fiche lecture
LE ROYAUME DU GHOUL
Philippe Maurel
par Michel Bonvalet
Le père de Thibaut purge une peine de prison pour avoir
puisé dans la caisse de l’entreprise dont il était directeur financier en
mettant celle-ci en difficulté et au bord de la faillite. Son épouse et ses
deux enfants Thibaut et Hilda, ruinés et sans ressources sont contraints de
s’installer dans un cité HLM de la banlieue est de Paris.
Outre le contrecoup de la situation, mal supportée par la
famille à présent démunie, l’arrivée de ces nouveaux pauvres provoque des
remous au sein des habitants de la cité, d’autant que certains voient leur
situation professionnelle, dans l’entreprise où le père de Thibaut a sévi,
menacée de licenciement ou de
remaniement.
D’entrée le jeune garçon est agressé verbalement par une
bande de quartier et traité de "Gaulois" en raison de sa couleur de peau.
Dans cette ambiance pour le moins morose, Thibaut doit
reprendre les cours dans un collège nouveau et de moins bonne réputation que
celui qu’il vient de quitter. Seul son voisin d’escalier, Malik, un jeune maghrébin
victime de la polio lui apporte soutien et amitié.
Il va se heurter à Hafid et sa bande, rencontrer Benoit
l’animateur judoka, Ken le gitan dealer à ses heures, le lieutenant de Police
Le Gallec qui essaye de créer de véritables liens entre les habitants et les
forces de l’ordre…
La vie habituelle d’une cité refermée sur elle-même avec ses
petits drames, ses joies, son insécurité et la solidarité de ses résidents.
Philippe Maurel dans sa relation n’hésite pas à dévoiler les
faces blanches et noires de cette vie communautaire avec ses multiples
différences, sans faux semblants, se basant sur son expérience de magistrat.
Tout n’est jamais tout noir ou tout
blanc. Il demeure l’espoir. La vie de Thib prendra un tour inattendu au fil des
pages, de ses rencontres, de ses études et de ses luttes.
Plus qu’un roman relatant une aventure, c’est une gazette du
quotidien de ces grandes barres de banlieue
où la vie n’est plus jamais tout à fait calme et sereine.
Le propos n’est ni moralisateur ni stigmatisant. Chacun peut
essayer de comprendre et de chercher une solution pour régler les multiples
problèmes engendrés par la cohabitation et la pauvreté. Les éducateurs tentent
d’arbitrer les différents souvent liés à la couleur de peau, à la religion, à l’inaction
due au chômage massif. La police tente de faire respecter l’ordre public en
dépit des caillassages et des charges
intempestives de CRS. Les jeunes survivent en bandes et un jeune CP scout
tente de dispenser sa bonne parole et sa générosité….
Tous ne seront pas sauvés mais quelques-uns redresseront la
tête fièrement pour s’intégrer dans la vie d’adulte qui les attend avec un bagage et une
réelle appréhension des difficultés de la vie communautaire mais aussi de cette
formidable possibilité offerte par la solidarité.
C’est un roman réaliste dont on ne tire pas de morale mais
surtout de l’espoir, ce maître mot cher à la collection Signe de Piste, et à
Serge Dalens, en particulier, qui en faisait
la conclusion essentielle de ses romans.
Philippe Maurel nous dévoile un réel talent de narrateur
agréable et « facile » à lire. Ses personnages sont bien campés et
nous accompagnent encore longtemps après avoir refermé le livre.
Ce roman est un Signe de Piste même si le label lui a été
refusé par un comité de lecture qui n’a pas vraiment compris la
modernité du récit. Il en comporte tous les ingrédients sans, bien sûr, s’appesantir
sur le scoutisme, pourtant présent sous sa meilleure facette. On peut l’apparenter
à des romans classiques tels que
« Les Voleurs » de Dalens ou « Le Coup d’envoi » de
Philippe Avron.
Il traite de sujets qui nous concernent tous et, pour certains, nous préoccupent
quotidiennement. Il amène à réfléchir et
c’est la base même d’un bon roman.
Voici le résumé qu’en fait l’éditeur sur son site :
La cité, Thib un jeune
bourgeois de la belle banlieue n'en entendait jamais parler. S'imaginer y
vivre, encore moins... Alors, lorsque son père, cadre supérieur dans la grande
entreprise locale, est accusé de détournement et jeté en prison, sa mère sans
ressources, sa grande sœur et lui n'ont plus qu'une solution : habiter un
logement HLM dans cette cité.
Il doit quitter son
collège, ses amis, ses loisirs. Il découvre la vie quand on est pauvre.
S'il est froidement
accueilli par une bande qui fait la loi dans la cité, il rencontre aussi un Rom
hors normes, qui deviendra son ami.
L'auteur dépeint toute
une galerie de personnages hauts en couleur.
Et ce gardien du
chantier de construction devant ses fenêtres, quelle drôle de vie doit-il avoir
? Et pourtant... Heureusement qu'il est là...
A lire pour en savoir plus sur ce monde étrange qui côtoie
la grande ville.
Pour se le procurer : http://editions-du-jasmin.com/
Ou chez Amazon.
©2014 Michel Bonvalet |