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fiche
lecture
Michel Bonvalet
Ca se lit comme un Signe de Piste, ou
plutôt comme un Rubans Noirs ou comme un Campus contemporain.
On y trouve
tous les ingrédients qui ont fait et font le succès de ces
collections : Aventures romanesques, amitiés adolescentes, amour, drame,
l'ensemble dans un décor dur et réaliste, mais aussi, comme
dans les romans de Gérard Viguié ou Edith Lesprit,
une histoire qui touche à l’actualité quotidienne de pays lointains
qu’on a tendance à "oublier" pour ne pas se sentir trop concernés.
Ajoutons
les questionnements propres à l’adolescence et le contact avec une
réalité débarrassée de toute hypocrisie et qui
fait mal.
Muchacho
n’est pas un Signe de Piste, mais une Bande dessinée, réalisée
par Emmanuel Lepage, qui nous prend aux tripes dès les premières
planches.
Gabriel de
la Serna est séminariste, il est également dessinateur et peintre
de talent. A-t-il choisi cette voix ou ses parents, membres de l’intelligentsia
du Nicaragua, proches du dictateur Somoza en place, ont-ils orienté
sa vocation ?
Afin de réaliser
une fresque dans une petite église éloignée de la capitale,
Gabriel va se rendre à Managua en bordure de la forêt nicaraguayenne.
Il va découvrir la vie de ces villageois menacés par la Garde
nationale et ses instructeurs Yankis, oppressés, torturés voire
tués pour quelques amitiés avec le mouvement révolutionnaire
sandiniste qui résiste à la dictature. Il va vivre l’injustice,
la pauvreté poussée à son paroxysme, la foi aussi, celle
du père Ruben qui va lui montrer le chemin et la sienne dont il va
finir par douter.
Il sera torturé
à son tour, battu pour avoir voulu protéger ses nouveaux amis.
Il va trahir, se reprendre pour finalement entrer dans la Guérilla.
En même
temps il va découvrir l’amour… et ses désillusions.
Emmanuel
Lepage réussit ce tour de force de raconter en BD la rencontre
d’un adolescent avec l’amour qu’il porte à un homme. Sans choquer,
sans inutiles provocations graphiques, il cerne ce trouble naissant qui envahit
la vie de Gabriel au sein d’un groupe en fuite, poursuivi, traqué,
rencontrant le danger à chaque instant. Cette peur qui exacerbe
les sentiments et en particulier celui d’exister par l’autre, grâce
à l’autre.
L’auteur
a choisi de narrer un épisode de la révolution sandiniste
en 1976, sous la forme de cette aventure d’un jeune séminariste et
fils de famille confronté à l’existence misérable, mais
aussi enjouée parfois, des paysans nicaraguayens.
Une Bd difficilement
classable car hors des sujets habituellement traités.
La qualité
de l’histoire, de la mise en scène, se la dispute à celle
des dessins et aquarelles d’Emmanuel Lepage.
Le récit
se déroule comme un film (d’ailleurs Muchacho a reçu
le 15 avril 2007, le prix Monaco de la meilleure Bande Dessinée
adaptable).
C’est une
véritable aventure humaine que la traversée de la « jungle
» par ce petit groupe de fuyards (on imagine le martyr enduré
par Ingrid Betancourt en Colombie, prisonnière depuis cinq
ans des F.A.R .C.), harcelés par les hordes de soldats appuyés
de leurs molosses, étouffés par cet enfer vert où toute
faiblesse est immédiatement sanctionnée par la maladie ou la
mort.
Il y a une
forme de mysticisme dans cet épisode de la vie de Gabriel de la Serna,
refoulant ses pulsions, découvrant la vraie vie, améliorant
son talent d'artiste en « soulevant la peau des choses ». Il
y a aussi du Chemin de Croix dans sa fuite à travers la forêt.
Il y a tant de signes évidents ou non qu’il faut lire attentivement
les deux tomes de Muchacho pour découvrir le message que transmet
Emmanuel Lepage à travers les cases de ses planches.
L’auteur
se révèle en totale maîtrise de son art de conteur et
d’illustrateur.
Il mérite
toute notre admiration à ces deux titres et Muchacho mérite
de prendre place au panthéon des romans d’aventures jeunesse en compagnie
des plus grands.
Muchacho
est la seconde Bd que nous incluons dans notre rubrique « fiche de
lecture », et nous en sommes d’autant plus fiers que l’auteur avait
déjà réalisé en tant qu’illustrateur, les deux
volumes de L’envoyé en BD/Signe de Piste. (Huguette Carrière,
adaptation de Georges Pernin pour les éditions Le Lombard).
Emmanuel
Lepage fut également l’ami de Pierre Joubert auquel il
a dédicacé le premier volume de Muchacho (ainsi qu’à
Renée Joubert), nous avons d’ailleurs cru déceler
dans une case un personnage ressemblant étrangement au Maître
( ?).
Ce dernier
portait un grand intérêt au jeune dessinateur ayant sans doute
découvert, outre ses qualités humaines, le grand talent dont
il fait preuve dans ses réalisations.
Emmanuel
Lepage, avec Muchacho, s’affirme comme une des valeurs sures de
la bande dessinée française.
A lire et
à apprécier case après case !
NB/ Nous avons consacré à Emmanuel Lepage une «
Rencontre au coin du net » sur ce même site ou vous
pourrez découvrir sa bibliographie.
Muchacho (volumes1 et 2)
Emmanuel Lepage
Collection Aire Libre
Editions Dupuis 2004 et 2006
©2007 Michel Bonvalet |
:Emmanuel
Lepage
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