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fiche
lecture
LES FORTS ET LES PURS
&
LE
GLAIVE DE COLOGNE
Jean-Louis
Foncine
Par
Michel Bonvalet
Ayant
eu récemment un travail à effectuer sur un récit
de Jean-Louis Foncine (ses mémoires que je recommande pour
tous ceux qui aime ce grand auteur : Un si long orage
), j’ai éprouvé le désir, le besoin même, de me
replonger dans l’œuvre de cet écrivain aux multiples facettes, qui
a tant donné à la jeunesse et à la collection Signe
de Piste qu’il codirigea après avoir participé à
sa création dès 1937.
Il bénéficia très rapidement d’une renommée
méritée grâce à ses deux premiers romans cultes
: La bande des Ayacks et Le relais de la Chance au Roy,
suivis de La forêt qui n’en finit pas, plus
particulièrement destiné à la collection Joyeuse
(à l’époque, heureusement révolue, où les garçons
et les filles ne jouaient pas dans les mêmes cours de récréation
et donc ne devaient pas lire les mêmes livres)
Deux romans sont venus plus tard, qui m’avaient fortement touché
lors de leur parution, qui s’adressaient aux ados et plus particulièrement
aux apprentis Raiders nombreux à cette période. Les Forts
et les purs et Le glaive de Cologne que j’ai relus
avec le même plaisir et la même motivation que lors de ma jeunesse
scoute.
Dans le même temps et par conscience professionnelle, j’ai relu
les critiques de ces deux romans faites pour l’album Pierre Joubert-Signe
de Piste et les ai trouvé quelque peu injustes, mais chacun étant
libre de ses pensées, à ce titre, je respecte ce qui a été
écrit, sans mettre en doute la bonne foi du signataire.
En effet, même si le ton est différent des premiers SdP,
le style comme la trame de ces deux romans ne me semblent pas d’une qualité
inférieure et si l’auteur fait preuve d’une certaine habileté
romanesque, c’est bien parce que les deux histoires qu’il nous narre sont
en phase avec les préoccupations des ados de l’époque, tout
juste sortis de la guerre et pourtant quelque part ouverts à l’Europe
des jeunes pour un avenir garantissant la paix.
C’est faire également peu de cas du mouvement Raider de Michel
Menu que de le limiter à un un replâtrage d’une éducation
en perte de vitesse, alors que ce mouvement a fait vibrer un grand nombre
de jeunes scouts, prêts à tout offrir au service du prochain.
Les dissensions survenues à l’intérieur du mouvement ont
abouties à sa suppression mais ne l’oublions pas aussi à la
perte de vitesse du scoutisme. Tendance qui semble s’inverser aujourd’hui.
Jean-Louis Foncine me fait penser à Joubert
son ami d’enfance, tant ils se ressemblent dans la description et le réalisme
des scènes et personnages qu’ils décrivent, l’un par le dessin,
l’autre par les mots. Ils furent inséparables pour donner les vraies
dimensions aux héros qu’ils ont crées.
Je recommande donc au lecteur qui plongera dans l’un ou l’autre ou les
deux romans, d’oublier, le temps de la lecture, la vie contemporaine et ses
« facilités », de faire quelques pas en arrière
dans le temps et de se souvenir que des enfants, des adolescents ont souffert
d’une guerre cruelle et destructrice qui a laissée des blessures profondes
dans les deux camps.
Elles ne se sont pas immédiatement cicatrisées. Ces deux
romans portent des messages d’espoir, bien avant la chute du mur de Berlin,
la réunification de l’Allemagne et la création effective de
la communauté européenne.
Ils portent en eux le germe de la fraternité entre les ennemis
d’hier pour créer l’Europe d’aujourd’hui.
Les Forts et les Purs :
Ce n’est pas pour rien que Jean-Louis Foncine a dédié
ce livre à Michel Menu et à ses bérets verts,
car ce roman est une ode aux Raiders et à la technicité moderne
qui manquait au scoutisme de l’époque. Un peu comme si, aujourd’hui,
un romancier oubliait l’existence d’Internet, du téléphone
portable, la télé et la conquête de l’espace, autant d’évènements
survenus après l’écriture de ce récit.
On ne peut éternellement jouer aux indiens même si l’écologie
et le respect de la nature demeurent la règle fondamentale.
Les Raiders étaient l’espoir, partiellement réussi, d’aguerrir
les meilleurs du mouvement au seul but de servir le Pays et son prochain.
Certains ont pu être choqués de l’intrusion dans les jeux de
techniques de communication utilisées par l’armée : radio,
mécanique, topographie avancée, raids… surtout pour un mouvement
s’adressant à des jeunes de 12 à 17 ans…peut-être est-on
allé trop vite ou trop loin à une époque ou se terminait
la guerre d’Indochine et ou débutait la guerre d’Algérie. Le
côté préparation militaire n’avait pourtant qu’un seul
but : servir.
L’équipe de Michel, le chef, a immédiatement été
séduite par cette façon différente d’être Scout.
Nul besoin d’être ingénieur ou mécanicien pour utiliser
les techniques, l’effort, la complémentarité, le bonheur d’apprendre
et d’être ensemble avec un but commun suffit à motiver l’équipe.
Et Michel est un leader incontestable qui a l’art de donner envie de se
surpasser. Un don.
Pourtant un mystérieux message radio revenant à intervalles
réguliers vise le chef de Patrouille en l’invitant à un rendez-vous
d’honneur sous peine d’être taxé de lâcheté.
Michel finira par rencontrer Guy, un jeune sauvageon qui lui voue une
haine inexpliquée au point de menacer sa vie.
Loin de repousser le curieux garçon, Michel retourne la situation
en l’incorporant dans l’équipe et le fera participer aux différentes
missions qu’il a fixé pour objectifs : Grand jeu, réfection
d’une église….Des péripéties liées à la
formation de Raiders de l’équipe, qui les mèneront dans les
Vosges, au Hohneck.
La haine s’est transformée en simple inimitié…. Puis en
fuite lorsque Michel évoquera son frère mort pour la France.
Il faudra toute la foi, le courage et l’amitié du chef pour retrouver
Guy et lui faire comprendre qu’il ne peut y avoir de haine entre eux, leur
parcours sentimental étant très proche.
On peut trouver cette histoire un peu romantique, prétexte à
mettre en avant l’esprit Raider, d’en faire la promotion, voire d’être
un peu angélique, pourtant le sujet abordé est grave, il aborde
les exactions commises, les dénonciations et la complexité
de l’âme humaine exacerbée par les conflits.
Ce qui m’a rassuré, c’est que des dizaines d’années après
avoir lu cet ouvrage, il m’a fait rêver encore d’un monde meilleur.
Soulignons au passage les fortes illustrations de Joubert qui soulignent
les caractères des héros avec son immense talent.
Le Glaive de Cologne
Sorti trois ans plus tard (1954), ce roman s’inscrit comme une sorte de
suite à l’aventure des Forts et les purs, d’autant
que le chef de la patrouille scout-raiders, qui tient la première
place du récit, n’est autre que le narrateur du précédent
roman.
Cette fois l’affaire prend une toute autre allure et se déroule
pour la plus grande partie sur la terre allemande. Un pays que l’auteur connait
bien pour y avoir passé, malgré lui, 5 ans de sa jeune existence
comme prisonnier de guerre, en semi liberté.
Jean-Louis Foncine ne dissimule pas son admiration
pour le peuple allemand qui a su si rapidement et courageusement se reconstruire
et pour le pays en général, où les forêts profondes
lui rappellent son cher Pays Perdu.
Il compatit à la souffrance des habitants avec lesquels il a partagé
lors de son séjour obligatoire prolongé, les angoisses, les
tourments et les massacres dus aux bombardements intenses (voir Un
si long orage).
La patrouille raider de Jean-Claude reçoit une invitation à
se rendre en forêt noire sur la demande d’un prêtre qui se fait
messager de Wolfgang, un jeune Pfadfinder, qui a connu le père d’Olivier
(3ème de patrouille) lorsque ce dernier était prisonnier de
guerre évadé.
Hans le frère ainé de Wolfgang est un ancien de la Hitlerjugend
blessé au combat en 1945.
Les raiders, acceptant l’invitation du prêtre viennent monter un
grand jeu auquel va participer toute la jeunesse locale. Dans le même
temps il vont aider leur camarade a tenter de démêler l’histoire
curieuse et ambiguë de la disparition du père d’Olivier, exécuté
après une dénonciation anonyme auprès de la Gestapo.
Se pourrait-il qu’il eut été dénoncé par le
petit garçon blond dont il parlait dans ses lettres et auprès
duquel il retrouvait la chaleur et la tendresse de son propre fils ?
Sur fond de grand jeu (dans lesquels le chef Foncine devait exceller
lors de son long séjour aux scouts), l’auteur nous présente
cette Allemagne profonde qu’il a parcourue de long en large.
Le personnage de Wolfgang a d’ailleurs vraiment existé et avait
donné son amitié à l’auteur avant de périr à
son tour sous les bombardements.
Au-delà du drame vécu par les deux adolescents, l’amitié
finira par vaincre la haine, la rancœur née d’une situation insupportable.
On parle d’honneur, de loyauté et parfois le jeu se mêle
à la réalité en une sorte d’écheveau indémêlable.
Sans omettre le rôle du personnage énigmatique et froid du
frère ainé, Hans, sur qui pèsent les soupçons
qui nuisent à l’harmonie de la fratrie.
Le ton est parfois trop empreint de bons sentiments, d’espoir d’une
amitié entre les deux peuples qui viennent de s’entre déchirer.
La guerre est déjà du passé, il faut reconstruire et
Foncine, le Lorrain, est convaincu que seule la jeunesse
pourra faire table rase de ce passé pour bâtir l’avenir jusqu’à
ce que s’effacent les blessures et les souvenirs avec les nouvelles générations.
C’est un livre généreux, riche d’espoir pour la réalisation
de l’Europe, et la gravité du texte est exempte de cette malice, de
cette légèreté propre à l’auteur.
Mais ces deux romans ont ouvert la porte à d’autres histoires (exemple
: l’équipe des 4 nations) au sein de la
collection, qui nous permettent de mesurer aujourd’hui le chemin parcouru.
Vente chez
: carnet2bord
©2009 Michel Bonvalet |
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