de
prendre une situation dans le civil ! )
-Pierre Labat était passionné par les Chevaliers du Temple.
Etait-il membre d’un ordre de chevalerie ?
- Pierre avait créé un
ordre de chevalerie qui avait pour nom « Notre Dame du Temple » dont
il était le grand Maître, mais il était
aussi en contact avec des membres de l’Ordre de Malte. Je me souviens qu’il a
évoqué cela en nous disant un jour qu’il avait, par le passé, écrit à certains
membres de l’Ordre, car une personnalité venait d’être assassinée quelques
temps auparavant (le Comte Bernadotte).
Il me semble qu’il ait même envisagé de publier certains de ses échanges
épistolaires dans son romain « Le Manteau Blanc ».
Saviez-vous que Pierre Labat avait un talent de dessinateur
et qu’il avait réalisé quelques illustrations pour accompagner ses
manuscrits ?
-Oui, je me souviens que Pierre dessinait, il avait
réalisé dans notre local scout plusieurs grandes fresques. C’était un véritable
touche à tout de talent.
...suite de cet interview dans le cadre de l'hommage à Pierre Labat.
©2014 Michel Bonvalet |